En cas de douleur atypique évoquant un possible syndrome coronarien aigu, le protocole standard préconisé par la société de cardiologie doit être appliqué systématiquement.
Un samedi, un homme d’une quarantaine d’années ressent à son domicile une douleur thoracique. La douleur s’intensifiant, il se rend aux urgences de la clinique proche de chez lui, accompagné de sa compagne.
15 ans plus tôt, ce patient a subi, une greffe du rein pour insuffisance rénale sur glomérulonéphrite d’origine indéterminée. Par ailleurs, il est suivi pour obésité, HTA, hypertriglycéridémie. Récemment, son cardiologue traitant a conclu à un examen normal, y compris pour une tomoscintigraphie myocardique.
Son traitement associait : Prograf® (immunosuppresseur), Myfortic® (immunosuppresseur), Atenolol®, énalapril, ...
Le dimanche dans la nuit, admission aux urgences de la clinique et prise en charge par le Dr A., médecin généraliste : "Samedi soir à 20 h, douleur thoracique rétrosternale à type de névralgie selon le patient, irradiant dans la région dorsale et les deux bras jusqu’au pouce. Douleur EVA : 9. Pas de fièvre, pas de dyspnée. Épisode similaire il y a 15 jours. Épreuve d’effort récente normale. ATCD de greffe du rein. Poids : 94 kg. TA : 17/12, FC 61, Sat 98 %, T 36°C. Douleur palpation para dorsale. BDC réguliers, pas de souffle, pas d’OMI, mollets souples, indolores. Auscultation pulmonaire libre et symétrique, pas de dyspnée, pas de cyanose. Abdomen souple, dépressible, indolore. Pas de céphalées, pas de déficit sensitivo-moteur. Pas d’éruption.
ECG : rythme sinusal normal. BBD : bloc de branche droit complet. HBAG : hémibloc antérieur gauche.
Biologie (à 1 h 33) : hémoglobine : 15,1 g/dL. Hématocrite : 44,5 %. Leucocytes ; 12,4 Giga/L. Plaquettes : 279 000/mm3. Taux de Prothrombine : 89 %. Glycémie (non à jeun) : 10,70 mmol/L. Créatinine : 127 µmol/L. Débit de filtration glomérulaire : 58 ml/mn. Sodium : 136 mmol/L. Potassium : 3,8 mmol/L. Chlore : 98 mmol/L. CRP : négative. D-dimères : négatifs. Pro BNP : 199 ng/L (valeur de référence inférieure à 125). Troponine TnT : 38 ng/L (H0), 42 ng/L (à 4 h 25)."
Le Dr A. conclut à l’absence d’anomalies biologiques, notamment : "D-dimères négatifs. Pro BNP : 200. Troponine : normal". Diagnostic retenu : dorsalgie.
À noter que pour le laboratoire, la valeur de référence de la Troponine TnT est inférieure à 17ng/L (en cas de valeur supérieure à 30 ng/L : très forte probabilité d’un syndrome coronarien aigu).
Le dimanche matin, le patient quitte le service des urgences de la clinique et regagne son domicile. Traitement : Izalgi® 2 cp 3 fois par jour si douleur, Valium® 5 mg 1 cp le soir pendant 5 jours. Faire scanner en externe.
En soirée, devant la persistance de la douleur thoracique avec une sensation de dyspnée, le patient se rend dans le service d’accueil des urgences du CHU.
L’Infirmière d’Accueil et d’Orientation relève les paramètres suivants : poids : 92 kg, taille : 164 cm (IMC : 34,21). PA : 132/87 mmHg. Pouls : 92 bpm. Saturation en oxygène : 94 % à l'air ambiant. Température : 36°C. Douleur EVA : 10. Score Glasgow 15.
D’après la compagne du patient : "Nous sommes pris en charge par une infirmière qui, je pense, régule les entrées ; je lui décris les symptômes et notre première visite aux urgences à la clinique. Elle s'agace que nous ne soyons pas retournés à la clinique, je comprends qu'elle ne nous prend pas au sérieux. Mon compagnon se plaint d’avoir des difficultés à respirer. Elle lui répond que c’est normal quand on a mal et elle lui donne 2 cachets de tramadol 50 mg. Il lui indique que la douleur est de 10/10. L'infirmière s’oriente vers un médecin pour avis..., à son retour, il est orienté vers les consultations urgences circuit court…".
Dans la soirée, le patient est pris en charge par l’interne et l’urgentiste de garde. Motif d’entrée : difficultés respiratoires sur probable douleur dorsale. Statut vaccinal : 3 doses Covid.
Examen clinique : conscient, orienté, Glasgow 15, angoisse+++ (chronique), EVA 8/10. Cardio : douleur thoracique rétrosternale rythmée par la respiration, en ceinture, irradiant aux deux bras, BDC réguliers, sans souffle, pas d’OMI, pas d’IC. Pneumo : eupnéique en air ambiant, auscultation claire et symétrique, polypnéique, respiration superficielle. Abdomen : souple, dépressible, indolore, pas de trouble du transit. Neurologie : pas de déficit sensitivo-moteur, pupilles intermédiaires, symétriques. Rhumato : douleur palpation para vertébrale, névralgie dorso brachiale. Radiographie pulmonaire : pas d’anomalie radiologique pouvant expliquer la symptomatologie.
Conclusion dossier (interne) : douleur dorsale ; contracture musculaire diffuse.
Aux premières heures du matin, le lundi, le patient quitte le service des urgences du CHU et regagne son domicile. Prescription (urgentiste) : Izalgi® 500 mg/25 mg : 1 cp 4 fois par jour pendant 7 jours. Néfopam® 20 mg/2ml injectable : 1 ampoule toutes les 4 heures pendant 5 jours tous les jours. Valium® 5 mg : 1 cp tous les jours pendant 7 jours. Séances de rééducation pour antalgie et rééducation suite à des dorsalgies sur port de charge lourde.
Ce même jour, le lundi vers 8 h, à son domicile, le patient présente un malaise après la prise d’Izalgi®.
À 8 h 50, il est pris en charge par les pompiers pour le conduire au CHU. Pendant le transfert survient un arrêt cardio-respiratoire, immédiatement traité par massage cardiaque externe. Le médecin des pompiers, appelé, intube le patient et administre 2 mg d’adrénaline par voie intra-veineuse.
À l’arrivée au CHU, le malade est sédaté, avec absence de tout mouvement à la stimulation physique. Mydriase bilatérale aréactive.
Une ECMO (extracorporeal membrane oxygénation) est mise en place. Une coronarographie met en évidence une occlusion aiguë de l’ostium de l’artère interventriculaire antérieure traitée par implantation d’un stent actif. Un entrainement électro-systolique cardiaque est réalisé afin d’obtenir une simulation à 80 bpm. L’hémodynamique est maintenue grâce à de fortes doses d’amines. Une épuration extra-rénale par dialyse continue est également mise en place.
Malgré, ces traitements, décès du patient.
Saisine de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) par la compagne du patient pour obtenir réparation des préjudices subis (avril 2022).
Pour l’expert, anesthésiste-réanimateur :
"(...) Le décès est imputable à un infarctus du myocarde de topographie antérieure compliqué d’un arrêt cardio-respiratoire. En lien avec l’évolution d’un syndrome coronarien aigu, non dépisté, survenu chez un patient présentant de nombreux facteurs de risques coronariens.
Toutes ces prises en charge du patient ont été réalisées de manière tout à fait adaptée, conformément aux recommandations de la Société Française de Réanimation.
Par ailleurs, la famille a été parfaitement informée de la gravité du pronostic, celle-ci a pu ainsi être présente au moment du décès du patient.
La Commission considère que :
"Les manquements fautifs du Dr A., médecin des urgences de la Clinique et du CHU, ouvrent droit à la réparation des préjudices subis, dans la limite de 70 %, dont 25 % pour le premier et 45 % pour le second".
Pour la Société Française de Cardiologie, les notions indispensables et inacceptables en cas de syndromes coronariens aigus sont les suivantes :
NOTIONS INDISPENSABLES
NOTIONS INACCEPTABLES
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Référence
Société Française de Cardiologie - Accueil - Chapitre 5 - ITEM 339 - Syndromes coronariens
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