Le mauvais suivi et traitement par le médecin généraliste du retour des examens complémentaires sont la source d’un nombre croissant d’EIG. Et pourtant des solutions simples existent.
Assignation du médecin traitant et du chirurgien par la veuve du patient pour obtenir l’indemnisation de son préjudice (mars 2013).
Expertise (mars 2012)
L’expert, chef de service de dermatologie, confirmait que « (…) Le décès était la conséquence des métastases d’un mélanome cutané diagnostiqué deux ans et demi auparavant et pour lequel la surveillance préconisée par les conférences de consensus n’avait pas été effectuée : ceci constituait une négligence de la part du médecin traitant du patient qui déclarait n’avoir pas eu connaissance du résultat de l’histologie qui lui avait été adressé à son cabinet et qui avait revu plusieurs fois le patient en consultation après l’exérèse du ʺnaevusʺ.
En ce qui concernait le chirurgien, son exérèse du ʺnaevus ʺ avait été totale et il avait adressé un courrier au médecin traitant pour le prévenir qu’il recevrait l’histologie dans quelques jours. Néanmoins, il aurait été souhaitable qu’il reconvoque le patient pour lui remettre en mains propres ses résultats histologiques.
Un des facteurs pronostiques principaux du mélanome cutané est l’épaisseur microscopique de la tumeur. Dans le cas du patient, elle est de 1,7mm, ce qui constitue un pronostic intermédiaire : 90% des métastases ont lieu pendant les 5 premières années. Le traitement par interféron n’a qu’une efficacité faible (3%) sur la survie globale. De ce fait, même si le patient avait bénéficié d’une procédure du ganglion sentinelle, d’une surveillance régulière et d’un traitement adjuvant, il aurait peut-être eu des métastases ganglionnaires et viscérales. Autrement dit, la négligence qui a été commise n’est pas exclusivement la cause des complications constatées.
Tous les préjudices sont à soumettre à un pourcentage de perte de chance de 40%.
Jugement du Tribunal de Grande Instance (septembre 2014)
Les magistrats estimaient que : « (…) La responsabilité du médecin traitant était totalement engagée en ce qui concernait l’annonce du diagnostic et la prise en charge du mélanome du patient…
En revanche, en dehors de l’avis de l’expert non motivé sur ce point, rien ne permettait de considérer que le chirurgien devait convoquer le patient pour lui remettre ses résultats histologiques, alors que cette démarche incombait au médecin traitant qui avait été en mesure de l’effectuer (…) »
Dans ces conditions, le tribunal décidait de débouter la plaignante et le médecin traitant de leurs demandes formées à l’encontre du chirurgien et de mettre celui-ci hors de cause.
Au vu des conclusions de l’expert, les magistrats condamnaient le médecin traitant à réparer les préjudices subis par la plaignante en leur appliquant un pourcentage de 40% de perte de chance.
Indemnisation de 22 800€.
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Les médecins traitants travaillent seuls, le plus souvent pas de secrétariat, ils devraient se réorganiser pour dégager un peu de temps aux courriers.
Si le patient avait été pris en charge ou adressé à un Dermato, il aurait été examiné tous les 6 mois pendant 5 ans puis 1 fois par an selon les recommandations et usages (examen cutané complet et palpation des aires ganglionnaires) et le patient aurait été informé de la nécessité de cette surveillance.
Il me parait qu'il aurait fallu détailler la défaillance liée à la numérisation des données reçues par le médecin traitant : procédure exacte en l'espèce (procédure de validation et d'archivage, autonomie d'un éventuel secrétariat, familiarité du médecin avec son système informatique ? ) et envisager des remèdes : alerte logicielle ? double-papier en cas de résultat hors-norme ? information du patient par le laboratoire, lui demandant de consulter son médecin traitant pour connaitre le résultat ? et c.). Il serait aussi intéressant de colliger pour comparaison la fréquence de ce type de cas de méconnaissance d'un résultat entre avant l'informatisation (1990-2000 par exemple) et la période actuelle. Je suppose que ces questions sont détaillées dans les ouvrages que vous citez.
Ce cas illustre aussi l'importance d'une information exacte : on n'enlève pas un “grain de beauté” d'une zone non exposée à un maçon de 60 ans, et le médecin devait pour justifier l'intervention prononcer le terme de mélanome, c'est à dire de tumeur maligne à haut risque de dissémination, ce qui aurait évité que le patient déduise ensuite du silence du médecin que le problème était si bien réglé qu'il n'était même pas utile d'en reparler. Cet oubli du médecin aurait été rattrapé par la curiosité de son patient s'il l'avait impliqué le moment voulu dans la gestion de son risque en l'informant complètement sur la raison d'opérer.