Le 19 décembre 2008, au terme d'une grossesse (39 SA) n'ayant comporté qu'une seule échographie (34 SA + 5j), naissance d’un garçon pesant 2,750 kg, pour une taille de 46 cm et un périmètre crânien de 32,5 cm. L'Apgar était à 10 à 1 min et à 10 à 5 min. C'est le 6ème enfant d'une famille originaire d'Afrique du Nord et dont les parents sont consanguins (cousins germains).
Le 22 décembre, l'enfant quitte la maternité, avec un poids de 2,380 Kg. Il est demandé à la famille de le repeser à la PMI dans les 48 heures. Un allaitement maternel est débuté.
Le 21 janvier 2009 (1 mois + 3 jours), l'enfant est repesé en PMI : poids 3,080 Kg, taille 49 cm, périmètre crânien 35 cm.
Le 4 février, l'enfant était vu à domicile pour un eczéma du visage par le médecin de ses grands-parents. Prescription de Dexeryl®. Aucune mention de cette visite dans le carnet de santé.
Le 30 mars, visite à domicile du médecin des parents. Aucune mention de cette visite dans le carnet de santé. Lors de l'expertise, le médecin dit se souvenir que l'enfant souffrait d'un érythème fessier et qu'il avait prescrit du Mycoster® ainsi que du Doliprane®.
Le 15 mai, visite à domicile du médecin des parents appelé pour rhinopharyngite. Dans le carnet de santé, est mentionné : « (...) Température à 38,2 °C sans autre signe clinique. Pas de bronchiolite. Erythème fessier à traiter par Monazol® et Locoïd®. Fièvre à surveiller (...) »
Le 18 mai, l'enfant est amené au cabinet du médecin par ses parents qui trouvent qu' « il ne va pas bien » et qu'il est constipé. La température était toujours à 38,2 °C. Lors de l'expertise, le médecin disait n'avoir constaté « rien de plus ». Dans le carnet de santé, il était mentionné : « Constipé. Duphalac® buvable ». Aucun bilan complémentaire n'est demandé. Il n'est pas proposé d'hospitalisation.
Lors de l'expertise, il était souligné que l'enfant n'avait pas été pesé lors de cette consultation et qu'aucune question n'avait été posée aux parents sur l'absence de suivi médical de l'enfant et notamment l'absence des vaccinations obligatoires et recommandées.
Le 19 mai, la famille amène l'enfant en consultation chez le remplaçant du médecin des grands-parents. Celui-ci constate des signes de « déshydratation intense » et décide d’hospitaliser en urgence l'enfant par l'intermédiaire des pompiers, la famille ne possédant pas de véhicule.
Aux urgences du CHU, le dossier d'admission mentionne : « (...) Geignements, constipation et dyspnée intermittente depuis 3 jours chez le sixième enfant de parents cousins germains (les 5 autres enfants sont en bonne santé). Allaitement maternel pendant un mois et demi, puis Modilac. Enfant non vacciné. Température 38,2 °C, fréquence cardiaque 164/min, PA 116/77 mmHg, fréquence respiratoire 56/min, Sat O2 9 8%. ; poids 3,850 kg, taille 58 cm, périmètre crânien 37 cm.
A 21 h 45, passage en réanimation pédiatrique pour surveillance après examen et accord du chef de service.
Le 20 mai à 04 h 00, apnée et bradycardie suivies d'un arrêt cardiaque : massage cardiaque externe et ventilation au masque, pose d'un cathéter pour injection d'adrénaline et remplissage vasculaire. Reprise d'une activité cardiaque. PL : liquide trouble. Administration de Claforan® par le cathéter.
A 05 h 50, nouvel arrêt cardiaque : réanimation cardiorespiratoire inefficace. Décès.
En post mortem : l’Examen du LCR montre des Protéines 0,74 g/l, glucose 0 g/l.
La présence de streptocoque pneumoniae (identifié ultérieurement comme appartenant au sérotype 9N). L’autopsie conclue des lésions suppuratives du lobe inférieur du poumon gauche et une hépatomégalie avec stéatose majeure et cholestase.
Conclusion du dossier d'hospitalisation
Nourrisson âgé de 5 mois décédé au décours d'une méningite à pneumocoque associée à un état pathologique certain (hépatopathie, anémie, troubles ioniques, acidose) non identifié, responsable d'une importante insuffisance pondérale.
Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.
Télécharger l'exercice (pdf - 28.46 Ko)
D’après l'expert, pédiatre libéral, « (...) L'enfant était décédé d'une méningite à pneumocoque à point de départ pulmonaire alors qu'il présentait un état antérieur (une affection probablement métabolique), responsable d'une fragilisation face aux infections. A la date des faits, il existait un vaccin contre certains sérotypes de pneumocoque (le Prévenar7®) mais le pneumocoque responsable du décès de l'enfant appartenait au sérotype 9N, absent du Prévenar7®. Il ne pouvait donc être reproché au médecin généraliste et aux parents l'absence des vaccinations recommandées dès l'âge de 2 mois.
En revanche, dès le 15 mai, lors de l'épisode fébrile aigu avec manifestations respiratoires, le généraliste aurait pu faire hospitaliser l'enfant. Devant l'absence de suivi régulier et le peu de moyens de surveillance de la fièvre par les parents, une hospitalisation pouvait être proposée d'emblée, du fait du jeune âge de l'enfant. Son absence représentait un manque de précautions de la part du généraliste.
Le 18 mai, le généraliste disait n'avoir rien constaté en dehors d'une constipation. Or, les signes de gravité comme la déshydratation ou l'hépatomégalie retrouvés le lendemain n’avaient pas pu se constituer en 24 h. Le généraliste n'avait pas prescrit d'examens complémentaires comme il était recommandé en cas de fièvre persistante chez un nourrisson (dosage de la CRP, ECBU, radio thoracique en cas de signes d'appel respiratoires,...). Compte-tenu des difficultés de prise en charge par la famille, une hospitalisation s'imposait. Son absence le 18 mai représentait un manquement dans la prise en charge médicale de l'enfant.
Toutefois, l'absence d'hospitalisation précoce qui avait entraîné un retard dans la mise en place de l'antibiothérapie n'était pas directement corrélée au décès de l’enfant. En effet, celui-ci aurait pu survenir même en cas de prise en charge médicale précoce. Elle correspondait à une perte de chance qui pouvait être évaluée à 50 %, en l'absence de publication précise.
L'existence d'une maladie métabolique responsable d'une fragilisation des défenses anti-infectieuses de l'enfant devait également être prise en compte. Elle était intervenue de façon certaine dans l'évolution défavorable de l’enfant. En conséquence, la perte de chance globale en lien avec l'hospitalisation tardive de l’enfant devait, pour tenir compte de l'affection métabolique dont il était atteint, être estimée à 25 %. (50 % x 50 %).
L'évolution de cette maladie métabolique aurait peut-être pu être modifiée si elle avait été diagnostiquée plus tôt. Cela aurait été vraisemblablement le cas si le suivi médical de l'enfant avait été fait suivant les recommandations du carnet de santé. Dans cette hypothèse, l'enfant aurait probablement été hospitalisé pour bilan entre 2 et 3 mois en raison de l'infléchissement des courbes de poids et de périmètre crânien, associé à un retard des acquisitions psycho-motrices.
L'absence de suivi médical régulier était imputable aux parents et au généraliste :
Les responsabilités du généraliste et des parents dans le décès de l'enfant pouvaient être estimées respectivement à 20 % et à 5 % (...). »
Les magistrats estimaient que : « (…) Les soins donnés les 15 et 18 mai par le généraliste n'avaient pas été conformes aux recommandations faites dans le cadre d'une conduite à tenir devant un nourrisson de 5 mois présentant une fièvre persistante, dans un contexte familial précaire. Ces manquements constituaient des fautes imputables au praticien.
En revanche, et nonobstant les conclusions de l'expert judiciaire, le généraliste n'avait pas commis de faute de négligence dans le suivi médical de l'enfant entre sa naissance et le 15 mai. En effet, il l'avait vu à deux reprises alors qu'il était à peine âgé d'un mois et demi et de deux mois et demi, soit à une époque où aucun élément ne permettait de s'interroger sur les cassures de poids et du périmètre crânien ainsi que sur un éventuel retard d'acquisition psychomoteur et qu'en outre le carnet de santé mentionnait une visite antérieure récente de l'enfant en consultation de PMI (...).
Dans le calcul de la perte de chance globale en lien avec le retard dans la mise en place d'un traitement antibiotique, tout en tenant compte de l'état antérieur, le tribunal retenait les évaluations de l'expert, « (...) 20 % pour le généraliste et 5 % pour les parents qui n'avaient pas consulté régulièrement le service de PMI ou le généraliste ou encore un autre médecin et qui n'ont pas fait vacciner leur enfant malgré les recommandations d'obligation vaccinale de l'époque (...) ».
Indemnisation de 15 600 €