La crise de la démographie médicale et les difficultés d’accès aux soins qui en résultent concernent malheureusement de très nombreux pays. L’Angleterre ne fait pas exception et a mis en place, depuis plusieurs années, un système de substitution, avec intervention de nouveaux métiers dans le domaine du soin.
Tous les pays riches sont entrés dans une profonde crise de démographie médicale et de couverture territoriale - particulièrement en médecine générale - liée à un effet croissant de ciseau entre :
C’est particulièrement vrai au Royaume-Uni, dont le déficit en médecins généralistes dépasse de loin celui de tous les autres pays, et a débuté bien avant le Covid pour s’aggraver encore bien plus dans l’après Covid.
À titre d’exemple, entre 2015 et 2022, l'équivalent temps plein (ETP) médian d'un médecin généraliste pleinement qualifié a diminué de 0,80 à 0,69 en Angleterre, signant une modification profonde sociologique des désirs de la profession et l’impact de la demande augmentée de Qualité de vie au travail pour ces professionnels.
Parallèlement, on observe sur la même période une augmentation de 9 % de la population inscrite par ETP de médecin généraliste (ratio du taux d'incidence - Parisi, 2024).
Si l’on considère l’ensemble des professionnels du secteur des soins primaires et médico-social, l’Angleterre souffre de l’ordre de 250 000 postes vacants (Jefferson, 2022).
Les Anglais ont repris et accéléré à grande échelle des propositions de solution pour résoudre cette immense crise de soins primaires.
La nouvelle catégorie de professionnels de santé (Physician associates - PAs), appelés "médecins associés" (Curran, 2018), et longtemps appelés "médecins adjoints" - physician assistants -, est ainsi apparue au Royaume-Uni en 2003.
Leur rôle reprend celui de leurs homologues américains, qui existe depuis 40 ans. Ces professionnels permettent d’accélérer l’accès des patients à un examen et une prescription, notamment en période épidémique, et plus généralement à traiter la masse des cas cliniques les plus simples sous la supervision de généralistes patentés.
Cette catégorie de professionnels intermédiaire est apparue depuis en Australie, aux Pays Bas, en Allemagne, en Inde, et au Canada. Ces "Médecins associés" sont des professionnels "intermédiaires" de santé en médecine générale, formés à :
À partir d’un niveau général BAC+4 (souvent – mais pas exclusivement - en biologie), les candidats reçoivent une formation intensive de 24 mois, basée soit sur des situations de résolution de problème, soit sur des cours magistraux. Le contenu est spécifié dans un compendium (Competence and Curriculum Framework) et un autre document spécifie les limites des privilèges autorisés (Matrix Specification of Core Clinical Conditions for the Physician Assistant). Les deux documents ont été établis par le collège de médecine générale en lien avec les facultés de médecine. La formation est validée par un examen national.
Dès le départ, ces nouvelles solutions ont provoqué de multiples débats.
Toutes les solutions alternatives ont été regroupées et fédérées en Angleterre depuis 2019 dans le programme national de déploiement des adjoints de santé (Additional Roles Reimbursement Scheme -ARRS).
On comprend que le déploiement à l’échelle nationale d’un tel programme (c’est le cas avec plusieurs milliers de professionnels autorisés en Angleterre dès aujourd’hui) réclame des évaluations continues de sa performance et de sa sécurité.
Une des dernières évaluations est basée sur une collecte systématique des données entre septembre 2022 et novembre 2023. Des entretiens semi-structurés ont été menés avec des directeurs cliniques de ces réseaux de soins primaires territoriaux, des médecins généralistes, des gestionnaires de cabinets de soins primaires et des nouveaux personnels auxiliaires de santé (n=42).
Les résultats montrent que les modèles d'emploi direct des auxiliaires de santé ont favorisé un plus ou moins grand développement et une fidélisation de ce personnel selon la confiance établie entre les cabinets de médecine générale. La sous-traitance a été privilégiée pour atténuer les risques liés à l'emploi, mais elle pourrait avoir des conséquences imprévues telles que des responsabilités conflictuelles et une intégration moindre avec le personnel des cabinets de médecins généralistes existants.
Le modèle de déploiement optimal prévoyait des rotations des personnels auxiliaires dans un nombre limité de cabinets de médecins généralistes, idéalement deux, dont l'un servait de base, ce qui garantissait la cohérence de la formation et de la gestion. Ce n’est pas exactement ce qui a été observé.
Le sujet est encore en évolution, à la fois dans la façon de la déployer et du fait de la crise qui s’amplifie sur le manque croissant de généralistes au Royaume-Uni (Curran 2019).
L’ensemble des pays riches regardent ces résultats anglais en avance de phase sur leurs propres difficultés. Mais l’avance de phase reste une notion relative, mesurée en quelques années à peine ; des approches similaires ont déjà commencé à poindre en France, notamment avec les nouveaux métiers des infirmiers de pratique avancée.
On notera que nous sommes en France moins-disants que tous les autres pays riches pour publier l’ampleur et la réalité de nos problèmes, nos choix de solutions et les débats qui les accompagnent, et encore plus des évaluations, et c’est sans doute regrettable car nous ne sommes pas exempts des mêmes maux.