Revue de presse - Juillet 2024

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

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Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : la démence chez les médecins âgés, IA et diagnostic précoce, complications dans la pose des cathéters centraux, relation médecin-patient, la télémédecine pour le maintien à domicile...

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 13/06/2024

Cas médico-légaux associés à des plaintes concernant des médecins âgés présentant des déficiences cognitives

Les démences touchent les médecins âgés comme toute la population. Or, ces médecins âgés sont plus que tout autre, par le fait d’une démographie défavorable, susceptibles de travailler jusqu’à des âges avancés. Ces auteurs canadiens, sous l’égide de l’association médicale de la protection médicale (The Canadian Medical Protective Association - CMPA) analysent les conséquences médico-légales d’erreurs commises de leur part. 

L’étude porte sur les 10 dernières années en se concentrant sur les plaintes concernant des médecins de plus de 55 ans, et en triant les dossiers sur la présence des mots "démences", "Alzheimer", "dégradation cognitive", "aptitude à exercer", "perte/trouble de mémoire", et plus généralement toute référence à la mémoire.

Le CMPA a traité 67 566 plaintes entre 2012 et 2021, dont 16 % concernaient des médecins de plus de 55 ans, et 65 étaient clairement associés à des déficits cognitifs du médecin. Sur ces 65 plaintes, l’âge moyen des médecins était de 71,3 ans (56.1–88.5).

Sans surprise, la proportion de plaintes concernées par ces dégradations cognitives augmente avec l’augmentation de l’âge moyen du médecin. Elle est de 0,2 % du total des plaintes pour les médecins âgés de 50 à 60 ans, et monte à 7,7 % au-delà de 80 ans.

Dans la plupart des cas où une preuve a été apportée du déficit cognitif, le médecin a arrêté son activité spontanément (45 %), ou a été arrêté par l’Ordre des médecins (34 %). Dans les autres cas, l’Ordre a imposé des restrictions (pratique supervisée, conditions d’exercice) ou suspendu la licence à la condition d’une prise en charge médicale efficace. 

Finalement, sur les 65 plaintes, seulement 5 sont allées devant les tribunaux.

Casey, G., Lemay, K., Ji, J., Yang, Q., MacIntyre, A., Heroux, D., & Garber, G. (2024). Medico‐legal cases associated with older physicians’ cognitive ability to practice medicine. Journal of Healthcare Risk Management, 43(3), 14-17.

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L'IA précieuse pour détecter précocement les complications et dégradations médicales

Les dégradations de l’état de santé des patients hospitalisés, inaugurant un cycle de complications graves, échappent souvent à des diagnostics précoces qui pourraient mieux les contrôler. Cette équipe californienne teste un système à base d’IA inséré dans la surveillance clinique des patients pour cet objectif.

Le système est évalué par un index de détérioration de l’état clinique (Epic Deterioration Index - EDI) appliqué dans 4 services de médecine générale d’un CHU californien entre janvier 2021 et novembre 2022.

Pendant l’étude, 9 938 patients ont été admis dans ces 4 services, dont 963 patients (76,1 ans en moyenne, 53,3 % d’hommes) ont été plus particulièrement sujets à un suivi par le système d’IA des dégradations cliniques.

Le système d’IA a détecté - toutes choses égales - 10,4 % de plus de patients en phase de dégradation précoce que pour des patients équivalents non monitorés par ce système, prouvant ainsi son efficacité.

Gallo RJ, Shieh L, Smith M, et al. Effectiveness of an Artificial Intelligence–Enabled Intervention for Detecting Clinical Deterioration. JAMA Intern Med. 2024;184(5):557–562. doi:10.1001/jamainternmed.2024.0084.

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Revue de littérature sur les complications dans la pose des cathéters centraux

Cette équipe canadienne de Toronto nous propose une revue de littérature sur les complications associées à la pose de cathéters centraux.

L’analyse se limite aux articles publiés en anglais et aux complications à court terme associées à ces poses de cathéters centraux. 

L’analyse utilise une classification a priori des complications en 10 catégories d’erreurs techniques (mauvais placement, blessure artérielle, cathéters posés en voie artérielle - et non veineuse -, saignements réclamant une action spécifique, blessure nerveuse, fistule artérioveineuse, tamponnade cardiaque, arythmie, délai supérieur à 1 heure pour l’administration de vasopresseur) + quelques complications générales redoutées (dysfonctionnement, infection, phlébite profonde, thrombophlébite, sténose veineuse, pneumothorax).

La base observée porte sur 11 722 poses de cathéters centraux dont 130 sont inclus dans l’analyse. Les erreurs de placement sont survenues pour 20,4 cathéters/1000 posés.

Les autres fréquences sont respectivement les cathéters posés par erreur en voie artérielle (2,8/1000), les blessures artérielles (16,2/1000), et les pneumothorax (4,4/1000), mauvais fonctionnement (5,5/1000), infections (4,8/1000).

Au total, 30,2/1000 poses s’associent à une complication sérieuse à 3 jours. 

L’utilisation d’une simple échographie de contrôle réduit sérieusement certains risques (notamment ceux de malposition et canalisation artérielle, 13,5 contre 68,5/1000 et de pneumothorax 2,4 contre 9,9 /1000).

Teja B, Bosch NA, Diep C, et al. Complication Rates of Central Venous Catheters: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Intern Med. 2024;184(5):474–482. doi:10.1001/jamainternmed.2023.8232.

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Revue de littérature sur ces facteurs qui motivent les plaintes de patients pour insatisfaction ressentie dans le cadre de la relation médecin-patient

Cette équipe canadienne d’Ottawa propose une revue de littérature sur les plaintes de patients pour insatisfaction ressentie dans le cadre de la relation médecin-patient.

Sur un total présélectionné de 665 articles, 92 articles sont finalement inclus dans l’analyse. Trois thèmes influencent le dépôt de plainte :

  • Les caractéristiques propres des personnalités du patient et du médecin
    Côté médecin, il s’agit de la perception des compétences, sa capacité d’écoute, sons sens de proximité et de confiance, le degré de perception d’empathie et la qualité de la communication (écoute, information, ton et attitude).
    Côté patient, les questions de sexe, groupe social et ethnie – les patients portent moins plainte avec des médecins de leur même sexe, groupe et ethnie -, de statut social défavorisé – les patients défavorisés portent plus plaintes que les patients aisés socialement -, ou encore d’habitat – les citadins portent plus plainte que les ruraux -.
  • Le niveau d’empathie ressentie
    Le sentiment que le médecin partage les émotions et douleurs du patient réduit significativement la fréquence des plaintes.
  • La communication
    La façon de récupérer l’information auprès du patient, d’écouter le patient même au-delà des réponses attendues, de partager avec lui, de lui demander de résumer ce qu’il a compris, sont autant de sources potentielles de mécontentement du patient quand elles sont jugées déficientes.

Toutes ces spécificités peuvent être enseignées ab initio dans le cursus médical et traitées positivement de sorte à réduire le nombre de plaintes et améliorer la relation médecin-patient.

Mostafapour, M., Fortier, J. H., & Garber, G. (2024). Exploring the dynamics of physician‐patient relationships: Factors affecting patient satisfaction and complaints. Journal of Healthcare Risk Management. First published: 05 May 2024

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Réticence à l'évaluation externe de la qualité et la sécurité en chirurgie : l'expérience norvégienne

Une plus grande transparence sur les événements indésirables (EI) chirurgicaux est souhaitée par tous depuis longtemps. Reste qu’elle est toujours difficile. Cette étude norvégienne analyse les réticences des chirurgiens à introduire une évaluation externe de la qualité et sécurité des pratiques chirurgicales en questionnant directement ces chirurgiens sur leurs réticences à plus de transparence.

15 chirurgiens sont inclus dans l’étude. Les personnes sollicitées pour conduire les entretiens sont des inspecteurs, des assureurs, des spécialistes de la qualité et de la sécurité internes à l’hôpital ou externes.

Quatre thèmes ressortent de ces entretiens.

  • La peur de la plainte au pénal, de la criminalisation de la pratique chirurgicale, le sentiment de culpabilité, le fait d’être traité comme des suspects.
  • Une critique du manque de compétence et de culture sur les questions de qualité médicale du "monde extérieur" et, de fait, sur la faible plus-value attendue de ses attentes et exigences.
  • La peur d’une diffusion incontrôlée de l’information et d’une mauvaise utilisation par les médias de l’information communiquée qui soit contre-productive en termes d’image, conduisant à toujours plus de pratique défensive au détriment des patients.
  • La peur que les patients, aidés par une facilité accrue de porter plainte via un système d’indemnisation rapide (similaire en Norvège à notre système français de Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation - CRCI), soient tentés de porter plainte beaucoup plus qu’avant à la moindre insatisfaction.
     

Les auteurs concluent que ces différentes dimensions doivent être sérieusement adressées par les autorités et prises en compte si l’on veut réellement plus de transparence sur le risque chirurgical.

Øyri SF, Wiig S, Tjomsland O Influence of external assessment on quality and safety in surgery: a qualitative study of surgeons’ perspectives BMJ Open Quality 2024;13:e002672. doi: 10.1136/bmjoq-2023-002672

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Revue de littérature sur l'analyse rétrospective des dossiers cliniques à la recherche d'événements indésirables (EI)

La revue de dossiers est une composante classique de la recherche d’EI, à la fois pour la détection et pour l’analyse des données complémentaires potentiellement explicatives.

Ces auteurs, cadres de l’école de formation des infirmiers de Dublin, nous proposent une analyse de littérature des méthodes employées pour ces revues de dossier. 

1 055 articles ont été sélectionnés, pour ne retenir à la fin que 56 études correspondant aux exigences de qualité des auteurs, la plupart portant sur des EI chirurgicaux. 

Les méthodes recensées sont très variées, de l’utilisation d’algorithmes cherchant systématiquement à détecter des précurseurs (Global trigger Tool) sur tous les dossiers, jusqu’aux revues de dossiers conduites en plusieurs temps – lecture rapide orientée puis analyse en profondeur -, ou revues uniquement limitées aux plaintes, ou limitées à un tirage au hasard d’un échantillon de dossiers dans un sous ensemble particulier (une chirurgie donnée) ou sélection sur tous les dossiers disponibles, sans parler de la grande variation de lecture du dossier (lecture rapide, lecture détaillée, lecture seul, à 2...).

La plupart des études rapportent une faible efficacité, un faible taux d’EI détectés et une faible précision sur les données recueillies. Celles qui sont plus positives soutiennent évidement plus le processus de revue de dossiers.

Les auteurs soulignent surtout le côté préjudiciable de la grande variation de pratique qui nuit à toute comparabilité des résultats et des fréquences observées.

Connolly, A., Kirwan, M., & Matthews, A. (2024). A scoping review of the methodological approaches used in retrospective chart reviews to validate adverse event rates in administrative data. International Journal for Quality in Health Care, Volume 36, Issue 2, 2024, mzae03

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La chirurgie robotique pratiquée en urgence gagne du terrain

La chirurgie robotique a progressivement gagné ses lettres de noblesse dans la chirurgie élective, mais reste peu encore utilisée en chirurgie d’urgence.

Cette étude porte sur cette utilisation émergente aux États-Unis pour les chirurgies d’urgence sur cholécystectomies, hernies et colectomies réalisées dans 829 hôpitaux américains entre 2013 et 2021.

Un total de 1 067 263 interventions sont incluses pour des patients de plus de 18 ans.

On mesure :

  • les tendances dans l’introduction de ce type de chirurgie assistée par rapport aux techniques laparoscopiques, ou même de chirurgie ouverte ;
  • les suites cliniques comparées de ces chirurgies.
     

L’usage de la chirurgie robotique en urgence a fortement progressé entre 2013 et 2021 pour toutes les interventions, avec une augmentation annuelle moyenne de +0,7 %/an pour les cholécystectomies, +0,9 % pour les colectomies, +1,0 % pour les hernies inguinales, et +1,1 % pour les hernies ventrales.

Cette augmentation correspond à une diminution équivalente de la pratique de chirurgie ouverte. 

Comparée à la laparoscopie, ces techniques assistées s’associent à moins de conversions en chirurgie ouverte : 1,7 % contre 3 % pour les cholécystectomies, 11,2 % contre 25,5 % pour les colectomies, 2,4 % contre 10,7 % pour les hernies inguinales, et 3,5 % contre 10,9 % pour les hernies ventrales.

On retrouve les mêmes tendances pour la durée d’hospitalisation significativement plus courte dans le cas d’utilisation de ces nouvelles techniques.

Lunardi N, Abou-Zamzam A, Florecki KL, et al. Robotic Technology in Emergency General Surgery Cases in the Era of Minimally Invasive Surgery. JAMA Surg. 2024;159(5):493

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La télémédecine pour le maintien à domicile, très bonne idée mais lente à mettre en pratique : résultat d'une enquête de terrain en Floride

Ces auteurs de l’université de Floride exposent les résultats d’une enquête auprès des patients âgés et de leurs proches sur le bénéfice de télémédecine à domicile. 

La télémédecine et la télésurveillance à domicile sont reconnus comme des outils clés au maintien à domicile des personnes âgées. Pour autant, leur pénétration dans les pratiques réelles est encore limitée.

L’enquête en ligne analyse les réticences ou supports persistants chez les personnes âgées et leurs proches. Les patients âgés sont plutôt favorables à l’usage de ces techniques pour le soin et la surveillance, mais leur reprochent la faiblesse des stimulations mentales et physiques associées qui en limitent leur acceptabilité (comparé à une présence physique de soignants). Les systèmes de télémédecine qui (re)créent du contact augmentent leur acceptabilité et qualité générale. Cet aspect est jugé moins important pour les proches qui analysent surtout la qualité du soin. 

Autre facteur associé à l’acceptabilité, l’âge et le niveau d’éducation. Plus l’âge augmente, moins la télémédecine est acceptée, et inversement, plus le niveau d’éducation augmente, plus elle est acceptée.

Lassar, W., & Hertelendy, A. J. (2024). Investigating drivers of telecare acceptance to improve healthcare quality for independently living older adults. International Journal for Quality in Health Care, Volume 36, Issue 2, 2024, mzae039

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La satisfaction patient fonction des rations d'effectifs infirmiers : l'expérience sud-coréenne

L’analyse de la satisfaction patient (patient experience) est un standard depuis 2017 en Corée du sud. L’étude analyse une possible corrélation entre cette satisfaction et les effectifs en infirmiers, connus en Corée pour être tendus et très variables d’un hôpital à un autre. 

L’étude porte sur 2019, incluant les résultats d’évaluation de 7 250 patients ayant été hospitalisés dans 42 grands hôpitaux tertiaires et 16 235 patients hospitalisés sur la même période dans 109 petits hôpitaux de 300 lits et plus.

La mesure utilise les tableaux d’effectifs infirmiers sur lesquels se basent les ajustements de remboursements de soins de l’état (Hospital-level Nurse staffing grade).

Les résultats montrent une forte association entre la satisfaction des patients et le taux d’effectifs infirmiers. Par exemple, la réponse "Toujours" donnée à une question sur la courtoisie ressentie dans le traitement est portée par 70,3 % des patients interrogés dans les grands hôpitaux, comparée aux 63,1 % donnés dans les petits hôpitaux aux effectifs moindres.

Cette même tendance se vérifie sur beaucoup d’autres questions parmi les 21 utilisées dans l’enquête de satisfaction. 

Song, Y., & Do, Y. K. (2024). Patient experience and nurse staffing level in South Korea.International Journal for Quality in Health Care, Volume 36, Issue 2, 2024, mzae038

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Importante différence du taux de mortalité féminine en fonction de l'orientation sexuelle

Étude prospective américaine publiée dans JAMA sur la variation de mortalité féminine en fonction de l’orientation sexuelle.

Les 99 083 participantes de la large cohorte de l’étude sont nées entre 1945 et 1964. Sur ce nombre 89 821 (98,9 %) sont identifiées hétérosexuelles, 694 (0,8 %) homosexuelles, et 0,4 % bisexuelles.

Sur les 4 227 décès rapportés, le taux de mortalité précoce du groupe hétérosexuel est de 4,6 %, comparé à la mortalité du groupe homosexuel (7,9 %) et celui des bisexuels (10,1 %).

Les auteurs pointent des inégalités très importantes entre ces groupes, mal prises en compte par les prises en charges médicales.

McKetta S, Hoatson T, Hughes LD, et al. Disparities in Mortality by Sexual Orientation in a Large, Prospective Cohort of Female Nurses. JAMA. 2024;331(19):1638–1645. doi:10.1001/jama.2024.4459

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Erreurs de nutrition à l'hôpital, une revue de littérature sur finalement peu d'articles...

Un thème peu souvent abordé dans les risques médicaux, les erreurs de nutrition des patients à l’hôpital. Cette équipe du réseau des hôpitaux américains des vétérans nous propose une revue de littérature sur le sujet, basée sur 245 articles potentiels publiés entre 1984 et 2022, dont 29 articles vraiment centrés sur le thème, et 14 finalement retenus dans l’analyse pour leur qualité méthodologique.

La majorité, soit 8 études sur ces 14, sont purement descriptives ; 3 proposent un mélange entre observation et quasi-expérimentation. Ces publications sont anciennes, puisque 4 d’entre elles remontent déjà à plus de 25 ans.

IL semble que les catégories d’erreurs sont plutôt récurrentes dans le temps, plutôt bien documentées, et tendent à diminuer en volume avec l’amélioration générale de la qualité.

Austria, D., McConnell, C., & Pope, C. (2023). Hospital Inpatient Nutrition Service Errors and Patient Safety Interventions: A Scoping Review. Journal of Patient Safety. 20(4):272-278, June 2024.

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