Symptômes atypiques en médecine générale, décès d'une jeune femme de 21 ans

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Symptômes atypiques en médecine générale, décès d'une jeune femme de 21 ans - Cas clinique

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Une jeune fille âgée de 21 ans fait une chute sur un trottoir et présente une contusion des deux genoux avec un œdème.

Devant la persistance des douleurs, elle consulte quelques jours plus tard le rhumatologue qui l’a suivi régulièrement pendant plusieurs années (de l’âge de 8 ans à 18 ans) pour différentes douleurs ou traumatismes mineurs liés à la croissance ou à son activité sportive.

  • Médecin
Auteur : Catherine LETOUZEY / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Le rhumatologue constate une limitation de la flexion du genou, une marche possible, évoque une chondromalacie rotulienne et lui prescrit une attelle de type Zimmer et un anti inflammatoire.  
  • Elle porte consciencieusement son attelle, (au-dessus de son pantalon pour qu’elle soit visible dans le métro), et l’enlève la nuit puis définitivement au bout de trois semaines. Elle marche alors apparemment normalement.  
  • Un mois plus tard, elle prend rendez-vous chez son médecin traitant et voit son remplaçant qui la consulte pour la première fois: elle se plaint d’un essoufflement, de douleurs basi thoraciques gauche depuis 48 heures accompagnées d’une toux sèche. A l’interrogatoire, aucun antécédent particulier n’est rapporté par la patiente. Elle est apyrétique et l’examen est normal. Une radiographie de thorax est prescrite et il lui est demandé de revenir avec le résultat. Le médecin n’a pas tenu de dossier.  
  • Nous ne savons pas si cette patiente lui a relaté son port d’attelle ni que, quelques jours auparavant, elle avait été accompagnée par un ami au poste infirmier de la faculté en raison d’un essoufflement important ; elle avait mis 20 minutes à parcourir les 200 mètres entre le métro et la faculté et avait eu des difficultés à monter à l’étage de l’amphithéâtre de cours. Elle était arrivée en retard, anormalement essoufflée. L’IDE a pris le pouls et la tension et aurait évoqué le stress ? La jeune femme n’a pas vu de médecin. Elle se serait ensuite endormie en cours, toujours essoufflée et a fait part de cet épisode à ses parents. Le médecin remplaçant dira ultérieurement qu’il n’en n’a pas été informé.  
  • Quatre jours plus tard, après un « pont » férié, elle retourne le consulter avec la radiographie. Le compte rendu mentionne : « Episode de toux et douleur thoracique, contrôle pulmonaire, aspect radiologique compatible avec une simple bronchopathie ».  
  • Le généraliste remplaçant constate que le tableau n’a pas évolué à l’exception d’une majoration de la toux toujours sèche. Il prescrit un antitussif (Pneumorel®°, une corticothérapie (Solupred ®20 mg, 2cp) et un anxiolytique (Stresam®). Cette étudiante est en période de révisions et d’épreuves de concours nationaux. Une radiographie de contrôle est prévue un mois plus tard.  
  • Elle prend son traitement corticoïdes pendant 5 jours et semble vivre normalement.  
  • Dix jours plus tard, elle se sent très fatiguée, est « pâle », se plaint (ou continue à se plaindre) de douleurs costales et s’endort à son domicile dans l’après-midi jusqu’au lendemain. Elle reste le weekend chez ses parents, et se repose.  
  • A la fin du weekend, soit dix-sept jours après sa première consultation auprès du remplaçant, elle consulte son médecin traitant qui demande une nouvelle radiographie à faire rapidement, évoque une consultation auprès d’un cardiologue et débute un traitement antibiotique.  
  • Le praticien ne tient pas de dossier. Dans un courrier ultérieur, il déclarera que la jeune femme était surtout préoccupée par une douleur thoracique antérieure et irradiante à l’épaule gauche, gênante dans la vie quotidienne et qu’elle continuait à tousser. Il n’aurait pas constaté de dyspnée de repos mais des râles bronchiques à la base gauche, l’absence d’œdème, un examen normal des mollets, une température frontale entre 37°et 38°, un pouls à 72, une TA 12/7, une saturation à 98%. Il aurait précisé qu’en l’absence d’anomalie à la radiographie, un bilan cardio vasculaire serait réalisé le lendemain. En fait, il a pensé à une pleurésie ou à une péricardite.  
  • Le lendemain matin, la radiographie thoracique, (effectuée dans un cabinet différent de la première), indique : « Recherche de foyer ; effacement de la coupole diaphragmatique gauche traduisant la présence d’un infiltrat latéro-basal, silhouette cardio médiastinale normale ».  
  • Comme l’avait conseillé le médecin, elle téléphone au cardiologue proche de son médecin traitant, et qu’elle avait vu une fois à la demande du rhumatologue dans un contexte de douleurs sternales et de palpitations quatre ou cinq ans auparavant. Celui-ci (ou son secrétariat ?) répond que, faute de courrier, il convenait de revoir d’abord le généraliste qui jugerait ou non de l’opportunité d’une consultation cardiologique en urgence.
  • Vers 9 heures, elle se rend donc accompagnée de son ami et de sa mère (inquiets) au cabinet du généraliste.  
  • Elle fait, quelques minutes plus tard, une syncope en cours d’examen. Sa mère entre dans la salle de consultation et demande d’appeler le SAMU en constatant l’état de sa fille et l’essoufflement. Le médecin a des difficultés pour prendre les constantes qui se modifient sans cesse. La mère dira que le médecin lui aurait d’abord déclaré que « c’était le stress et que ce malaise vagal allait passer ». Le SAMU est appelé à 9 h 43, arrive à 10h11 : les pompiers sont déjà présents. La fiche du SAMU mentionne : « Jeune fille dépressive sous Prozac, contexte de stress lié aux examens. Notion de douleurs basi-thoraciques gauche. Pendant l’examen, malaise avec prodromes, sueurs, vertiges perte de connaissance, bradycardie motivant l’appel du SMUR. Consciente, agitation++, polypnée à 40/mn, superficielle, fréquence cardiaque à 150/mm, TA à 110/75 (et 95/75 à l’autre bras), examen considéré comme normal. La patiente se plaint d’une douleur au niveau du rachis. Pendant la prise en charge, apparition d’une violente douleur abdominale, bradycardie, asystolie. Hypothèse : pathologie vasculaire aortique ».  
  • Elle est intubée, reçoit de l’adrénaline, l’arrêt cardiaque est récupéré et elle est transférée dans un hôpital. Le diagnostic alors évoqué est celui d’embolie pulmonaire massive avec foie cardiaque aigu : une échographie trans-thoracique et trans oesophagienne élimine une dissection aortique et montre une HTAP majeure. Le bloc opératoire n’étant pas immédiatement disponible, devant la survenue d’un nouvel arrêt cardiaque, une fibrinolyse est faite à 11h40 ? Horaire exact ?). Un nouvel arrêt cardiaque survient et elle est transférée au bloc opératoire en extrême urgence : il est noté des mouvements convulsifs. Elle est opérée sous CEC pour une embolectomie : des thrombi multiples sont présents dans toutes les branches lobaires gauche et droite et déjà fragmentés du fait de la fibrinolyse.  
  • Malgré l’amélioration cardio vasculaire, elle décède quelques jours plus tard des conséquences d’une encéphalopathie cérébrale post anoxique gravissime.  
  • Dans le compte rendu définitif, il est noté en particulier : « Prise de pilule depuis quelques mois, notion d’une mutation du facteur de Leiden chez son père avec plusieurs épisodes de phlébites sans embolie pulmonaire. La recherche d’une résistance à la protéine C chez la jeune fille réalisée dans un laboratoire référent six mois auparavant est négative ».  
  • Un courrier lui est en effet parvenu, du médecin référent en Hématologie-Biologie, lui indiquant « qu’on ne retrouvait pas chez elle la résistance à la protéine C activée existante dans sa famille ». Le résultat du test est le suivant : " Résistance à la protéine C activée : TCA dilué : 36,6 sec, TCA dilué plus PCA : 95,7 sec. Ratio : 2,62. Absence de la mutation Arg506Gln du gène du facteur V ".  
  • Les parents, désireux d’en savoir plus sur le décès de leur fille, recueillent les témoignages de l’entourage amical de celle-ci et l’ensemble des dossiers des médecins qui l’ont pris en charge (MG, rhumatologue, gynécologue, biologiste, SAMU).  
  • Le conseil initial d’un avocat de déposer une plainte contre X n’ayant, semble-t-il pas été suivi, une procédure civile est diligentée.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

 

 

Jugement

Expertises

Un premier expert (médecin légiste) est sollicité par la famille en 2008 pour un avis sur les circonstances de ce décès.

Il reçoit les parents à deux reprises et prend connaissance des dossiers de certains médecins.

Il précise :

Cette jeune femme fumait de temps en temps, mais pas de façon régulière d’après ses camarades et ses parents chez lesquels elle vivait.

Elle avait consulté à de nombreuses reprises son rhumatologue pendant les 10 années précédentes, quand elle pratiquait plusieurs sports dont l’équitation. Faute de temps, elle avait interrompu ses activités sportives depuis son baccalauréat. C’est ce rhumatologue qu’elle a consulté au décours de sa chute : il n’y a pas eu de prévention thromboembolique pendant la période d’immobilisation partielle par attelle.

Un suivi gynécologique était assuré auprès d’un gynécologue pour contraception par une pilule œstro-progestative (Varnoline®). La première prescription, deux ans auparavant, ayant été faite dans le cadre de la mise en route d’un traitement par Isotrétinoine puis renouvelée pour l’année qui nous concerne.  Prenant connaissance de l’anomalie génétique chez le père, il avait été prescrit, avant renouvellement de la prescription, une recherche de la résistance à la protéine C activée chez la fille. Cette recherche s’est avérée négative.

Depuis le début de l’année universitaire, il avait été diagnostiqué une dépression (perte de poids) : elle était suivi par un psychiatre hebdomadairement pour une psychothérapie et prenait du Prozac (amélioration) ;  le même psychiatre l’avait prise en charge pour un épisode dépressif alors qu’elle était au Lycée (vers l’âge de 16 ans).

Concernant le diagnostic de bronchite, sa mère dit s’en être étonnée, lors de la première radiographie parce qu’elle ne toussait pas. Au cours du traitement par cortisone, sa fille vivait apparemment normalement et montait les escaliers de son domicile. 

Ensuite après son décès, un ami dira qu’elle l’avait appelé pendant une heure, car elle était angoissée par ses douleurs et son essoufflement et qu’elle voulait savoir si elle avait, comme lui, de l’asthme. Il lui avait conseillé de consulter un MG ce qu’elle avait déjà fait par deux fois.

De l’avis des parents, sur cette période de trois semaines environ, l’état de leur fille a été fluctuant : des périodes en apparence en bonne santé et des périodes soudaines et brèves de symptômes de grande fatigue, avec essoufflement inhabituel, teint pâle, douleurs thoraciques dont elle a peu parlé à ses parents et à son « petit ami » mais beaucoup à ses amis de la Faculté.

Les parents reprochent au premier MG de ne pas avoir évoqué le diagnostic et au second de ne pas l’avoir fait hospitaliser puis de s’être focalisé sur le stress avec un appel un peu tardif au SAMU.

Cet expert innocente le gynécologue et le rhumatologue, tout en considérant que la cause de ces embolies prend sa source dans l’immobilisation. Le traumatisme n’a pas été suffisamment prononcé pour attirer l’attention particulière des autres praticiens.

Il considère que pour le remplaçant : «  il est difficile de lui reprocher quoi que ce soit, L’évolution était trop précoce et la symptomatologie n’attirait pas le diagnostic dans ce contexte d’examen et de stress associé ».     

En revanche, il cible ses reproches sur le médecin traitant dont « la prise en charge a, semble-t-il, été orientée vers un diagnostic d’état de stress lié aux examens, sans avoir eu l’attention attirée par l’essoufflement, la pâleur et vraisemblablement la tachycardie ». Il reproche » une sous-estimation de la symptomatologie, lors de sa première consultation », engageant fortement sa responsabilité et entraînant une perte de chance de survie.

Un deuxième expert (pneumologue), sollicité par les parents, reproche au gynécologue  la contraception par pilule combinée étant donné les antécédents paternels (et le fait inconnu de la jeune fille d’antécédent de phlébite chez sa grand-mère et d’embolie pulmonaire en post partum chez son arrière-grand-mère). « Même en l’absence de résistance à la protéine C, un oestro-progestatif était formellement contre indiqué. Dans l’état actuel de la science, nous maitrisons plusieurs facteurs prédisposant à des événements thromboemboliques mais vu leur potentiel mutagène, il en existe d’autres qui font l’objet de recherches ».  Le prescripteur a une part de responsabilité.

« L’association de signes d’embolie pulmonaire patents du premier examen (essoufflement, fatigue, douleurs costales persistantes dans le temps et s’aggravant, ne peuvent être occultés par une symptomatologie faite de stress, concours, jeune âge. Un adage classique en médecine dit que « quand on ne comprend rien au tableau du patient, c’est une embolie pulmonaire jusqu’à preuve du contraire ». Le SAMU aurait dû être appelé le soir de la première consultation chez le médecin traitant et un angioscanner fait en urgence. Au minimum elle aurait dû être hospitalisée. La prise en charge le lendemain est incompréhensible, le SAMU n’est appelé que ¾ heures plus tard, après un premier malaise et une radiographie pulmonaire anormale et suggestive. La conduite du médecin traitant est fautive.

Les experts judicaires (médecin légiste et anesthésiste)  (en 2010)retracent l’histoire clinique. La mère explique que lors du malaise de sa fille, elle avait immédiatement demandé au médecin d’appeler le SAMU mais qu’il lui avait dit à plusieurs reprises « qu’il fallait attendre » que cela allait passer et a même préparé une ampoule de Valium en lui disant que « si elle se calme avec ce produit, c’est que c’est le stress ». Sa fille était agitée, marbrée, avec une respiration courte et saccadée et se plaignait de fortes douleurs le long de la colonne vertébrale. Finalement l’appel du SAMU a été fait par le médecin, la mère menaçant de l’appeler elle-même tout en alertant son mari.

Ils confirment :

-       Que l’attitude du gynécologue est conforme : il n’y avait pas de critères d’exposition au risque chez la patiente.

-       Que le traumatisme du genou avec attelle et appui n’imposait pas de traitement anticoagulant.

Leurs conclusions vis-à-vis des MG sont très mesurées mais insuffisamment précises et elles susciteront beaucoup de commentaires à la lecture du pré rapport.

Ils rappellent les difficultés du diagnostic, l’absence de phlébite.

Ils expliquent que les périodes de symptomatologie varient, car la thrombolyse physiologique détruit au début les petits embols.

Ils considèrent que certes, le remplaçant a fait une erreur diagnostique mais que les circonstances cliniques étaient trompeuses ainsi que l’évolution et que le diagnostic d’embolie pulmonaire n’était pas si simple à évoquer au moment des faits.Que la première radiographie pulmonaire n’est pas contributive.

Le diagnostic d’embolie pulmonaire ne s’imposait pas comme évident le soir de la première consultation du médecin traitant. Le diagnostic d’embolie pulmonaire médicale est difficile ; même le SAMU ne l’a pas évoqué le lendemain. Peut-être qu’une hospitalisation aurait permis de faire le diagnostic mais l’état clinique ne semblait pas justifier l’appel du SAMU et son état n’aurait pas justifié que des examens soient faits en urgence à l’hôpital comme le dit un des médecins conseils présent, réanimateur.. On peut s’interroger sur le fait que, devant une longue errance diagnostique, les parents n’aient pas pris leur enfant sous le bras pour l’adresser à un service d’urgences…

Lorsqu’elle consulte son médecin traitant avec une radiographie pulmonaire qui peut évoquer le diagnostic d’embolie, elle n’a pas pu avoir de RDV cardiologique ; «  cette attitude nous parait critiquable et fautive » alors que le diagnostic de péricardite pouvait constituer une urgence. (Le cardiologue n’a pas été entendu). Le délai d’appel au SAMU n’est pas vérifié.

Il a manqué dans cette longue prise en charge avec de nombreux intervenants le « déclic » pour évoquer une embolie pulmonaire. Pendant une période de 3 semaines, elle a consulté à 4 reprises : si le diagnostic d’embolie avait été évoqué une fois, le transfert en milieu hospitalier eût été immédiat….Mais les phases de rémission ont été rassurantes et ont égaré le diagnostic. L’interprétation des signes cliniques a posteriori est un exercice hasardeux de nature à faire croire que l’embolie ou plutôt les embolies pulmonaires à répétition étaient un diagnostic réalisable...

 

DECISION TGI  (2013) et Cour d’Appel  (2014)

Les magistrats du TGI entérinent en partie le rapport des experts judiciaires et tiendront aussi compte des rapports amiables.

Ils écartent la responsabilité du remplaçant du médecin généraliste, « en l’absence d’un lien de causalité entre les manquements qui lui sont imputés » (erreur diagnostique et absence de notes) et le décès.

Ils évoquent le fait que « le médecin traitant avait suspecté une péricardite et conseillé une consultation en cardiologie, que la patiente n’a pas pu faire, faute d’une ordonnance de son médecin traitant, qui, manifestement comme le relèvent également les experts, s’est persuadé que tous les symptômes de la jeune fille étaient liés au stress, y compris le premier malaise à son cabinet qu’il qualifiera de vagal ».

On ne comprend pas à cet égard pourquoi, les experts se permettent de fustiger l’attitude des parents en s’étonnant de ce que « devant une longue errance diagnostique, les parents n’aient pas pris leur enfant sous le bras pour l’adresser à un service d’urgence hospitalière… ».

Il appartenait au médecin traitant de conseiller lui-même cette hospitalisation.

Ils retiennent, (contrairement aux experts), la responsabilité du médecin traitant, auquel il appartenait de conseiller l’hospitalisation de la patiente.

En outre, ils retiennent qu’en réponse à un dire, les experts avaient admis qu’une hospitalisation, la veille du malaise aurait pu éviter le décès : « les experts l’admettent et ne donnent au Tribunal aucun élément objectif permettant de penser que cette jeune femme n’aurait pas bénéficié, au service des urgences, d’une batterie d’examens et d’un regard neuf sur sa situation, permettant d’intervenir à temps pour éviter l’embolie massive qui lui sera fatale le lendemain ».

Le médecin ne s’est pas donné les moyens d’établir le bon diagnostic et a commis une faute. Une perte de chance de 80% est retenue.

En Appel, à l’initiative du médecin traitant, la décision est confirmée.

Si les magistrats confirment que l’absence de fiche de consultation du remplaçant est fautive, d’autant plus qu’il intervenait en tant que médecin remplaçant du médecin traitant et qu’il devait garder la trace de ses consultations pour en assurer la transmission…lors de la consultation suivante, le médecin traitant a pris connaissance du traitement et de la radiographie et a noté l’absence d’essoufflement (…) ; dès lors le défaut de mention d’un essoufflement lors de la première consultation du remplaçant n’a pas été de nature à tromper le diagnostic qu’il a effectué.

Considérant que les experts ont considéré que l’erreur diagnostique du médecin traitant n’était pas fautive, le diagnostic délicat…..et  l’évolution clinique trompeuse…

MAIS que « les experts, dans leurs réponses aux dires, ont évoqué les 4 diagnostics, susceptibles d’être envisagés, parmi lesquels celui d’embolie pulmonaire qui aurait justifié, une fois évoqué le transfert en milieu hospitalier et celui de péricardite, susceptible d’être suspecté par une auscultation et visible en radiologie et qu’ils ont ajouté : « si un seul de ces 4 diagnostics avait été évoqué ou suspecté, le transfert en milieu hospitalier eût été décidé sans délai ..» ; « qu’ils ont ajouté qu’aucun signe clinique ne permettait une telle démarche , alors que le médecin traitant indiquait au contraire avoir suspecté (à l’auscultation) une péricardite pour laquelle il a prescrit une nouvelle radiographie et renvoyé la jeune femme vers un cardiologue : dés lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le médecin traitant aurait dû, le soir de sa consultation, conseiller l’hospitalisation… ».

La responsabilité du médecin traitant est confirmée à hauteur de 80%.

Pour aller plus loin : commentaires et bibliographie

Il est toujours difficile d’analyser un dossier a posteriori car le diagnostic est évident : c’est le cas de l’embolie pulmonaire.
Les dossiers d’embolie pulmonaire ou de phlébite qui sont déclarés à la MACSF sont très fréquents, dans toutes les spécialités, en ville ou en établissement et quelque soient les contextes, plus ou moins évocateurs de facteurs de risques. Dans un établissement, l’équipe en charge d’un post opératoire ou d’une hospitalisation, le médecin urgentiste sont souvent concernés et en ville aussi le cardiologue et surtout le généraliste.

On ne reproche jamais dans nos dossiers d’avoir trop facilement évoqué ce diagnostic mais :

- soit de l’avoir évoqué et de s’être temporairement rassuré par l’absence de phlébite clinique ou échographique, d’avoir trop facilement écarté aux urgences les interrogations légitimes du médecin traitant, d’avoir pris pour ‘argent comptant’ des examens peu parlant comme un ECG, une radiographie thoracique ou en établissement une gazométrie normale, des D dimères de résultats variables ….
- d’avoir demandé des examens mais sans en préciser l’urgence, examens remis au lendemain ou plus tard, selon les aléas des weekends et des rendez-vous…notamment un doppler en cas de suspicion de phlébite.
- d’avoir eu des résultats parlants mais non transmis….du fait d’un retard et/ou d’une mauvaise transmission des informations/coordination entre professionnels.

D’autres dossiers, les plus fréquents concernent une absence diagnostique, faute d’y avoir pensé.
Chaque médecin connait le caractère éminemment trompeur et atypique de nombres de présentations cliniques et pourtant…
Bien souvent des avis ponctuels se succèdent, par des praticiens différents, chacun n’ayant pas toujours l’ensemble de l’histoire clinique qui rend le diagnostic possible et parfois probable.

Mais s’est-on donné le temps nécessaire, guidé par la hantise de cette urgence vitale, pour rechercher la parcours du patient ??? Dès lors que rien n’est évident aux premiers interrogatoires voire aux examens complémentaires (qui traduisent déjà une inquiétude du médecin), pour peu qu’on ait évoqué, même sans y croire, une pathologie thromboembolique, on trouve rarement dans les dossiers la réponse aux questions suivantes :

Quelle est la contraception, quelle pilule ?
La patiente est-elle obèse, tabagique ?
En dehors des interventions récentes et tracées, y a-t-il eu un événement traumatique, une immobilisation partielle, un alitement oublié mais récent ?
Y a-t-il des ATCD familiaux ?

Dans des expertises, c’est le dernier médecin qui se trouve le plus souvent condamné : il y a des circonstances atténuantes pour les premiers : évocation normale d’une pathologie a priori banale et fréquente, temps de réalisation des examens…Mais à la troisième ou quatrième consultation, chacun s’interroge : a-t-on pris conscience qu’aucun diagnostic n’était réellement établi ? Ne fallait-il pas hospitaliser, demander un avis, urgent…? A-t-on considéré à la juste valeur que les consultations successives, pour une symptomatologie persistante sans diagnostic étiologique méritait un bilan rapide en milieu hospitalier ?

Si l’on en juge la multitude des scores de probabilité du diagnostic d’embolie pulmonaire, leur nombre traduit bien leur manque de fiabilité diagnostique : c’est du cas par cas.
Il faut y penser et notamment chez des jeunes femmes sous contraception oestro-progestative est un facteur de risque, quel que soit le dosage.

Bibliographie

• Embolie pulmonaire aux urgences. A Armand-Perroux, P M Roy, 51 ème congrès, national d’anesthésie réanimation, 2009.
• Accidents thromboemboliques et contraceptifs oraux : une si longue histoire. T Houselstein, Responsabilité numéro 57, mars 2015.
• Facteur V de Leiden, recommandations HAS 2006.
• Les thrombophilies constitutionnelles.
• Brigitte JUDE, Sophie SUSEN, Christophe ZAWADZKI, Nathalie TRILLOT
• Laboratoire d'Hématologie, Hôpital Cardiologique, CHRU, Lille
www.pifo.uvsq.fr/hebergement/cec_mv/135c.pdf
• Early anticoagulation is associated with reduced mortality for acute pulmonary embolism. Smith and coll. Chest, 2010 Jun; 137(6):1382-90.

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