Dr Marie-Christine Moll, David Pasteau, Nicolas Gombault
 

M. Pasteau, pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre expérience avant le développement de l'initiative KSMOR ?

J'ai dirigé une entreprise de formation et de conseil certifiée ISO 9001 depuis 1994. Dans ce cadre, nous avons développé des partenariats européens et mis en place une méthode qualité basée sur le pilotage par les pratiques clés, appelée KSM (Key Skill Management).

Cette approche permet d'assurer un haut niveau de qualité dans des secteurs où les exigences en termes de technicité sont particulièrement élevées et où les pratiques sont en constante évolution. C’est le cas des blocs opératoires.

Quelles ont été vos motivations pour développer le projet KSMOR ?

J’ai quitté mon entreprise en 2009. Un de mes amis, chirurgien urologue et chef de service, était conseiller scientifique de l’École d’IBODE. Je l’ai interrogé sur le système qualité dans les blocs opératoires ; il m’a proposé de rencontrer la Directrice de l’École d’IBODE. Ce fut mon premier contact avec les blocs.

En travaillant ensuite pendant plus d’une année avec des infirmières de blocs, des chirurgiens mais également avec les organisations professionnelles française (UNAIBODE) et européenne (EORNA), j'ai réalisé que nous pouvions expérimenter la méthode KSM dans les blocs.

Comment est né KSMOR ?

KSMOR est le fruit d'une collaboration qui s’est étendue sur quatorze années avec l’UNAIBODE et une dizaine de partenaires européens dans le cadre de projets ERASMUS.

La méthode repose sur le management du risque. Dans des secteurs où les produits ou prestations doivent être produits avec 100% de conformité, tous les points à risques sur les processus font l’objet de pratiques bien définies et formalisées. Le responsable ou l‘animateur de l’équipe doit garantir au quotidien que toutes les personnes qui travaillent sur le processus sont autonomes et en assurance qualité pour leur travail.

Pour les blocs, ce sont les cadres de blocs dans une dizaine de pays européens qui se sont impliqués pour adapter précisément l’approche KSM au bloc opératoire. Conçu par les cadres de blocs pour les cadres de blocs, KSMOR a donc été construit par ses propres utilisateurs ; c’est donc un outil simple, réactif, rapide et efficient.

Il a une double fonction :

• Piloter au quotidien et à moyen terme l’autonomie des infirmières de blocs, notamment lors de l’intégration.
• Maîtriser la qualité et donc les dysfonctionnements.

Pour le premier point, des groupes de travail de l’UNAIBODE ont élaboré et testé pendant près de deux années deux types de questionnaires :

• Le premier, dit "tronc commun", intègre plus de 200 pratiques incontournables qu’une infirmière de bloc doit maîtriser au bloc opératoire afin de garantir la sécurité du patient et de ses collègues.
• Le second dit "par spécialité chirurgicale" présente l’éventail des pratiques indispensables dans chacune des spécialités chirurgicales.
   

Tout cadre de bloc peut adapter ces questionnaires à son bloc, dans la forme comme dans le fond. D’une part pour tenir compte des spécialités techniques et culturelles de son bloc mais aussi pour intégrer les innovations de toute nature.

En outre, KSMOR intègre par spécialité l’ensemble des interventions chirurgicales. Celles-ci sont également adaptables à chaque bloc.

Comment fonctionne KSMOR ? 

La tutrice, la référente accompagnent les nouveaux entrants avec ces questionnaires via une application accessible sur smartphone ou PC. Elles peuvent ainsi passer progressivement en revue l’ensemble des pratiques exigées d’une infirmière au bloc.

Cette dernière renseigne les interventions auxquelles elle participe (moins de dix secondes), en précisant son rôle (circulant, instrumentiste, en autonomie, en doublure, etc. ). Elle peut également ajouter des commentaires libres.

Ces données alimentent en temps réel un profil individuel accessible à la personne et au cadre de bloc, qui valide progressivement l’autonomie de l’infirmière par intervention comme circulante ou instrumentiste.

Elles peuvent ainsi, à partir d’un document factuel, envisager les formations et les programmations à venir.

En outre, la responsable de bloc a accès en temps réel au tableau de polyvalence des autonomies de toute son équipe. Celui-ci reprend pour l’ensemble de l’équipe le degré d’autonomie individuel par sous-spécialité chirurgicale et par intervention comme circulante ou instrumentiste.

Grâce à cette cartographie de compétences, mise à jour en temps réel, le cadre dispose d’un outil de pilotage de la polyvalence, partagé, clair et factuel. Elle connait le degré d’autonomie de chaque infirmière de bloc en temps réel.

Quels sont les principaux bénéfices de KSMOR ?

Ils sont nombreux ! KSMOR répond à la demande des cadres de bloc et aux exigences de l’HAS.

Les infirmières de bloc ont un ressenti positif de l’usage de KSMOR. Grâce à un parcours tracé, avec des étapes claires, elles ont une vision partagée et factuelle de leur parcours d’intégration.

Elles peuvent savoir à tout moment où elles en sont ; elles connaissent avec précision leurs marges de progrès et peuvent planifier avec leur tutrice les étapes clefs de leur progression. Leur intégration devient plus claire, transparente et se fait donc dans un climat apaisé.

Pour les cadres de bloc, le tableau de bord de KSMOR est une ressource nouvelle qui a fait ses preuves dans de nombreux domaines et un outil d’aide à la décision qui introduit le niveau de sécurité et de transparence indispensable. C’est un véritable atout dans le domaine des RH pour les entretiens annuels, les plans de formation, la gestion des absences et surtout la programmation des programmes opératoires.

Chaque cadre de bloc dispose avec KSMOR d’un outil de décision qui assoit son autorité managériale auprès de tous les interlocuteurs de l’établissement. La validation de l’autonomie se fait progressivement, de manière formelle, participative et sans ambiguïté. Les ajouts de spécialités chirurgicales, d’interventions, de matériel sont intégrés au fur et à mesure.

Enfin, les référents ou tuteurs ont la certitude de disposer d’un référentiel professionnel adapté aux standards de la profession, et évolutif. Ils sont sûrs que toutes les infirmières passent par le même chemin, abordent les mêmes pratiques. Ils n’ont plus la crainte d’oublier telle ou telle pratique dans leur accompagnement. Et en cas d’absence, la traçabilité des données permet la pérennité de l’accompagnement avec une autre personne.

Quant aux chirurgiennes, elles peuvent échanger avec les référentes et cadres de blocs sur telle ou telle personne à partir de données factuelles. En outre, elles peuvent à tout moment demander que l’on intègre dans les questionnaires les pratiques qu’elles estiment nécessaires et incontournables.

Enfin, et c’est l’essentiel, les avantages sont réels pour les patients, qui bénéficient ainsi d'une prise en charge plus sûre et de meilleure qualité.

Quelles sont les perspectives d’évolution de cet outil ? 

KSMOR peut être décliné à d’autres fonctions ou services à l’intérieur d’un hôpital, par exemple le service des urgences, qui nécessite une grande polyvalence. Il pourrait également trouver à s’appliquer aux aides-soignantes travaillant au bloc ou aux infirmiers intérimaires.

Son paramétrage très ouvert fait que l’on peut l’utiliser pour toutes les fonctions où des risques existent.

Grâce à ses référentiels et son paramétrage, KSMOR devient en fait un incontournable pour garantir des pratiques d’excellence sur des postes à risques.