Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : outil de surveillance postopératoire, travail en équipe en soins primaires, emploi des antibiotiques en médecine générale, sécurité du patient en secteur hospitalier...
Ces auteurs Canadiens étudient l’ampleur de la sous déclaration des événements indésirables Graves Médicamenteux (EIGM) aux autorités de santé.
Un événement indésirable (EI) est une manifestation médicale indésirable chez un individu ayant reçu un traitement pharmacologique. Pour être considéré comme grave (EIG), il doit répondre au minimum à l'un des critères de gravité définis par Santé Canada (hospitalisation significativement prolongée, source de dommages congénitaux, source d’incapacité handicap significatif, mettant en danger vital le patient et, au pire, causant le décès).
Les données les plus récentes (2006) montrent que les EIG sont sous-déclarés (< 6 %) aux autorités sanitaires. Au Canada, depuis l'entrée en vigueur de la loi de Vanessa (2019), les hôpitaux sont tenus de déclarer les EIG, mais cette loi reste relativement méconnue...
Les objectifs de l'étude sont :
La méthode repose sur une étude rétrospective avant/après l’introduction de la loi, conduite à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval, incluant 500 patients hospitalisés représentatifs tirés au sort entre janvier 2018 et décembre 2021, randomisés en 4 cohortes (125 patients/an).
Les caractéristiques des cohortes étaient les suivantes :
Au cours de leur hospitalisation, les patients ont consommé 18 médicaments différents [2-56]. Pendant la période observée, l’analyse des 500 dossiers patients révèle 302 EIG médicamenteux, avec un taux plus important fonction de l’âge (particulièrement pour les plus de 69 ans). Mais sur ces 302 EIG détectés, le pourcentage rapporté à Santé Canada s’avère être 0 %, avant comme après l'application de la loi de Vanessa.
L’effet de l’injonction réglementaire s’avère donc nul. Ces résultats rejoignent hélas une littérature internationale allant dans le même sens, avec comme première raison à la sous-déclaration la peur d’un "mauvais" usage de ces signalements par les autorités (pénalités, risques légaux).
La sécurité du parcours de chirurgie implique de surveiller en continu les résultats chirurgicaux postopératoires et l’apparition possible de complications.
Des outils de contrôle - surveillance statistique de paramètres patients - inspirés de ceux utilisés dans l'industrie, sont désormais largement utilisés dans le secteur des soins de santé. Ces outils doivent concilier rigueur statistique et facilité d'utilisation pour les chirurgiens, en permettant à la fois l'interprétation statistique des tendances dans le temps et leur compréhension et implication pour le cas de chaque patient par les chirurgiens, qui sont les principaux utilisateurs.
Ces auteurs universitaires Français de Lyon proposent un tel outil, suffisamment simple et intuitif, et qui permet aux chirurgiens sans expertise statistique de visualiser et d'interpréter leur activité ; l’outil est appelé RA O-E CUSUM (Risk-adjusted observed minus expected cumulative sum). Il fournit un graphique de tendance des risques postopératoires, combinant une vue d’alerte simple à interpréter et des outils pour l’analyser plus en détail et identifier des séquences de changements indiquant une détérioration ou une amélioration des résultats chirurgicaux.
Ils peuvent également quantifier les événements indésirables potentiellement évitables ou évités au cours de ces séquences.
L’article décrit la méthodologie de construction de l'outil et fournit un exemple concret utilisant des données chirurgicales réelles pour démontrer son application.
Les indicateurs de la qualité et de l'évaluation des performances des services de soins de longue durée (SLD) se sont développés ces dernières années. Mais la valeur à atteindre préconisée par les autorités est souvent idéale, parfois loin d’une réalité atteignable dans le contexte de soin actuel.
Ces auteurs Australiens d’Adelaïde proposent une approche originale et pragmatique. Ils prennent 12 indicateurs Qualité utilisés dans les long séjours australiens, regardent la performance réelle obtenue par les 10 % meilleurs de ces services/établissements, et en fait une référence à comparer et à atteindre pour tous les autres.
Ils introduisent ainsi le concept de cibles d’indicateurs réalisables pour des comparaisons réalistes entre services/établissements (achievable benchmarks of care -ABC©) .
La méthode recueille les valeurs de 2019 des indicateurs de Qualité provenant des secteurs des soins de longue durée, des soins de santé et de la protection sociale dans le cadre de la cohorte historique nationale du Registre des Australiens âgés (ROSA).
Les résultats portent sur 2 746 structures de long séjour représentant une cohorte de 244 419 résidents (≥65 ans) observée en 2019. La cohorte était majoritairement composée de femmes (65 %), avec un âge médian de 86 ans, et 56 % souffraient de démence.
Les meilleurs résultats sur les 12 indicateurs servent à mesurer le nombre d’autres services moins performants mais qui peuvent sur certains indicateurs être au meilleur.
Les petites structures publiques s’avèrent plus susceptibles d'atteindre le meilleur score que les moyennes, grandes, privées et/ou à but non lucratif.
Il s'agit d’une première estimation nationale qui identifie des exemples concrets de soins de longue durée dont les performances nationales sont relativement meilleures. Ces scores peuvent servir de normes nationales dans les rapports de contrôle de la qualité et les programmes d'incitation.
Le travail en équipe des médecins traitants est associé à une meilleure expérience des patients, à de meilleurs résultats en matière de santé et à une utilisation plus efficace des soins de santé.
Ce travail de confrères Chinois vise à comprendre les mécanismes aidant de ce travail en équipe.
L’étude repose sur une analyse documentaire, des entretiens avec des acteurs de soins primaires et une consultation d'experts et à une enquête par questionnaire. L’étude a été réalisée dans les régions développées et sous-développées de la province de Zhejiang, en Chine.
Le questionnaire était divisé en cinq sections principales avec 11 dimensions et 42 éléments :
Au total, 508 questionnaires ont été complétés.
Les principaux facteurs influençant le travail en équipe de soins primaires sont :
L’organisation interne, le recrutement des membres, et les comportements de chacun ont les plus grands effets directs et indirects sur l'efficacité ; le processus émotionnel de l'équipe a un effet moindre et seulement direct.
Les états européens ont développé plusieurs plans d'action nationaux visant à améliorer la compréhension et la sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens, mais peinent à traduire les objectifs en orientations cliniquement pertinentes pour la médecine générale.
Ces auteurs Irlandais font un point sur toutes les publications relatives aux pratiques en cours dans 31 pays européens.
77 rapports ont été inclus, dont 33 se concentrent sur les objectifs nationaux et la médecine générale ou sur le lien entre les objectifs nationaux et locaux.
Les rapports décrivent des stratégies locales pour atteindre les objectifs, telles que :
Ces rapports fournissent aussi des objectifs globaux pour la médecine générale, notamment une cible à atteindre en pourcentage de réduction des antibiotiques prescrits.
Ces objectifs sont toutefois fixés de façon assez différente, soit de manière générale, soit pour un type d'antibiotique spécifique, ou encore pour une quantité par nombre de patients, pour des doses journalières.
Aucun des rapports ne traduit les objectifs nationaux en objectifs cliniquement pertinents ou pratiques pour les médecins généralistes.
Cette étude rétrospective américaine d’Harvard avec un co-autorat français évalue les caractéristiques des événements indésirables (EI) survenus pendant les soins périopératoire chirurgicaux à partir des dossiers électroniques des patients, filtrés par la méthode des Global Trigger tools qui dépiste grâce à un logiciel une liste de précurseurs d’EI dans les dossiers des patients, à charge après de sortir et de lire les dossiers pour en vérifier la pertinence et analyser la cause.
Des infirmières formées ont examiné tous les dossiers filtrés et confirmé les EI possibles, qui ont ensuite été évalués par des médecins.
Parmi les 1 009 patients représentatifs tirés parmi une cohorte de 64 221 adultes admis en chirurgie en 2018 à l’hôpital Brigham et Women de Boston , des événements indésirables ont été identifiés chez 38 % (intervalle de confiance à 95 % de 32,6 à 43,4), dont 15,9 % étaient majeurs (de 12,7 à 19,0 - hospitalisation, complication demandant une réintervention, pronostic vital engagé).
Sur les 593 EI identifiés, 353 (59,5 %) étaient potentiellement évitables et 123 (20,7 %) étaient certainement ou probablement évitables.
Au bilan, des EI ont été identifiés chez plus d'un tiers des patients admis à l'hôpital pour une intervention chirurgicale ambulatoire ; près de la moitié de ces EI sont classés comme majeurs et la plupart potentiellement évitables.
Ces résultats soulignent le besoin critique d'une amélioration continue de la sécurité des patients, impliquant tous les professionnels de la santé, tout au long des soins périopératoires.
La qualité des soins a souvent été définie et évaluée à l'aide de théories qui décrivent la prestation de soins comme le produit de deux facteurs :
Ce travail de cette auteure Américaine examine empiriquement l'effet conjoint de ces dimensions clinique, sociale et technologique de la qualité des soins sur les taux de mortalité en analysant les données longitudinales de 3 081 hôpitaux américains.
Les données sur six ans de plus de 3 000 hôpitaux de soins aigus sont analysées à l'aide d'une analyse.
Les hôpitaux qui traitent de front les dimensions clinique, sociale et technologique des soins enregistrent les plus bas taux de mortalité inférieurs. La combinaison de la qualité clinique et de l'utilisation judicieuse des technologies de l'information sur la santé ou de l'interaction patient-soignant réduit les taux de mortalité.
L’étude fournit des preuves empiriques sur l'importance de la combinaison des mesures de soins cliniques et non cliniques pour réduire les taux de mortalité dans les hôpitaux.
Les erreurs médicales sont responsables d'un grand nombre de décès chaque année aux États-Unis. Les hôpitaux utilisent diverses stratégies pour en réduire le nombre et la sévérité, en agissant notamment sur l’organisation, le leadership, ou encore les tableaux d’effectifs.
Le niveau d’implication personnelle des médecins hospitaliers dans les actions collectives de sécurité du patient reste un point récurrent de difficulté. C’est encore plus vrai quand le statut de ces médecins n’est pas permanent, juste intervenant ponctuel sur quelques vacations et sur leurs seuls patients.
L’étude essaie de mieux cerner les difficultés de cette implication et d’y apporter des solutions.
Elle repose sur la réunion de plusieurs outils de diagnostic du problème :
La variable indépendante est le niveau d'intégration des médecins mesurée par cinq attributs, notamment la perception plus ou moins positive d’une communication renforcée dans l’équipe et avec les patients, l’apprentissage organisationnel et le soutien de la direction de l'hôpital dans ses actions entreprises au profit de la sécurité des patients.
Les résultats démontrent une corrélation significative modérée entre un niveau plus élevé d'intégration des médecins hospitaliers et une perception positive du soutien de la direction de l'hôpital à la sécurité des patients.
Par contre, le jugement sur une meilleure communication dans l’équipe et celui sur un apprentissage organisationnel du rôle de chacun dans l’équipe ont moins d’impact sur la qualité d’intégration des médecins.
Les erreurs de diagnostic constituent un défi mondial pour la sécurité des patients. Plus de 75 % de ces erreurs de diagnostic dans les soins ambulatoires résultent de défaillances dans la communication entre le patient et le clinicien.
Ces auteurs Canadiens de Toronto proposent une revue de littérature sur ce thème des bonnes questions à poser en ambulatoire qui pourraient en retour encourager les patients à s'exprimer et à poser des questions. L’analyse inclut les articles publiés dans les journaux scientifiques et une à partir de la littérature grise (rapports, mémoires, documents internes de recommandations des collèges médicaux/autorités, etc.), en anglais et en français.
Au total, ce sont 235 sources écrites qui ont été explorées et retenues, mentionnant 5 509 questions. La plupart des questions (n = 4243, 77,02 %) ont été trouvées dans la littérature grise. Les listes de questions comprenaient en moyenne 23 questions. ces questions sont le plus souvent relatives :
Conclusions
Malgré les recommandations attendues sur l’intérêt de poser des questions pour établir le diagnostic, l’étude montre que la plupart des listes de questions recommandées dans la littérature se concentrent plutôt sur les étapes ultérieures du processus de diagnostic, telles que la communication du diagnostic, le traitement et les résultats.Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier et pour hiérarchiser les questions liées au diagnostic du point de vue du patient dans tout le continuum diagnostic.
Beaucoup de patients Canadiens doivent débourser des sommes considérables pour des médicaments prescrits, ce qui peut affecter leur capacité à prendre leurs médicaments tels qu'ils ont été prescrits.
L’étude porte sur les facteurs prédictifs de la non-observance des traitements liés aux coûts au Canada. Elle utilise les données de 5 éditions (2015 à 2020) de l'Enquête nationale sur la santé dans les collectivités canadiennes, en établissant des estimations pondérées (coût du médicament, pathologie, sexe, CSP) des facteurs de l'inobservation des prescriptions.
Un total de 223 085 réponses sont considérées sur ces 5 années.
On constate que 4,9 % des répondants âgés de plus de 12 ans signalent une non-adhésion liée aux coûts. La majorité des non-observants sont des femmes, appartenant à une minorité raciale ou ethnique. Le jeune âge, une morbidité plus élevée, un état de santé moins bon, une assurance-médicaments non fournie par l'employeur et le fait de ne pas vivre dans la province de Québec sont associés à une non-adhérence aux prescription liée aux coûts.
Les résultats - représentatifs à l'échelle nationale canadienne - révèlent des inégalités qui touchent de façon disproportionnée les personnes marginalisées à l'intersection du sexe, de la race, de l'âge et du handicap, avec toutefois une variation selon les provinces.
L’objectif de cette étude internationale Européenne vise à fournir une évaluation comparative de base des principales caractéristiques épidémiologiques du cancer de la prostate dans les populations européennes, en vue des initiatives de dépistage proposées par l'Union Européenne (UE).
L’étude porte sur des hommes âgés de 35 à 84 ans dans 26 pays européens, dont 19 membres de l'UE, entre 1980 et 2017. Les données d'incidence nationales ou infranationales ont été extraites des registres du cancer basés sur l'Observatoire mondial du cancer, et les données de mortalité de l'Organisation mondiale de la santé.
Au cours des dernières décennies, les taux d'incidence du cancer de la prostate ont varié de façon marquée, tant en termes d'ampleur que de vitesse évolutive, et ce, parallèlement aux variations temporelles du dépistage de l'antigène prostatique spécifique (PSA).
La variation de l'incidence entre les pays était la plus importante vers le milieu des années 2000, avec des taux allant de 46 (Ukraine) à 336 (France) pour 100 000 hommes.
Par la suite, l'incidence a commencé à diminuer dans plusieurs pays, mais les taux les plus récents restent néanmoins élevés et augmentent même à nouveau dans plusieurs pays dans les 5 dernières années.
Les taux de mortalité au cours de la période 1980-2020 ont été beaucoup plus faibles et moins variables que les taux d'incidence, avec des baisses régulières dans la plupart des pays et des différences temporelles moindres entre pays.
Dans l'ensemble, la variation entre les 29 pays de l'incidence du cancer de la prostate, qui peut aller jusqu'à 20 fois, contraste avec la variation correspondante de la mortalité, qui est au plus de cinq fois.
De même, la forme en U inversé des courbes d'incidence spécifiques à l'âge contraste avec le schéma de mortalité, qui augmente progressivement avec l'âge.
La différence entre les taux d'incidence les plus élevés et les plus bas dans les différents pays vont de 89,6/100 000 hommes en 1985 à 385,8 /100 000 hommes en 2007, tandis que les taux de mortalité dans les différents pays vont de 23,7/100 000 hommes en 1983 à 35,6/100 000 hommes en 2006.
Les caractéristiques épidémiologiques du cancer de la prostate présentées ici indiquent que le surdiagnostic varie dans le temps et d'une population à l'autre. Bien que les résultats nécessitent d’être interprétés avec prudence, ils soutiennent toutes les recommandations sur le dépistage du cancer de la prostate en mettant l'accent sur la minimisation des préjudices liés au surdiagnostic.