Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : transition hôpital-ville chez les séniors, la non-adhésion des patients aux prescriptions, le rôle des infirmières puéricultrices dans le signalement des EIG pédiatriques, la gestion des rendez-vous médicaux, la pénurie de médecins aux États-Unis...
Les personnels de santé sont de plus en plus sous pression, et doivent s’adapter, souvent sans anticipation et de façon peu coordonnée. Cette étude anglaise conduite dans 4 hôpitaux procède par entretiens avec 20 professionnels des unités de réanimation de ces structures pour récupérer le narratif de telles stratégies, avec l’idée que certains de ces ajustements non réglementaires sont peut-être efficaces, en tout cas suffisamment sûr, et de fait possible à valoriser et apprendre à tous à terme.
La principale source de pression incriminée est le manque récurrent de personnel (par rapport au tableau d’effectif normal) aggravé par un flux de patients toujours plus important. Les stratégies relevées sont catégorisées en stratégies anticipées, et stratégies improvisées du jour même. La stratégie la plus fréquente est la priorisation des patients et des actes, assortie de plus de communications et traces laissées çà et là pour réduire les risques d’oublis.
Ces stratégies ont le potentiel d’être sans doute mieux évaluées, et mieux enseignées pour les plus efficaces.
Cet article co-écrit par des professionnels de santé de plusieurs établissements américains s’intéresse à la continuité pharmaceutique lors de la transition hôpital-ville.
Il s’agit d’une étude prospective testant des indicateurs freinant ou facilitant la continuité pharmacologique lors de la sortie hospitalière de patients de plus de 65 ans dans deux hôpitaux américains en 2018 et 2019.
Au total, l’intervention s’appuie sur le suivi d’indicateurs à la fois sur le fond et sur la forme. Une infirmière passe par la suite au domicile du patient à J+7 de la sortie pour estimer les écarts entre prise effective de médicaments à domicile et médicaments prescrits à la sortie, et mesurer l’expérience patient de ces changements.
Au total, 274 patients ont été revus à domicile après leur décharge. 80,6 % de ces patients n’ont pas eu d’accompagnement par un professionnel sur leurs médications de sortie, 41,2 % d’entre eux reconnaissent qu’ils manquaient de compétence, et 18,3 % étaient même en incapacité de comprendre cette transition. 57,7 % des patients avaient plus de 10 médicaments prescrits, avec pour 94,7 % d’entre eux un changement de prescription par rapport à leur habitude antérieure.
Couplé à un isolement et des conditions de limitations de mobilité, ce nombre de médicaments excédant 10, et la limitation cognitive et de compréhension en l’absence d’accompagnement, constituent les trois sources majeures d’écarts entre prescrit à la sortie et réellement pris à domicile.
Les événements indésirables évitables (EIE) sont fréquents en pédiatrie ; historiquement ils étaient annoncés à la famille par le médecin. On voit se dessiner plus récemment une solution d’annonce plus multidisciplinaire, mais où le rôle des infirmières pédiatriques reste encore à préciser dans ce mouvement.
Ces auteurs anglais proposent une revue de littérature sur ce thème en se centrant sur les EI pédiatriques et leur annonce aux familles.
Ils ont finalement retenu 5 articles correspondant aux standards exigés dans les méthodes et les résultats ; et ils constatent justement l’absence de résultats sur le rôle particulier des infirmiers dans ces annonces .
Les articles évoquent par contre le rôle d’équipe dans l’annonce, et le besoin d’accompagner émotionnellement et avec empathie ces annonces, mais rien du rôle spécifique d’infirmiers.
Sans doute par reflet d’un paternalisme historique et dominant en médecine, reflet aussi d’un savoir par nature asymétrique, les médecins - et professionnels de santé - pensent détenir la solution pour le meilleur de ce que doit faire le patient/la population pour rester en bonne santé.
Cette approche rend aussi implicitement responsables patients (individus) et populations de leur devenir et de leurs complications s’ils ne suivent pas les recommandations basées sur la science.
Le Covid a été le dernier grand pourvoyeur de réflexions sur le sujet tant les écarts ont pu être importants en volume et nature entre recommandations et pratiques de certaines parties de la population.
Cet article essaie de tirer des leçons sur la compréhension des moteurs de ces écarts persistants.
La compréhension de ces différentes familles de limite devrait promouvoir une prescription moins asymétrique dans ses bases, plus discutée, plus négociée avec le patient compte tenu de ce qu’il considère prioritaire pour sa santé et son plaisir.
Les comptes rendus (CR) d’hospitalisations transmis aux médecins des soins primaires sont souvent surtout rétrospectifs (diagnostic, traitement appliqué) sans mention explicite de ce qu’il est important maintenant de considérer dans la continuité de la prise en charge (complications, risques) et faire/ne pas faire.
Un questionnaire et des focus groupes ont été pratiqués au Danemark avec un panel de médecins généralistes utilisateurs pour mieux connaître leur opinion ce que pourrait être leur besoin, satisfaction et priorités d’un tel sur-résumé encadré et standardisé de consignes de sorties transmis par voie électronique.
La vaste majorité des médecins reconnaît d’abord l’importance et l’utilité d’un tel sur-résumé pratique écrit à leur intention.
Il s’est cependant avéré que les logiciels des médecins généralistes n’affichaient pas tous de la même façon ce sur-résumé lors de la transmission de l’hôpital, et que certaines présentations n’étaient pas ergonomiques, ni aisées.
Depuis 1965, le gouvernement fédéral américain encourage via une directive d’État (Health Professional Shortage Areas-HPSAs) les médecins à pratiquer dans des zones déprivées et déshéritées, et réduire ainsi la très grande disparité géographique de l’accès aux soins aux États-Unis. Cette étude évalue le bénéfice de cette mesure en comparant densité et mortalité entre 1970 et 2018.
Malgré cette initiative déjà vieille de plus 50 ans, qui bénéficie tout de même de plus d’1 milliard de fonds publics annuellement, on ne voit pas trop le résultat sur le terrain.
Les résultats sont décevants et ne montrent aucune évolution significative. 73 % des territoires qui étaient en manque de médecins le sont toujours 10 ans après leur inclusion dans le programme HPSA. Le programme demande manifestement à être revu.
Le Covid 19 a intensifié la volonté de mieux réguler les effectifs infirmiers dans les hôpitaux américains. Les résultats se sont en effet accumulés pour montrer le bénéfice d’un ratio plus important et surtout mieux respecté d’infirmiers dans les services.
Pour autant, la façon de corriger les manques reste une gageure et varie grandement d’un État à l’autre.
Sur les 50 États américains :
Cette grande variété de postures manque cruellement d’évaluation comparative des solutions proposées pour en tirer une leçon nationale et proposer à tous les meilleures pratiques à adopter sur une base scientifique.
Ces auteurs anglais de Glasgow abordent un sujet croissant de préoccupation depuis le Covid de 2019 relatifs aux "trous" de programmation "dépendants du professionnel" ou "par annulation du patient" dans les agendas de consultations des médecins.
La revue de littérature porte sur 10 080 articles citant la question de la programmation des consultations et leur réalité, pour ne retenir finalement que 5 articles vraiment focus sur le sujet et avec la qualité recherchée.
6 facteurs ressortent de cette analyse parmi lesquels la nature de la relation médecin-patient (bien moins de dérapages quand elle est personnalisée et bonne) ; le professionnalisme, et la façon dont est organisée et suivie l’agenda de consultations dans le temps (réactivité, remplacement des désistements, informations répétées remontées aux patients sur leur heure et jour de consultations et sur les modalités à suivre pour un report ou annulation, etc.) ; la facilité et l'ergonomie d’accès au système d’agenda pour les professionnels et patients.
Les questions d’accessibilité et de coût pour les patients sont aussi à intégrer à l’agenda, avec des vulnérabilités à identifier et anticiper dans la prise de rendez-vous et l’accompagnent pour les patients socialement les plus fragiles, qui expliquent une bonne partie des annulations quand elles ne sont pas prises en compte.
Le système de soins fédéral américain Médicare-Medicaid rend public - pour faciliter le choix des patients - un classement des hôpitaux affiliés qui va de 1 à 5 étoiles censé reprendre et résumer le résultat pour chacun de 40 indicateurs de Qualité (dressé via un suivi continu et la certification). Ces classements sont particulièrement orientés sur la qualité chirurgicale des prises en charge.
Cet article propose une évaluation de l’efficacité de ce principe de classement. À cet effet l’analyse porte sur une cohorte de 1 898 829 de patients de plus de 65 ans (bénéficiaires de Medicare) ayant subi une chirurgie standardisée (colectomie, chirurgie cardiaque, anévrismes et pontages, cholécystectomie, appendicectomie, hernies) dans 3 240 hôpitaux américains classés de 1 à 5 étoiles.
Les données datent de 2014 à 2018 et l’analyse porte sur les 3 mois avant chirurgie et les 6 mois post chirurgie. L’âge moyen des patients inclus étaient de 74,8 ans, avec 50,6 % d’hommes, et 86,5 % de patients de race blanche.
Le risque de complication ajusté et de ré-hospitalisation à 30 jours est nettement supérieur pour les hôpitaux classés 1 étoile par rapport aux hôpitaux classés 5 étoiles [6.80 % (6.79 %-6.81 %) Vs 4.93 % (4.93 %-4.94 %- OR, 1.86, 1.73-2.00)].
Mais la mortalité et les complications graves - après corrections des données cliniques de départ comparables - reste peu associée au classement et non significative (1,91 % pour 1 étoile, 1,86 % pour 2 étoiles, 1,84 % pour 3 étoiles, 1,76 % pour 4 étoiles et 1,79 % pour 5 étoiles). Selon les auteurs, ce résultat remet en question la pertinence de ces classements et des données utilisées.
Le domaine du signalement et de l’exploitation des EI (événements indésirables) est encore dans son enfance en dentisterie.
Les publications ne permettent pas encore de dresser un paysage réaliste du risque. Ces auteurs américains proposent une revue rétrospective sur dossiers des EIG d’un grand cabinet dentaire. Le taux d’EI s’élève à 1,4 % de l’ensemble des dossiers consultés.
Au moins 2/3 des EI recensés étaient de nature préventable. 8 % des patients ayant subi un EI l’ont signalé d’abord à leur médecin généraliste plutôt qu’à leur dentiste. En extrapolant, on arrive à un minimum de 3,3 millions de citoyens américains subissant un EI dentaire chaque année.
Il reste encore beaucoup de travail à faire sur l’analyse de leur cause et encore plus sur les changements de pratiques à considérer dans la profession.
Ces auteurs de l’université de John Hopkins rendent compte d’une expérimentation de détection d’événements indésirables (EI) réalisée par un outil informatique recherchant anomalies et précurseurs d’erreurs sur les dossiers médicaux informatisés (technique du GTT- Global Trigger Tool -).
L’analyse porte sur une période de 27 mois et 37 structures de soins américains. Les patients chez qui le système détecte un EI ont été comparés cliniquement, en coûts ajoutés, longueur de séjour, et démographie avec les patients indemnes d’EI.
La cohorte examinée inclus 93 000 patients, dont 25 665 ont été détectés par le GTT comme ayant subi un EI (toutes catégories et natures confondues).
L’analyse de sous-échantillons de cette cohorte représentatifs montre un effet de la durée de séjour sur le risque d’EI, un surcoût de prise en charge pour ceux victimes d’EI.
Comme souvent déjà montré dans la littérature, l’identification d’EI par des systèmes automatisés de type GTT est 6 à 7 fois plus sensible que ne le sont les signalements spontanés des patients et soignants.