Brasme J.F., Morfouace M., Grill J., Martinot A., Amalberti R., Bons-Letouzey C., Chalumeau M. Delays in diagnosis of paediatric cancers: a systematic review and comparison with expert testimony in lawsuits, Lancet Oncol 2012; 13: e445–59
Etude effectuée conjointement sur les retards diagnostics sur cancers pédiatriques à partir a) d’une vaste revue de littérature sur le sujet et b) de l’analyse fine des dossiers de plaintes de la MACSF et d’un registre Canadien couvrant 95% des médecins (Canadian Medical protective Association) pour étudier particulièrement le contenu des expertises et les décisions de justices qui en avaient résulté.
La revue de question a retenu 98 études sur un total de 6412 études publiées sur les retards diagnostics dans les cancers pédiatriques. 56% de ces 98 études furent publiées après 2000, et le total des patients concernés se monte à 22,619. Quatre études mentionnaient un préjudice de pronostic lié au retard pour les tumeurs cérébrales et les rétinoblastomes. Inversement, six autres études n’avaient retrouvé aucun effet du retard de diagnostic sur le pronostic, particulièrement pour les sarcomes et les tumeurs cérébrales. Les études couvrant une période plus longue et une cohorte plus grande retrouvaient plus souvent des liens que les études sur des cohortes plus petites, avec une durée plus courte. Le délai était plus grand quand le premier médecin contacté était un généraliste plutôt qu’un pédiatre et quand l’âge de l’enfant était plus grand (atypie). On ne retrouve pas de lien entre le délai et la CSP de la famille, lieu d’habitation (rural vs ville), et même présence de symptôme de douleur ou pas.
Les 81 dossiers inclus dans les deux assurances balayaient la période 1995-2011. Le retard diagnostic variait selon les dossiers de plaintes de 2 à 260 semaines. L’étude s’est penchée sur les expertises et les décisions de justice qui en ont résulté. Les causes de ces retards mélangeaient la notion de cas atypique, de symptomatologie non standard, de patients plus âgés qu’attendus pour ce type de pathologie, d’expertise insuffisante du premier médecin (souvent un généraliste) ayant vu le patient, et bien sûr de l’histologie de la tumeur. Le lien du retard avec un préjudice pour le patient sur le pronostic du cancer était avéré uniquement pour les rétinoblastomes ; il était plus faiblement prouvé pour les leucémies, et pas du tout constaté pour les ostéosarcomes et sarcome d’Ewing, pour lesquels paradoxalement, les cas de retards cités relevaient plutôt d’un meilleure pronostic de la tumeur que la moyenne.
Autre résultat clé, un tiers seulement des experts avaient rendus une expertise conforme aux connaissances disponibles dans la littérature, et recherchant les bons éléments dans le dossier pour confirmer ou rejeter l’idée de faute ; quand aux décisions de justice, on ne retrouve dans ces 81 dossiers quasiment aucun jugement basé sur ce que dit la littérature médicale.
Au total le lien entre retard diagnostic, erreur médicale et aggravation du pronostic est loin d’être clair pour la plupart des cancers pédiatriques. La plupart du temps, le facteur majeur qui influence le pronostic de survie est l’histologie, quelque soit le moment du diagnostic et les thérapeutiques engagées.
Un bel article pour discuter de la complexité de la définition de l’erreur médicale, et de celle de retard de diagnostic. La conclusion sur les expertises et les jugements non basés sur la science doit interroger en premier notre profession, puisque les experts sont des collègues.