Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : améliorer les soins transfrontaliers pour les voyageurs, favoriser le signalement des EIG, l'accès aux nouveaux médicaments essentiels, les généralistes anglais face à une surcharge croissante...
La sécurité des patients est peu développée en odontologie. Cette étude française évalue le niveau de perception de la sécurité du patient et la culture de la qualité dans les hôpitaux dentaires universitaires français.
Une enquête nationale a été réalisée à l'aide d'un questionnaire envoyé par voie électronique aux étudiants en médecine dentaire, aux enseignants, aux cadres supérieurs et au personnel paramédical des cliniques dentaires universitaires qui se sont portés volontaires pour participer à l'étude. Le profil des répondants, leur implication dans les équipes qualité, la survenue d'événements indésirables et l'organisation du service ont été analysés.
Sur les 17 cliniques dentaires universitaires de France, 15 se sont portées volontaires pour participer, soit 681 répondants (65,9 % d'étudiants, 26,9 % de dentistes, 3,7 % de paramédicaux et 3,5 % de résidents). Bien que 58 % des répondants connaissent la procédure de déclaration des événements indésirables, seuls 28 % d'entre eux en ont déjà déclaré au moins un. Tous les professionnels étaient conscients de l'incidence élevée des événements indésirables dans leurs cliniques.
La perception du bien-être et de l'organisation est faible, notamment pour les items "adéquation entre les tâches et le nombre de professionnels" et pour "l'organisation des tâches". La perception de "l'esprit d'équipe et du sentiment de respect" était bonne.
L'enquête a mis en évidence le besoin de cours et de réunions sur la sécurité du patient et la Qualité des soins, mais aussi sur une perception plus positive des prestataires de soins dentaires quant à la sécurité du patient.
Le manque de matériel et de ressources humaines est apparu comme un point clé pour toute l'amélioration dans les universités.
Néanmoins, la communication est également perçue comme très importante et pourrait être améliorée la culture sans engager de frais par le biais de solutions internes.
Le grand nombre de prédicteurs étudiés et la diversité des mesures de résultats, des unités d'analyse et des méthodes rendent difficile l'établissement d'une relation de cause à effet directe entre culture et pratique. L’étude des pratiques réelles dans la réalité du terrain quotidien avec tous les manques, aléas et pressions diverses est probablement la première priorité pour progresser afin de ne pas tenir de discours déconnecté de la réalité.
Les hôpitaux cherchent à renforcer leur culture de la sécurité en tirant des enseignements internes des événements indésirables évitables.
On sait que pour encourager ce signalement, il faut d’abord créer une atmosphère de sécurité psychologique qui encourage la déclaration des erreurs. Seule une communication ouverte de la part des équipes peut contribuer à améliorer de telles pratiques. Pour aider à ces signalements, de nombreux établissements ont même mis en place des chartes de non-punition, créant ainsi une politique de tolérance à l'égard des erreurs.
Mais à tout moment une erreur médicale peut devenir un problème juridique. Le fait qu'un tribunal puisse utiliser tout ce que le personnel hospitalier a dit ou écrit après la survenue d'un événement indésirable encourage une communication défensive pour se protéger des parties prenantes extérieures.
À ce jour, la littérature sur les erreurs médicales n'a pas étudié la manière dont les hôpitaux surmontent cette contradiction.
Dans cette recherche qualitative, les auteurs proposent d’utiliser la théorie du paradoxe de Lewis (2011) dans un hôpital universitaire pour comprendre comment un hôpital confronté à des erreurs médicales peut gérer efficacement le paradoxe de l'apprentissage interne et de la protection externe. L’analyse procède par observations, analyse de traces et entretiens.
Les paradoxes font référence à la nécessité de satisfaire des exigences contradictoires mais interdépendantes au fil du temps.
Prise isolément, chaque exigence semble logique, mais elles se révèlent absurdes et irrationnelles lorsqu'elles sont considérées ensemble (Smith & Lewis, 2011). Ces tensions peuvent être émotionnellement perturbantes pour les individus concernés, étant donné que le paradoxe n'est pas un fait objectif en soi, mais une représentation de la réalité. En outre, le paradoxe reste souvent en sommeil, ne devenant évident que dans certaines conditions environnementales.
Contrairement à un dilemme, qui peut se résumer à des décisions de type "soit l'un, soit l'autre", la pensée paradoxale suit une logique "à la fois l'un et l'autre".
La littérature sur les paradoxes organisationnels s'appuie fortement sur la typologie proposée par Smith et Lewis (2011). Les auteurs y distinguent les paradoxes d'apprentissage (par exemple, tension entre exploitation et exploration), les paradoxes d'appartenance (par exemple, tension entre homogénéité et diversité), les paradoxes d'exécution (par exemple, tension entre autonomie et contrôle) et les paradoxes de performance (par exemple, intérêts contradictoires compte tenu de la multiplicité des parties prenantes).
Dans le cas qui nous intéresse ici, les hôpitaux doivent améliorer la qualité des soins en tirant des leçons, en interne, de leurs erreurs médicales et en protégeant leurs intérêts économiques externes (par exemple, les primes d'assurance et la concurrence financière).
Les auteurs démontrent que la "transcendance" (la réduction) du paradoxe se manifeste de quatre manières : la traçabilité des signalements, le maintien de la confiance, la capitalisation et l’objectivation des leçons retenues.
Ces quatre modes de transcendance du paradoxe correspondent à quatre moments clés de la gestion d'une erreur médicale (déclaration de l'erreur, annonce aux familles, retour d'expérience et action en justice).
Une étude plus approfondie de ce contexte spécifique permet également de compléter la littérature sur les paradoxes organisationnels. Il est montré comment les interactions entre les différents niveaux d'analyse contribuent à opérationnaliser la gestion des paradoxes d'une manière dynamique et caractéristique, pour la rendre efficace et pour créer un climat de confiance.
L’évaluation de la Qualité et de la performance est devenue un standard dans le suivi et le classement des établissements médicaux.
Cette évaluation repose le plus souvent uniquement sur des indicateurs chiffrés dont sont tirés des inférences et des classements de résultat basées sur les comparaisons et les techniques statistiques.
Les classements sont ensuite publiés, même si la communauté scientifique sait que les résultats obtenus par cette approche sont régulièrement l’objet de critiques liés à la limite des techniques statistiques en admettant que la performance observée est une mesure imparfaite de la qualité sous-jacente. Diverses méthodes sont employées à cette fin, mais l'influence du hasard sur le degré de classification erronée est souvent sous-estimée.
Les auteurs proposent une étude en utilisant des simulations, qui montre que la distribution des performances sous-jacentes des organisations signalées comme les moins performantes, en utilisant les meilleures pratiques actuelles, dépend fortement de la fiabilité de la mesure des performances (des indicateurs).
Lorsque la fiabilité des indicateurs (de leur choix et encore plus de leur mesure) est faible, les organisations signalées sont susceptibles d'avoir une performance sous-jacente proche de la moyenne de la population.
La fiabilité doit atteindre au moins 0,7 pour que 50 % des organisations signalées le soient correctement et 0,9 pour éliminer presque totalement les organisations signalées de manière incorrecte et proches de la moyenne générale.
Les auteurs concluent qu'en dépit de leur utilisation répandue, les techniques d'identification des organisations les plus performantes et les moins performantes n'identifient pas nécessairement les vraies bonnes et mauvaises performances et que, même avec les meilleures techniques, des données fiables sont nécessaires.
Un aéropage international d’auteurs propose une revue des priorités à considérer pour une amélioration transfrontalière des coordinations de soins intégrés - définis comme des soins de plus haute qualité et plus sûrs - pour des patients amenés à voyager et traverser les frontières.
L’intégration transfrontalière de soins suppose l’adoption d’une plateforme d’actions commune entre pays aux trois niveaux, macro, méso et micro, particulièrement quand les voyages traversent des pays riches, et d’autres en développement à différents stades.
Les recherches sur le domaine avaient jusqu’à présent essentiellement listé ce qui serait souhaitable pour de tels soins plutôt que vraiment vérifié les conditions d’organisation et de réalisation pratique sur la variété des terrains considérés.
Pour avancer, cette équipe internationale a procédé par une enquête électronique DELPHI en 2023, organisée en plusieurs tours de consultation de délégués de 19 pays représentatifs de la diversité des nations concernées par une telle charte, et ce, afin de rechercher les éléments de consensus émergeants.
66 priorités ont été listées dont 25 ont été finalement l’objet d’une étude de consensus global.
6 groupements thématiques ont été réalisés à partir de ces 25 priorités relatives pour dégager les conditions minimales à exiger pour :
Ces 6 dimensions et leurs détails devraient aider chaque pays volontaire de rejoindre un tel accord transfrontalier à installer le service requis, ses modalités et se préparer à son évaluation externe.
Un témoignage de professionnels de l’ARS-Auvergne sur une initiative récente visant à aider le signalement des événements indésirables. Une délégation dédiée a été en effet mise en place en juin 2022 au sein de l’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes (ARS-ARA) pour renforcer le pilotage du dispositif de gestion des événements indésirables, notamment pour coordonner et harmoniser les actions des douze délégations départementales.
L’objectif de ce travail est de décrire cette organisation, de déterminer ses principaux avantages et d’identifier les axes d’amélioration.
La délégation aux événements indésirables coordonne la gestion des événements indésirables via des missions de pilotage, de gestion des événements indésirables en général, et en particulier de ceux identifiés comme critiques, d’appui pour l’accompagnement des agents en délégation départementale et de promotion du signalement auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux.
La délégation aux événements indésirables a su trouver sa place pour apporter une valeur ajoutée au traitement des événements indésirables. L’ARS-ARA s’est dotée d’une équipe dédiée qui dispose de compétences internes adaptées pour statuer sur les conclusions à tirer de l’analyse d’un événement indésirable notamment lorsque la criticité de la situation nécessite une intervention de l’autorité sanitaire.
Les médecins consacrent une partie significative de leur temps de travail à tenir à jour les dossiers médicaux et documents administratifs. Trop de bureaucratie limite le temps consacré aux patients et favorise l'épuisement professionnel. Les organisations ont besoin de stratégies efficaces pour réduire ce fardeau. Pour autant, les données sur des solutions, par exemple en déléguant en partie les mises à jour à des aides dans l’équipe médicale, se sont limitées à de petites études menées dans un seul établissement, sans estimations rigoureuses de la façon dont le soutien à la documentation modifie le temps consacré à la partie purement médicale des écritures, et au volume des visites.
Cette étude, conduite par des économistes de santé américains de trois universités, utilise les données d’une cohorte longitudinale nationale permettant d’accéder aux métadonnées décrivant la ventilation et le contenu de temps de travail/semaine des médecins de septembre 2020 à avril 2021. L’objectif est de mettre des chiffres réels d’efficacité sur ces initiatives de délégation internes à l’équipe.
Les principaux résultats portent sur
La cohorte comporte 18 265 médecins :
L'échantillon comprenait 57,2 % de médecins de premier recours, 31,6 % de médecins spécialistes et 11,2 % de chirurgiens spécialistes ; 40 % d'entre eux exerçaient dans des établissements universitaires et 18,4 % dans des établissements de soins ambulatoires.
Pour les médecins ayant adopté le système, le volume des visites a augmenté de 6,0 % (2,5 visites/semaine [P< 0,001) et le temps de documentation a diminué de 9,1 % (23,3 min/semaine [P< 0,001).
Après une période d'apprentissage post-adoption de 20 semaines, les visites par semaine ont augmenté de 10,8 % et le temps de documentation a diminué de 16,2 %.
Seuls les utilisateurs intensifs (>40 % du texte des notes rédigées par d'autres membres de l’équipe) ont vu leur temps de documentation diminuer :
Les personnes qui ont peu adopté le système n'ont pas vu de changement significatif dans le temps consacré au DSE, mais ont réalisé une augmentation similaire du volume des visites.
Conclusions : Dans cette étude de cohorte longitudinale nationale, les médecins qui ont adopté la documentation en équipe ont connu une augmentation du volume des visites et une réduction du temps consacré à la documentation et au DSE, en particulier après une période d'apprentissage.
On sait peu de choses sur le temps qu'il faut pour que les nouveaux médicaments atteignent des pays ayant des niveaux de revenus différents. Ces deux auteurs anglais de la London school of economics and political science analysent les données provenant d'IQVIA (une source privée internationale de données médicales), sur le calendrier des lancements de nouveaux médicaments dans soixante-quinze marchés à revenus faibles, moyens et élevés entre 1982 et 2024.
L'échantillon comprend la majorité des médicaments essentiels (tels que désignés par l'Organisation mondiale de la santé -OMS) qui ont fait l'objet d'une première utilisation médicale dans le monde entier à partir de 1982. Au total, l’analyse a porté sur 119 médicaments et 6 871 lancements observés.
Près des trois quarts (74 %) des premiers lancements ont eu lieu dans huit pays seulement (par ordre du plus grand nombre de premiers lancements, les États-Unis, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et le Japon).
À partir du premier lancement au niveau mondial, le délai médian de disponibilité était de :
L'écart entre les pays les plus riches (à revenu élevé et moyen supérieur) et les pays les plus pauvres (à revenu moyen inférieur et faible) est resté largement inchangé au fil du temps.
Les auteurs concluent qu’il reste urgent d'élaborer des stratégies pour remédier aux disparités mises en évidence par cette analyse.
Les soins primaires anglais sont confrontés à une réduction considérable de l'offre de médecins généralistes, à la fois par leur nombre brut, par la diminution des heures travaillées des médecins restants et par une augmentation de la demande.
Cette étude observationnelle rétrospective explore les tendances dans ces domaines entre 2015 et 2022.
La charge de travail et la demande sont évaluées par trois mesures ramenées au temps disponible médical :
Entre 2015 et 2022, l'équivalent temps plein (ETP) médian d'un médecin généraliste pleinement qualifié a diminué de 0,80 à 0,69 en Angleterre, signant une modification profonde sociologique des désirs de la profession et l’impact de la demande augmentée de Qualité de vie au travail pour ces professionnels. Parallèlement, on observe sur la même période une augmentation de 9 % de la population inscrite par ETP de médecin généraliste (ratio du taux d'incidence).
Cette augmentation est plus marquée si l'on utilise le marqueur du nombre de maladies chroniques. Les cabinets médicaux du décile le plus défavorisé (selon les zones d’installation) comptent 17 % de patients en plus et 19 % de maladies chroniques en plus par ETP de médecin généraliste par rapport au décile le moins défavorisé.
Ces disparités persistent dans le temps. Toutes les régions signalent plus de maladies chroniques par ETP de médecin généraliste comparé à la situation dans la ville Londres.
La crise provoquée par le cisaillement croissant entre baisse de l’offre et augmentation de la demande a atteint des sommets et pose désormais des questions urgentes pour toute la chaine de recrutement et de formation médicale.
Des augmentations substantielles des taux de consultation au Royaume-Uni, de la durée moyenne des consultations et de la charge de travail clinique ont été observées entre 2007 et 2014. À la connaissance des auteurs, aucune analyse des tendances plus récentes de la charge de travail clinique n'a été publiée à ce jour. Cette étude met à jour et développe les recherches précédentes, en identifiant les changements sous-jacents dans les niveaux de morbidité de la population qui affectent la demande de soins de santé primaires.
Ces auteurs étudient l'évolution de la charge de travail clinique dans les soins primaires au Royaume-Uni depuis 2005. L’analyse est fondée sur une étude de cohorte rétrospective utilisant les données des dossiers de santé électroniques des soins primaires de 824 cabinets de médecine générale britanniques.
Plus de 500 millions de dossiers médicaux électroniques anonymes ont été obtenus auprès d'IQVIA Medical Research Data afin d'examiner les taux de consultation des médecins généralistes et des infirmières praticiennes, ainsi que la durée de ces consultations, pour déterminer la charge de travail totale au niveau du patient par année-personne.
Les taux moyens de consultations directes (en face à face et par téléphone) des médecins généralistes, normalisées selon l'âge, ont diminué régulièrement de 2,0 % par an entre 2014 et 2019.
Entre 2005 et 2019, les taux moyens de consultation directe des médecins généralistes ont diminué de 5,8 % dans l'ensemble, tandis que la charge de travail moyenne par année-personne a augmenté de 25,8 %, en partie en raison d'une augmentation de 36,9 % de la durée moyenne de la consultation.
La charge de travail indirecte des médecins généralistes a presque triplé au cours des 15 années, contribuant à une augmentation de 48,3 % de la charge de travail clinique globale par année-personne. La proportion de la population étudiée souffrant de ≥3 maladies chroniques graves est passée de 9,7 % à 16,1 %, représentant plus d'un tiers de la charge de travail clinique totale en 2019.
Les résultats montrent des augmentations soutenues des taux de consultation, de la durée des consultations et de la charge de travail clinique jusqu'en 2014. À partir de 2015, cependant, l'augmentation de la demande de soins de santé et de la charge de travail administratif a conduit à des contraintes de capacité alors que le système approche de la saturation.
La sécurité des patients (SP) reste un point noir de santé publique mondiale. On estime que 10 % des patients subissent des dommages évitables pendant leur hospitalisation.
Parmi les actions à conduire, l’amélioration de la culture de sécurité des équipes et organismes de soin est considérée comme un élément essentiel par la littérature scientifique.
Mais l’idée même de cette culture de sécurité pose encore des problèmes conceptuels, avec une terminologie incohérente, un manque de définitions et des propriétés scientifiques en débats. Pour autant, le concept reste largement utilisé dans la recherche et la pratique car elle est considérée comme une porte d'entrée potentielle pour comprendre les aspects sociotechniques complexes du système de soins de santé et améliorer la sécurité des traitements et des soins aux patients.
Cette étude danoise explore par une revue de littérature l’usage du concept de culture de sécurité en milieu hospitalier. Elle regarde plus particulièrement comment le diagnostic de culture est utilisé comme résultat pratique et moteur d’amélioration, en explorant ainsi la position théorique qui sous-tend cette utilisation, quels prédicteurs/indicateurs ont un impact sur la construction de la culture, et quels liens on leur prête dans la construction.
La revue porte sur trois bases de données internationales. Elle s’appuie finalement sur 23 études répondant aux critères d'inclusion.
Cette revue de littérature a permis d'identifier 81 prédicteurs. Les auteurs notent d’abord la très grande hétérogénéité des populations utilisées dans les études, des tailles d’unité analysées sans parler de méthodes éminemment variables dans l’analyse qui traduisent tous les flous existant encore au niveau théorique.
Le seul facteur vraiment commun et dominant dans toutes les études publiées reste que la cuture de sécurité observée sur le terrain est toujours largement dépendante du choix de l’approche organisationnelle/managériale.
Les soins infirmiers oubliés ou retardés (missed nursing care-MNC) sont devenus depuis une petite dizaine d’année un indicateur important de la littérature relative à l’évaluation indirecte des effets du manque d’effectifs. Cet indicateur a d’ailleurs fait l’objet d’une vaste étude européenne terminée en 2023, dans laquelle l’équipe qui publie cet article était une des équipes participantes.
Cette étude turque de bonne qualité examine la relation entre l'environnement de travail et ces soins infirmiers oubliés/retardés en essayant de corréler le résultat à une évaluation de l’auto-efficacité professionnelle. Le questionnaire d’auto-efficacité évalue la capacité du professionnel à "ne pas baisser les bras" dans des conditions de travail dégradées, et à rechercher des solutions adaptées et à moindre risque pour le patient.
La littérature montre que les personnels qui obtiennent des scores importants d’auto-efficacité sont aussi ceux qui travaillent le mieux en équipe, qui partagent leur savoir, apprennent du retour d’expérience, sont plus ouvertes aux nouveautés.
L’étude est quantitative, transversale et corrélationnelle. Elle a été menée auprès de 433 infirmières dans deux hôpitaux de la ville d'Istanbul. Les données ont été collectées entre novembre 2022 et février 2023 à l'aide de "l'Enquête MISSCARE-Turc", de "l'Échelle de l'environnement de travail" et de "l'Échelle d'auto-efficacité de la profession infirmière".
Les participants avaient un score moyen de 66,67 ± 14,37 sur l'échelle d'auto-efficacité de la profession infirmière (échelle notée sur 80 - 80 étant le maximum d’auto-efficacité), un score moyen de 84,96 ± 13,62 sur l'échelle de l'environnement de travail - échelle notée sur 100 avec 100 comme environnement de travail maîtrisable -, un score moyen de 1,30 ± 0,73 pour les soins oubliés et un score moyen de 3,18 ± 0,78 pour les raisons de ces soins oubliés.
L'auto-évaluation de l’efficacité de la profession infirmière s’avère :
L'auto-efficacité professionnelle joue un rôle modérateur significatif dans la relation entre l'environnement de travail et les éléments oubliés. Des niveaux faibles ou modérés d'auto-efficacité professionnelle ont modéré les effets négatifs de l'environnement de travail sur les éléments oubliés.
Les cadres infirmiers peuvent avoir des difficultés à améliorer l’environnement de travail. Dans ce cas, les administrateurs peuvent réduire les soins infirmiers oubliés ou mal réalisés en augmentant l'auto-efficacité professionnelle de leurs équipes.