Revue de presse - Mars 2025

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Revue de presse - Mars 2025

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Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : détection des erreurs diagnostiques aux urgences, l'équité en santé comme composante de la démarche Qualité, surcharge de travail en réanimation et flexibilité des effectifs, mesures Qualité et impacts sur la disponibilité clinique...

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 17/03/2025

Propension des médecins urgentistes à hospitaliser et lien à la mortalité : pas de bénéfice évident à une plus grand prudence

Une autre étude du réseau des Vétérans aux États-Unis réalisée entre 2011 et 2019 a comparé les urgentistes des services d’urgences quant à leur propension à hospitaliser plus ou moins les patients en visite aux urgences. 

Le travail a été limité à des motifs de passages relevant de trois signes d’appels : 

  • douleur thoracique, 
  • douleur abdominale, 
  • essoufflement.
     

L’étude porte sur 2 098 médecins ayant vu 2 137 681 patients dans 101 services d’urgences. La moyenne d’âge des patients était de 63 ans (15) dont 9,8 % de femmes. Le taux d’hospitalisation moyen s’élève à 41,2 % et la mortalité moyenne à 30 jours à 2,5 %. 

La propension des urgentistes à hospitaliser, toutes données ajustées sur la pathologie des patients et les comorbidités, varie considérablement à l’intérieur d’un même service d’urgence.

Par exemple, Le percentile des 10 % des médecins d’un service qui hospitalisent le plus admet 56,6 % des patients, à comparer au percentile 10 % de ceux qui hospitalisent le moins et qui n’en admettent que 32,6 %. 

Sur le risque assumé, l’étude montre que les patients hospitalisés par les médecins les plus prônes à hospitaliser sortent plus le jour suivant, après seulement 24 heures de séjour (31 vs 24,8 %) et surtout, il n’y a pas de différences significatives de mortalité à 30 jours entre ces médecins hospitalisant facilement vs ceux hospitalisant en relatif beaucoup moins.

Ainsi, globalement, la stratégie de grande prudence n’apparaît pas très justifiée, sinon coûteuse et sans bénéfice au patient.

Coussens, S., & Ly, D. P. (2024). Variation in emergency department physician admitting practices and subsequent mortality.  JAMA Intern Med. 2025;185(2):153-160. doi:10.1001/jamainternmed.2024.6925

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Trop de temps passé à documenter la Qualité au détriment de la disponibilité clinique. Un système aggravé par la logique des malus financiers pour faire progresser la qualité des soins

Les programmes destinés à améliorer la qualité des soins par incitation directe financière des autorités se sont multipliés depuis 15 ans, notamment à travers l’accréditation des hôpitaux et d’autres initiatives associées. 

Au départ limité aux soins hospitaliers, ces programmes ont été élargis aux soins ambulatoires et à la médecine de ville. Leur évaluation objective en matière d’efficacité fait pourtant souvent encore défaut alors qu’ils sont de plus en plus critiqués par les professionnels.

C’est justement un autre problème que de trouver la juste clé à utiliser pour leur évaluation. On a deux soucis récurrents dans cette évaluation. 

  • La première difficulté porte sur la mesure du lien direct (niveau de qualité - bénéfices pour les patients).
  • Mais il faut notamment considérer encore plus la deuxième difficulté qui porte sur la mesure de "l’invisible", le temps (inflationniste et bureaucratique) pris à respecter cette contrainte et la documenter, qui s’exerce forcément au détriment de la disponibilité médicale des professionnels.

Sur le premier point - l’effet direct des mesures de pénalité sur l’amélioration de la qualité -, les études disponibles montrent des résultats plutôt contradictoires avec nos intuitions, car sont plutôt peu favorables aux systèmes de malus financiers.

 Plusieurs de ces études montrent depuis déjà plusieurs années que le seul fait d’introduire les mesures de qualité - avec ou sans malus - produit une amélioration des pratiques des professionnels sans avoir besoin d’une organisation d’état dédiée à surveiller et compter les effets en continu (Mehrotra Ann Intern Med 2006 ; Casalino, Health affairs 2016). 

Les domaines ont prouvé qu'un bénéfice clair à une organisation étatique de l’amélioration continue de la qualité reste limité. On y retrouve l’exemple de l’amélioration de la détection-surveillance de l’hypertension - avec un bénéfice - modeste mais prouvé - des campagnes Qualité et malus associés, mais peu d’autres applications. 

Un article récent de Hassellink publié dans le BMJQS montrerait un bénéfice à ces malus aux Pays-bas, uniquement pour un set limité de quelques actions Qualité vitales. Ils ont réduit dans 17 hôpitaux cibles les 91 indicateurs Qualité préconisés en réanimation à 17 indicateurs essentiels. Ce faisant, ils réduisent de façon très significatives le temps bureaucratique à consacrer à la documentation en démontrant qu’il n’y a aucune incidence sur le résultat (réhospitalisassions, mortalité). 

Mais ils montrent aussi un résultat paradoxal : beaucoup de professionnels continuent à surveiller et documenter ce qui n’est plus exigé, comme si abandonner ses habitudes reste un défi pour tous. 

L’étude montre aussi qu’augmenter la barre d’exigence sur des indicateurs Qualité ne se traduit pas par une amélioration réelle de la qualité sur le terrain. Les médecins sont si occupés qu’ils n’ont en général pas de temps à vraiment se réorganiser sur le fond de leur pratique pour suivre les exigences de ces indicateurs "idéaux".

L’agence de la Qualité US (ARHQ) a pris le même chemin que les collègues Hollandais en considérant que 23 indicateurs clés de la qualité seraient vraiment essentiels et suffisants parmi les 500 existants.

On peut aussi penser que l’informatique médical est maintenant assez avancée pour réaliser les mesures importantes sans consommer du temps clinique précieux à documenter, et peut-être même aller au-delà avec des senseurs intelligents dans le respect plus systématique de la qualité en aide continue des pratiques.

Dans tous les cas, l’enjeu prioritaire actuel doit être de préserver une qualité réelle des soins sans inflation, tout en libérant du temps clinique aujourd’hui dispersé sur des tâches concurrentes dont le bénéfice n’est pas prouvé.

Schneider EC The beast and the burden: will pruning performance measurement improve quality? BMJ Quality & Safety Published Online First: 19 January 2025. doi: 10.1136/bmjqs-2024-017976

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Revue de littérature : Spectaculaire ! délais d’attente de téléconsultations réduits en moyenne de 24,5 jours en secteur isolé en comparaison au temps d’accès à un rendez-vous classique

Cette équipe italienne de Bologne propose une revue de littérature sur les délais d’accès à la télémédecine dans les zones isolées, et l’impact sur la réduction des temps d’attente de consultations en comparaison de consultations classiques au cabinet du médecin/hôpital.

On compte dans ces publications le temps entre la demande de la (télé) consultation, et sa réalisation concrète.

Ce temps est comparé entre ceux qui obtiennent une téléconsultation (de soins primaires ou spécialisés) en comparaison avec des patients équivalents en habitat et pathologies qui obtiennent la même consultation à l’hôpital ou en soins primaires.

L’analyse porte finalement sur 53 articles de langue anglaise concernant un total de 270 388 patients.

Globalement :

  • La réduction moyenne du temps d’attente d’une consultation grâce à une téléconsultation atteint 24,5 jours.
  • Il monte à 34,7 jours s’il s’agit d’une consultation de spécialité.
  • Et à 17,3 jours pour un avis chirurgical.

Inutile de dire que la preuve d’efficacité est largement établie pour l’intérêt de déploiement de ce télé accès dans les zones isolés.

Capodici, A., Noci, F., Nuti, S., Emdin, M., Dalmiani, S., Passino, C.,... & Giannoni, A. (2025). Reducing outpatient wait times through telemedicine: a systematic review and quantitative analysis. BMJ open, 15(1), e088153.Health services research

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Utilisation de traces électroniques recherchées en continu dans les dossiers patients pour identifier des diagnostics ratés aux passages aux urgences

Le vaste réseau des Vétérans aux États-Unis a testé l’intérêt d’une approche par trigger tool (surveillance de l’occurrence de signaux informatiques significatifs recherchés en continu sur les traces des dossiers électroniques des patients) pour détecter des erreurs de diagnostic aux urgences.

L’étude est de grande ampleur puisqu’elle a été réalisée entre 2026 et 2020 sur plus de 9 millions de patients vus sur 1 321 sites d’urgences du réseau. L’analyse porte sur le bénéfice de 6 "triggers" ou "alertes" recherchés en continu par l’algorithme sur les dossiers électroniques afin de détecter 6 grandes sources possibles de diagnostics ratés aux urgences :

  1. passage à côté d’un AVC, 
  2. d’un signe caractéristique d’une maladie, 
  3. de la bonne interprétation d’une douleur digestive aiguë, 
  4. d’un retour inattendu aux urgences, 
  5. d’une hospitalisation inattendue après la visite aux urgences, 
  6. d’un résultat de test demandé aux urgences sans suites données).

Chacun de ces triggers a été appliqué sur une population totale de patients qui va de 1,6 millions de passages aux urgences (pour la détection des retours inattendus, hospitalisations secondaires inattendues, résultats négligés) jusqu’à 4,6 millions de passages pour les diagnostics ratés d’AVC.

Un échantillon de 625 dossiers tirés au sort représentatifs, montre une prédictibilité de détection correcte de diagnostic ratés par les triggers pour :

  • 47 % des AVC, 
  • 25 % des pathologies digestives aiguës, 
  • 11 % sur des pathologies ratées en lien avec les retours inattendus aux urgences, 
  • 23 % sur les hospitalisations inattendues, 
  • 18 % pour les résultats biologiques négligés laissés sans suite.

Dans 10,8 % des cas, le diagnostic raté s’est traduit par un risque sévère pour le patient, dans 29,2 % des cas un risque plus modéré.

Vaghani, V., Gupta, A., Mir, U., Wei, L., Murphy, D. R., Mushtaq, U.,... & Singh, H. (2024). Implementation of electronic triggers to identify diagnostic errors in emergency departments. JAMA Intern Med. 2025;185(2):143-151. doi:10.1001/jamainternmed.2024.6214

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Facteurs favorisant le burnout des urgentistes et des internistes : l’expérience canadienne

Ces auteurs Canadiens (Vancouver) proposent une étude sur le ressenti de burnout de 41 médecins urgentistes et internistes de 2 hôpitaux de Vancouver. L’étude est conduite à partir d’entretiens et focus groups réalisés en 2021 et 2022. 

Les causes communes les plus citées comme contributives au burnout sont :

  • la pression du flux patients, 
  • les changements itératifs de planning, 
  • les fréquentes interruptions, 
  • les conflits entre services (et notamment les conflits pour les places d’hospitalisation), 
  • et le sentiment d’un leadership globalement déficient pour organiser le travail et protéger les acteurs.

D’autres facteurs se surajoutent, comme les pressions à faire tout toujours plus vite, à voir les patients moins longtemps que souhaité, sans parler des attitudes sexistes déplacées. Les urgentistes sont aussi de plus en plus exposés aux violences. 

Les actions protectives souhaitées seraient :

  1. Un temps plus long à passer avec les patients.
  2. Un travail plus collégial, ainsi qu’une plus grande communication dans les équipes.
  3. Une pratique plus installée du "merci" et de la reconnaissance pour les efforts fournis de la part de la hiérarchie.
  4. Un accès aux services et spécialistes hospitaliers référents qui soit plus planifiable, simple et efficace.
Ghaseminejad, F., Rich, K., Rosenbaum, D., Rydz, E., Chow, L., Salmon, A.,... & Khan, N. (2025). Organisational factors associated with burnout among emergency and internal medicine physicians: a qualitative study. BMJ open, 15(1), e085973.

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Jouer sur la flexibilité de présence pour aider à résoudre les situations récurrentes de surcharge de travail en réanimation, une réponse aux articles récents faisant le constat de solutions adaptatives croissantes basées sur des écarts aux règlements

Le BMJ a publié récemment plusieurs articles repris dans les revues de presse de la Prévention Médicale sur les adaptations et contournements des règles des professionnels utiles pour gérer des conditions de pression excessive ou des effectifs chroniquement manquants. Ces adaptations, notamment dans le dernier article publié sur le travail en réanimation, apparaissaient parfois peu réglementaires, mais pas nécessairement dangereuses.

Cette équipe d’infirmiers australiens de l’université de Queensland réagit à ces publications, soulignant d’abord sur le contexte de pression excessive et d’effectifs réduits devient la norme même en réanimation. Le sous-effectif entraîne encore plus de sous-effectif comme dans une spirale négative ; le taux de burnout et de démotivation avec demande de mutation des services pénibles ne cesse d’augmenter chez ceux qui sont encore au travail, avec un poids particulier pour les personnels remplaçants moins qualifiés qui doivent gérer des patients de réanimation de plus en plus complexes et âgés.

Les contournements de règle pour alléger la charge sont une solution de tous les jours, mais il est difficile de s’en contenter ; on sait que ces contournements peuvent facilement devenir des nouvelles normes (des déviances permanentes), et bien sûr certains de ces contournements ont aussi des domaines de validité et des risques s’ils sont employés hors de tout contrôle. Ce ne sont donc que des solutions de secours.

Si on rentre plus dans le problème de régulation de la pression et charge de travail excessives, les auteurs nous expliquent que sur le problème d’effectifs, il faudrait considérer la charge et son évolution très hétérogène dans la journée, avec des pics où même les effectifs normaux (sans absents) sont très insuffisants, contrastés avec des périodes plus calmes.

C’est donc plutôt l’idée d’une plus grande flexibilité des effectifs qu’il faudrait pousser à travers une réorganisation des plannings et du modèle de soin, en jouant plus sans doute sur un compagnonnage adapté pour s’entraider sur les moments difficiles, voire dépasser les effectifs théoriques - à noter que ces moments difficiles sont en grande partie répétitifs et anticipés dans la journée -, et se donner au contraire plus de liberté et d’adaptation individuelle lors des phases calmes pour mieux réguler émotion, fatigue et qualité de vie au travail, le pire étant de garder inutilement des personnels épuisés qui se déconnectent émotionnellement de leurs patients.

Massey D, Gillespie B Rising above the strain? Adaptive strategies used by healthcare providers in intensive care units to promote safety BMJ Quality & Safety 2025;34:67-69.

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Engager les autorités dans un accompagnement du médecin fautif pour une prise de conscience et un travail de formation : un témoignage anglais

La raison d'être des organismes de réglementation des professions de santé dans le monde entier est de protéger les patients et le public contre le risque de préjudice. 

En cas de faute grave, l’imposition au professionnel fautif d’une prise de conscience et d’un travail réflexif dirigé (encore appelée remédiation) est considérée comme un facteur important lorsqu'il s'agit d'évaluer le risque de préjudice récurrent associé à ce praticien défaillant. 

Pourtant, nous savons très peu de choses sur la manière dont les régulateurs prennent en compte cette remédiation dans leur prise de décision et si cela est cohérent avec l'objectif de réduction des risques. 

Cet article explore le rôle de la remédiation dans la prise de décision dans les cas de faute grave devant les autorités de régulation des soins de santé au Royaume-Uni.

L’étude porte sur des entretiens réalisés avec 21 participants issus de huit des neuf organismes de réglementation des professions de santé au Royaume-Uni, couvrant un éventail de rôles dans le processus de prise de décision dans les cas de mauvaise conduite.

La remédiation a influencé la prise de décision des autorités de trois manières : 

  1. Certains types d'inconduites ont été jugés plus remédiables que d'autres. Dans les cas de malhonnêteté ou d'inconduite sexuelle, ce travail était moins susceptible de servir de facteur atténuant.
  2. Les décideurs considèrent souvent les mesures correctives comme un indicateur indirect de la prise de conscience du praticien sur ses propres problèmes.
  3. Le fait qu'un praticien ait démontré sa volonté de changer en suivant une mesure corrective est plus susceptible d'influer la prise de décision, particulièrement dans le cas où la mauvaise conduite est intervenue dans un contexte de dégradation soupçonnée des facultés cognitives.

La remédiation joue un rôle clé dans les jugements des décideurs dans les cas de mauvaise conduite, en particulier lorsque ces cas sont liés à une mauvaise conduite avec les patients. Dans de tels cas, les actions entreprises informent sur le niveau réflexif de compréhension du praticien sur son attitude, et le risque de répétition d'une telle faute. 

Ces résultats suggèrent qu'il est nécessaire de développer des interventions de remédiation explicitement orientées vers la prise de conscience des problèmes par le médecin. 

Price T, Reynolds E, O’Brien T, et al Role of remediation in cases of serious misconduct before UK healthcare regulators: a qualitative study BMJ Quality & Safety 2025;34:110-118. 

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L’équité comme composante de la démarche Qualité, un besoin mais encore un long chemin à parcourir

Une partie importante de l’amélioration continue de la Qualité est essentielle pour promouvoir l'équité en matière de santé et atténuer les disparités dans les résultats des soins de santé. Les interventions d'amélioration de la qualité axées sur l'équité répondent aux besoins spécifiques des groupes défavorisés sur le plan de l'équité et s'attaquent aux causes profondes des disparités.

Cette étude exploratoire, conduite par une équipe de Toronto, vise à identifier les thèmes des interventions de Qualité qui améliorent la santé des groupes défavorisés sur le plan de l'équité.

Les données proviennent de l’analyse de bases de données médicales et de soins de santé et résultent dans une revue de littérature poussée.

Sur les 5 330 titres et résumés examinés, 36 articles ont été retenus. Ils font état d'interventions pertinentes sur le sujet de l’équité dans la démarche Qualité, produites dans huit disciplines médicales : soins primaires, obstétrique, psychiatrie, pédiatrie, oncologie, cardiologie, neurologie et pneumologie. 

Les questions raciales constituent l'objectif le plus fréquent (42 %).

Il apparaît que les obstacles aux interventions d’équité dans la Qualité se situent au niveau des prestataires (formation et supervision, contraintes de temps) et des institutions (financement et partenariats, infrastructure). 

Le dernier thème critique pour ces interventions est celui de la durabilité. Seules six interventions (17 %) ont impliqué activement des patients partenaires.

En conclusion, les interventions sur l’équité de soins peuvent être un outil efficace mais se heurtent à de nombreux obstacles. 

On ne peut même pas dire en l’état des recherches actuelles si les barrières identifiées sont intrinsèques à l'objectif d'équité des projets ou si elles peuvent être généralisées à tous les travaux d'amélioration de la Qualité.

En tout cas, les chercheurs qui se lancent dans des travaux d’équité portés par la démarche Qualité doivent mieux impliquer les patients, ainsi que les responsables des hôpitaux et des cliniques, dans le processus de conception afin de garantir le financement et le soutien institutionnel, et d'améliorer la durabilité. 

À noter qu’à ce jour, aucune étude n'a synthétisé les résultats des interventions d’équité dans le domaine des soins de santé. D'autres études sur les champions de ces pratiques sont sans doute nécessaires pour mieux comprendre les obstacles et la manière de les surmonter.

Jomy J, Lin KX, Huang RS, et al Closing the gap on healthcare quality for equity-deserving groups: a scoping review of equity-focused quality improvement interventions in medicine BMJ Quality & Safety 2025;34:120-129.

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Tout outil d’optimisation de la performance aussi bon soit-il, ne suffit pas à l’obtention du succès et d’une excellence opérationnelle : l’exemple du Lean Management

Dans une étude récemment publiée dans le British Medical Journal, "The Maturity of Lean Management in a Large Academic Medical Center in Finland : A Qualitative Study", Hirvelä et al, ses auteurs, notent que l'impact du Lean Management dans les soins de santé n'a pas toujours été couronné de succès et que les organisations doivent encore évaluer en maturité pour le mettre en œuvre avec succès. 

Cette étude finlandaise propose une évaluation de maturité de la mise en œuvre de la Lean Management dans trois secteurs différents d'un CHU. L’analyse, appuyée sur des entretiens semi-structurés, dégage cinq dimensions dimensionnantes pour l’évaluation de la maturité des pratiques de Lean :

  • leadership, 
  • engagement, 
  • standardisation du travail, 
  • communication,
  • gestion quotidienne. 
     

L'étude met également en évidence quatre facteurs explicatifs supplémentaires (connaissance du Lean, données disponibles et facteurs environnementaux, psychologiques et organisationnels) qui ont soutenu ou entravé le processus de mise en œuvre.

Dans l'ensemble, ces travaux montrent que Lean Management est un système de gestion sociotechnique complet qui va bien au-delà des aspects techniques : mais, à ce titre, une mise en œuvre mécanique des outils et techniques du Lean ne suffit pas à elle seule pour avoir un impact positif. 

L'engagement et les connaissances des dirigeants, l'engagement des employés et de la direction, la communication, la gestion quotidienne sont des prérequis à la réussite.

Cette constatation fait écho à une autre littérature sur les déploiements de "l'excellence opérationnelle" dans les industries manufacturières et de services.

L'excellence opérationnelle, un terme largement appliqué aux entreprises mais dont la signification reste mal définie, est souvent utilisée comme un objectif souhaité, désignant de manière quasi interchangeable des méthodes d’accès comme le Lean, le Six Sigma, ou encore l'Amélioration Continue de la Qualité. 

Comme dans le L’étude finlandaise, le succès dans l’excellence opérationnelle est très sensible aux différents styles de leadership. De même, le manque de communication, d'engagement des employés, de formation et d'éducation des employés, de cadre pour la durabilité et de résistance au changement sont vus comme des facteurs d'échec critiques.

Comme pour le Lean, toute initiative d'excellence opérationnelle, quel que soit le secteur d'activité, est bien plus qu'un ensemble d'outils et de techniques. Elle nécessite un changement culturel au sein de l'organisation, pour lequel l'engagement des dirigeants et des employés est nécessaire. 

L’arrivée des nouvelles technologies numériques propres à l’industrie 4.0 (Big Data, la Blockchain, l'Internet des objets et l'intelligence artificielle) réclame encore plus de combiner les méthodologies d'excellence opérationnelle avec les technologies de l'industrie 4.0.

Tous ces travaux renforcent un point établi depuis longtemps mais facilement oublié : les personnes et la culture sont essentielles pour des soins sûrs et de haute qualité. Indépendamment de la capacité technologique ou de la maîtrise des outils d'une organisation, ce sont avant tout les personnes qui travaillent en collaboration, dans le respect, en se concentrant sur le patient et en bénéficiant d'un soutien clair de la part des dirigeants, qui sont nécessaires pour assurer des soins de qualité et sûrs. 

Cela nécessite un leadership efficace dans l'ensemble de l'organisation. Les dirigeants se concentrent trop souvent sur la structure, les outils, les modo et les processus, au détriment de la compréhension de la culture et des comportements qui ont un impact sur la culture de l'organisation : l'établissement et le maintien d'une culture d'amélioration continue sont tout à fait à la portée de toutes les organisations de soins de santé et doivent être une priorité à l'avenir.

Laureani A. Improvements to safety and quality: mastery of tools and techniques is not enough, people and culture matter International Journal for Quality in Health Care, Volume 37, Issue 1, 2025, mzae121

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