Découvrez notre rubrique d'analyse du mois de la presse professionnelle sur le risque médical : importante actualisation du serment d'Hippocrate, 24h maximum de délai chirurgical sur fractures de hanche pour minimiser les complications, les résultats (mitigés) du programme français IFAQ de paiement à la performance Qualité des hôpitaux...
L’Association Médicale Mondiale (AMM, WMA en anglais) vient d’adopter une nouvelle déclaration d’éthique qui revisite celle de 1948 (dite déclaration de Genève) sur les obligations du médecin, et qui prétend à réviser le serment d’Hippocrate. L’AMM est une association internationale de médecins, fondée le 17 septembre 1947. Elle fournit à ses associations membres un forum où elles peuvent communiquer librement, coopérer activement, parvenir à un consensus sur des normes de qualité en matière d'éthique médicale et de compétence professionnelle et promouvoir la liberté professionnelle des médecins partout dans le monde.
La déclaration initiale de 1948 adressait essentiellement l’éthique de la relation médecin-patient, la confidentialité et les notions de déontologie et de respect des enseignants et des collègues.
La nouvelle version (dite déclaration de Chicago, 2017) propose une révision complète du serment d’engagement du médecin qui se décline ainsi :
Parsa-Parsi R. The Revised Declaration of Geneva A Modern-Day Physician’s Pledge
JAMA. 2017;318(20):1971-1972. doi:10.1001/jama.2017.16230
Les fractures de hanche attendent souvent plusieurs heures voire plusieurs jours aux urgences et dans les services avant l’intervention, mais on ne connaît pas bien le lien exact entre délai et dégradation du pronostic à 30 jours. Cette étude rétrospective porte sur 42 230 patients (âge moyen 80,1 ans, 70,5 % femmes) victimes d’une fracture de hanche et hospitalisés dans 72 hôpitaux US entre avril 2009 et mars 2015. Après ajustement des données, l’analyse évalue le point d’inflexion du délai chirurgical au-delà duquel les complications à 30 jours deviennent plus fréquentes et plus sérieuses. Le risque de complications (quelle qu’elles soient) bascule au-delà d’un délai de 24h d’attente (6,5 % après 24h versus 5,8 % avant).
Attendre trop est un événement indésirable, et se trouve pleinement inclus dans le périmètre de la sécurité du patient.
Pincus D., Ravi B., Wasserstein D., Huang A., Peterson M., Nathens A., Kreder H., Jenkinson R., Wodchis W., Association Between Wait Time and 30-Day Mortality in Adults Undergoing Hip Fracture Surgery, JAMA. 2017;318(20):1994-2003.doi:10.1001/jama.2017.17606
On sait la sécurité chirurgicale positivement associée aux volumes pratiqués par le chirurgien et l’établissement, particulièrement pour les chirurgies complexes. La qualité du chirurgien peut aussi être appréciée par différents indicateurs : volume, temps d’intervention, taux d’utilisation des transfusions, résultats de morbi-mortalités, voire tout autre score de qualité.
L’auteur chirurgien à Montréal rappelle la montée en puissance d’indicateurs composites de l’effet volume qui seraient un agrégat de l’activité propre du chirurgien, de la valeur, du nombre et l’entente dans/avec son équipe anesthésique et infirmier (failure to rescue), et de la technicité du plateau hospitalier.
Mais il s’intéresse plus en détail à l’évaluation de la technicité du chirurgien lui-même, au bloc. Il rappelle que Martin et al. ont proposé une échelle allant de 1 à 5 pour une évaluation de l’habilité basée sur le nombre de gestes « inutiles » en se concentrant sur des patterns d’économie du geste pour une efficience maximale ; Birkmeyer, en utilisant cette échelle, situe (pour la chirurgie bariatrique) le niveau 1 de l’échelle pour un interne, le 3 comme l’habilité de la majorité des chirurgiens et le 5 pour un maître de la spécialité.
Mais l’auteur observe aussi que ces échelles et courbes d’apprentissage sont génériques et ne prennent pas en compte les variations de choix des instruments, le non-respect des checklists, et/ou l’attitude vis-à-vis des erreurs, en quelque sorte des éléments qui mêlent compétences techniques et compétences non techniques. Il suggère de réfléchir à un indicateur reflétant mieux ces différents aspects.
Aggarwal R. Intraoperative Surgical Performance Measurement and Outcomes : Choose Your Tools Carefully JAMA Surg. 2017;152(11):995-996. doi:10.1001/jamasurg.2017.0837
Cette équipe Française publie les résultats d’une expérimentation pilote nationale de paiement à la performance Qualité des Hôpitaux français initiée en 2012-2014, et qui a conduit à la généralisation du dispositif en 2016. 9 indicateurs de qualité ont été agrégés dans un score, qui prend en compte à la fois les résultats obtenus et la dynamique des progrès réalisés. 436 hôpitaux volontaires et finalement 222 hôpitaux ont été sélectionnés pour l’expérimentation sur la base de qualité de relevé des indicateurs et des résultats de la certification. L’observation finale porte sur 185 de ces 222 hôpitaux engagés dans l’expérimentation, comparée à 192 hôpitaux servant de témoins. Le principe de rémunération propose de primer les hôpitaux ayant obtenu un score supérieur à la valeur médiane des résultats obtenus par les hôpitaux. Les données de qualité ont été corrigées et ajustées à tous les critères connus pour influencer le paiement à la performance.
Les résultats montrent une progression entre 2012 et 2014, mais un résultat simplement tendanciel entre hôpitaux engagés dans l’expérimentation vs hôpitaux témoins (seuil de signification non atteint à la fois pour les données brutes (2,89, P = 0,29) et les données corrigées (4,07, P = 0,12).
Les auteurs expliquent ce résultat en demi-teinte par le faible niveau de prime proposé, certains objectifs difficilement atteignables, un recul insuffisant, la nouveauté. Cela n’a pas empêché la décision de généralisation en 2016.
Lalloué B., Jiang S., Girault A. Ferrua M., Loirat P., Minvielle E.,Evaluation of the effects of the French pay-for-performance program—IFAQ pilot study International Journal for Quality in Health Care, Volume 29, Issue 6, 1 October 2017, Pages 833-837
Les réseaux d’hôpitaux sont de plus en plus souvent dirigés par des comités directeurs responsables de la qualité des soins proposés. Or on sait peu de choses sur ce qui caractérise un bon comité pour cet objectif. Ces auteurs Anglais ont réalisé un travail d’observation de terrain pendant 30 mois sur 15 comités exécutifs de réseaux d’hôpitaux anglais, en mêlant interviews (65), observations (60h) et analyses documentaires. Ils proposent une échelle de maturité des comités de direction en matière d’efficacité du pilotage de la qualité des soins.
Les comités ayant des niveaux supérieurs de maturité se caractérisent par :
L’influence des leaders médicaux membres de ces comités est particulièrement importante dans le résultat final.
Jones L., Pomeroy L ., Robert G., Burnett S., Anderson J., Fulop N., How do hospital boards govern for quality improvement? A mixed methods study of 15 organisations in England BMJ Qual Saf 2017;26:978-986
Les USA ont publié récemment leur taux de mortalité maternelle. Ce taux est mauvais (28/100 000 à comparer au 11/100 000 au Canada et 10,3 en France) ; c’est le plus élevé de tous les pays occidentaux. Il a même doublé depuis 1990 et ne cesse d’augmenter depuis 20 ans, avec un sur-risque communautaire lié aux inégalités sociales. Les femmes noires ont un taux de mortalité maternelle de 56,3/100 000 comparé au 20,3/100 000 des femmes blanches.
Pour autant, il y a peu de débats politiques sur ce sujet. Les auteurs expliquent qu’une partie du phénomène est certes explicable par une sans doute meilleure détection et comptabilité des cas, mais cela n’explique pas tout. L’accès difficile aux soins pendant la grossesse pour les plus pauvres, dans une société présentant plus souvent des facteurs de gravité (obésité, diabète) avec des atteintes cardiaques plus fréquentes, et la multiplication des primipares de plus de 40 ans se combinent et en font les causes les plus contributives, sans oublier une augmentation constante des césariennes avec un suivi per et post hospitalier très variable en qualité.
Pourtant les auteurs rappellent que la loi Américaine donnait jusqu’à présent automatiquement l’accès à 50 % des femmes enceintes en difficulté de ressources à Medicaid (et donc au remboursement). Mais ce n’est visiblement pas suffisant, particulièrement pour les soins remboursés dans le suivi de la grossesse et de l’accouchement (arrêt 60 jours après accouchement). La révision de la loi pourrait aggraver encore la situation.
Le texte fait les constats dans un climat législatif très défavorable et essaie d’influer sur les décisions tout en constatant que le phénomène de sur mortalité n’est pas complètement analysé.
Molina R., Pace L., A Renewed Focus on Maternal Health in the United States, N Engl J Med 2017; 377:1705-1707November 2, 2017DOI: 10.1056/NEJMp1709473
Les soins à domicile sont devenus la norme, et pour autant restent très variables en qualité. Sur la seule période 2009-2010 aux USA, on compte 23 % des 1,5 million de sorties hospitalières d’épisodes aigus relayés par des soins à domicile qui ont finalement été ré-hospitalisés et/ou sont décédés avant 30 jours.
L’article teste rétrospectivement (2012-2015) les résultats obtenus sur les patients (soins de suite post aigus et long terme) par les professionnels (gériatres, généralistes, infirmiers) ayant eu une activité dominante facturée à plus de 90 % pour le domicile versus ceux où le domicile était plus marginal, en recherchant la pertinence de ce que serait une nouvelle spécialité médicale et paramédicale dédiée aux soins à domicile. Les données sont favorables à cette idée puisque les professionnels ultraspécialisés pour le domicile augmentent au fil des années (de 3,35/1 000 lits en 2012 aux USA à 4,58/1 000 lits en 2015), et obtiennent de meilleurs résultats sur les patients (soins de suite aigus et long terme, moins de complications ; <0,001). Les auteurs notent cependant, parmi les points négatifs à cette évolution, le risque de couper le patient de son médecin traitant habituel.
Ryskina K., Polsky D., Werner R., Physicians and Advanced Practitioners Specializing in Nursing Home Care, 2012-2015 JAMA. 2017;318(20):2040-2042. doi:10.1001/jama.2017.13378
L’éditeur du journal IJQSH nous rappelle que les Hollandais viennent de publier un article sur l’utilisation de l’indicateur réadmission à 30 jours en utilisant les bases de codages et facturation. 455 réadmissions sont incluses dans cet exemple ; les auteurs montrent que 44,1 % des réadmissions pointées par cette base sont identifiées comme évitables alors que les dossiers médicaux, moins complets, n’indiquent que 28 % d’EIG évitables. La sensibilité et la spécificité de l’exploitation de cet indicateur issu du codage administratif se révèle voisin de 63 %, ce qui est excellent, et devrait être utilisé en routine.
Li J., Improving quality of care through evaluating potentially preventable events and crew resource management implementation International Journal for Quality in Health Care, Volume 29, Issue 6, 1 October 2017, pages 751
Cette étude analyse l’influence de 3 facteurs sur le choix de l’hôpital par le patient US : le coût absolu, le prix à débourser, et la connaissance des indicateurs de sécurité.
La méthode utilise des scénarios différents proposés à 2 357 patients mis en situation de rentrée à l’hôpital.
Le choix pour la sécurité domine largement (94 %), et d’autant plus s'il s’agit d’une femme, d’un milieu aisé, et d’une bonne culture générale. Il existe tout de même 4 % des patients faisant le choix de l’hôpital le mieux équipé, même si ses indicateurs de sécurité ne sont pas bons.
Duke C., Smith B., Lyinch W., The Effects of Hospital Safety Scores, Total Price, Out-of-Pocket Cost, and Household Income on Consumers' Self-reported Choice of Hospitals
Journal of Patient Safety. 13(4):192-198, December 2017
Les USA, l’Europe (et à une titre moindre la France, plus prudente) ont adopté depuis plus de 10 ans une batterie d’une quinzaine d’indicateurs locaux de sécurité (PSI, Patient Safety Indicators). L’étude évalue la qualité de prédiction de ces indicateurs sur la durée de séjour, la mortalité et les ré-hospitalisations, un sujet peu investigué jusqu’à présent.
L’étude est rétrospective sur 6 hôpitaux US entre 2012 et 2014. Les résultats montrent un lien très fort entre PSIs et les facteurs étudiés, prouvant l’efficacité de ces indicateurs.
Gray D., Hefner J., Nguyen M., The Link Between Clinically Validated Patient Safety Indicators and Clinical Outcomes, Volume 32, Issue 6, November/December 2017, Am Journal Medical quality
Etude Anglaise longitudinale sur 5 213 patients de plus de 60 ans cumulant 10 502 années de traitement. Sur les 1 611 patients polymédiqués, 569 ont chuté dans les deux dernières années (175/1 000), à comparer aux 875 chutes des 3 602 patients non polymédiqués. La différence est significative et atteint 21 %. Le simple fait de prendre régulièrement 4 médicaments augmente le risque chute de 18 % et la prise de 10 médicaments journaliers augmente le risque de plus de 50 %.
Dhalwani NN, Fahami R, Sathanapally H, et al Association between polypharmacy and falls in older adults: a longitudinal study from England BMJ Open 2017;7:e016358. doi: 10.1136/bmjopen-2017-016358