Découvrez notre rubrique d'analyse du mois de la presse professionnelle sur le risque médical : les plaintes péri-op plus fréquentes que les plaintes per-op, les visites de certification non programmées ne sont pas meilleures que les visites programmées, gravité et coûts explosifs des plaintes en lien avec les erreurs de diagnostic...
Analyse de toutes plaintes des US National Practitionner Database entre 1999 et 2011, en se focalisant sur les différences de coûts de compensation des victimes entre plaintes liées à des erreurs de diagnostic versus toutes les autres causes.
62 966 plaintes incluses dans l’étude dont 13 682 en lien avec des erreurs de diagnostic. Les plaintes liées à des problèmes de diagnostic sont 1,83 fois plus souvent associées à des séquelles graves que les autres plaintes, et 2,33 fois plus souvent mortelles que les autres plaintes. Leurs coûts est très supérieur aux autres plaintes (5,7 milliards $US sur la période étudiée).
Gupta A., Snyder A., Kachalia A., Saint S., Chopra V., Malpractice claims related to diagnostic errors in the hospital, BMJ Quality and Safety, On line first
Etude randomisée danoise comparant les effets sur la conformité aux procédures d’une visite de certification annoncée (12 hôpitaux) versus une visite de certification non annoncée (11 hôpitaux). On mesure la conformité sur 113 procédures et indicateurs de performance. Le risque d’observer des déviances s’avère non significatif entre les deux types de visites, et ceci est particulièrement vrai pour les points les plus critiques (l’équivalent des pratiques prioritaires PEP de la certification française).
Ehlers L., Simonsen K., Jensen M., Rasmussen G., Olesen A., Unannounced versus announced hospital surveys: a nationwide cluster-randomized controlled trial International Journal for Quality in Health Care, Volume 29, Issue 3, 1 June 2017, Pages 406–411
Ces auteurs de Boston ont comparé l’évaluation par les patients de la qualité de l’hospitalisation à domicile soit par facebook sur le compte de l’HAD local, soit par envoi d’un questionnaire classique d’évaluation à tenue relativement codifiée et validée en termes de Qualité (à noter qu’à peine 60 % des HAD ont un compte facebook). Surprise ! Les évaluations par facebook sont significativement différentes des évaluations par questionnaire classique. Au-delà du constat inquiétant, et sans doute des efforts à déployer pour valider les évaluations par médias sociaux, les auteurs constatent la montée en puissance de ces derniers, et sans doute leur dominance rapide sur toute autre mode d'évaluations des patients.
Gaudet Hefele J., Campbell L., Barooah A., Wang J., Nursing home Facebook reviews: who has them, and how do they relate to other measures of quality and experience? BMJ Quality and Safety, On line first
Etude d’une base de données d’assurance US sur toutes les plaintes portées à l’encontre d’internes en chirurgie sur une période de 10 ans (2005-15). 87 plaintes incluses dans la base (dénominateur non précisé). 67 (77 %) ont provoqué la mort ou des séquelles graves ; les motifs les plus fréquents sont le suivi péri opératoire, les décisions médicales, et les blessures directes (61 % pour les trois causes). Les plaintes péri opératives sont plus fréquentes que les plaintes relatives à un geste per op. L’absence de supervision par un senior est citée dans 55 % des cas.
Thiels C., Choudhry A., Ray-Zack M. et al, Medical Malpractice Lawsuits Involving Surgical Residents, JAMA Surg. Published online August 30, 2017. doi:10.1001/jamasurg.2017.2979
La surcharge de travail augmente rapidement pour les généralistes anglais, au point de devenir insupportable. Elle est liée à la complexité des patients (vieillissement de la population), aux sorties plus rapides de l’hôpital qui augmentent le travail des professionnels en charge de la suite du parcours clinique, et à une crise des vocations pour la profession de généraliste. Le gouvernement a promis un plan quinquennal qui devait multiplier les installations, mais dans les faits, peu de professionnels y croient, et d’ailleurs aucun résultat positif n’est encore acquis. Faute de médecins, l’auteur se fait l’écho d’une autre directive d’état qui préconise de décharger une partie de la surcharge sur les pharmaciens qui pourraient prescrire en lieu et place du médecin dans un nombre élevé de cas. Des essais régionaux sont déjà en cours et prometteurs, même si des tensions peuvent émerger entre les deux corporations. Il faut bien reconnaître que la France présente déjà quelques symptômes des mêmes maux et, du coup, il sera sûrement intéressant de suivre les résultats anglais.
Avery A. Pharmacists working in general practice: can they help tackle the current workload crisis? Br J Gen Pract 2017; 67 (662): 390-391.
Un numéro spécial du JAMA sur le partage de la décision, avec cet article assez représentatif : 9 patients US sur 10 voudraient être plus impliqués dans les décisions médicales qui les concerne, et connaître toutes les options. C’est loin d’être le cas.
Dans les cas les plus simples, c’est un choix binaire qui est proposé (antibiotique vs chirurgie), mais ce n’est qu’un cas finalement rare en regard de la complexité des choix à expliquer dans les pathologies chroniques ou longues. Or, savoir donner des alternatives au patient demande bien plus que de lister les options techniques ; pour être efficace, il faut maîtriser l’art d’une compréhension réciproque qui prend en compte la limite et la relativité de la connaissance médicale et les aspects socio-psychologiques du patient. Il faut être formé à ce savoir et l’entretenir. De nouveaux programmes sont imposés à cet effet aux USA en cours d’internat et en formation continue sous le nom très évocateur de science de la compassion » (science of Kindness).
Maskrey N., Gordon A., Shared Understanding With Patients JAMA Intern Med. 2017; 177(9):1247-1248. doi: 10.1001/jamainternmed.2017.1932
Etude rétrospective sur les EIG associés aux antibiotiques. 1 488 dossiers de patients (moyenne d’âge 59 ans) revus 30 jours après une antibiothérapie systématique standard à l’hôpital, et 90 jours après pour le développement de clostridium difficile ou de bactéries multi-résistantes.
398 dossiers associés à des EIG (20 %), dont 56 EIG (7 claustridium difficile) pour des antibiothérapies contestables dans leur indication.
Chaque période de 10 jours supplémentaires d’antibiothérapie est associée à une augmentation des EIG de 3 %.
Tamma P., Avdic E., Li D. Association of Adverse Events With A, ntibiotic Use in Hospitalized Patients
JAMA Intern Med. 2017;177(9):1308-1315. doi:10.1001/jamainternmed.2017.1938
Des médecins de Toronto proposent dans cet éditorial une discussion sur l'attitude à adopter et « comment le dire » quand on voit un confrère peu professionnel, particulièrement quand il s’agit d’un junior qui voit un senior peu performant.
On sait ces situations difficiles, d’abord parce qu’elles sont toujours un peu subjectives, ensuite parce que le lien entre professionnalisme et sécurité du patient n’est pas très clair et que l’on a sans doute trop dit dans les dix dernières années que les causes d’EIG sont surtout liées « au système » plutôt qu’aux individus.
Mais la sécurité des patients évolue de la culture de « pas de sanction » vers la promotion d'une « culture juste ». Une culture juste reconnaît que les professionnels individuels ne devraient pas être tenus pour responsables des erreurs qu'ils commettent dans un système mal conçu ; mais ces professionnels doivent aussi être tenus responsables de leurs choix et de leurs actions indépendamment des lacunes du système. On peut distinguer des comportements à risque et des comportements imprudents. Dans les exemples de comportements « à risque », on a par exemple les raccourcis excessifs, ou le fait de ne pas remplir certaines tâches cliniques importantes en temps opportun. Les « comportements imprudents » renvoient à des questions de manque avéré de professionnalisme (par exemple, le « médecin perturbateur » ou la falsification des dossiers de soins aux patients).
Il reste la question de « comment mieux répondre à ces cas ». Comme toute autre intervention, les auteurs ne préconisent pas une approche « unique pour tous », mais la clé dans tous les cas est de verbaliser le problème à voix haute, en choisissant son moment et la forme. Certaines formations existent pour ce savoir faire, notamment TeamSTEPPS et son module CUS (Concern, Uncertain, Safety) qui indique quand prendre la parole et comment se comporter devant de tels comportements.
Wong B., Ginsburg S. Speaking up against unsafe unprofessional behaviours: the difficulty in knowing when and how, BMJ Quality and Safety, On line first
La médecine paraît peu concernée, voire en conflit éthique avec les pratiques de la guerre, mais à y regarder de plus près, les conditions de travail sous forte pression, en univers incertain et à hautes conséquences sont finalement assez comparables. L’usage des Check lists est sans doute le meilleur exemple de pont entre les deux domaines.
L’observation et la compréhension de la situation clinique a encore à apprendre de la façon dont l’information électronique synthétisée sur le champ de bataille remonte aux états majors, comment les informations de base sont agrégées, fusionnées, analysées pour rester compréhensives et éviter une surcharge ininterprétable de données. La culture de l’aide à la décision semble évoluer dans ce sens en médecine, mais on voit encore trop les médecins bypasser ou ignorer les conseils des systèmes d’aides. L’idée que l’appropriation de ces stratégies automatisées repose sur la formation et l’entraînement régulier, réalisé en temps de paix pour les militaires, devrait inspirer les professionnels de santé qui achètent les systèmes mais ne prennent jamais le temps de consacrer formation et entraînement régulier.
Jung A., Szczerba R., Huesch M., What Else Can Health Care Learn From the Aerospace and Defense Industries? Journal of Patient Safety: September 2017 - Volume 13 - Issue 3 - p 184–186