Devant l’amélioration des techniques et les progrès du diagnostic anténatal, le nombre d’interruptions médicales de grossesses (IMG) n’a cessé d’augmenter ces dernières années.
« Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme est celle d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l'équipe du centre précité se réunit, un médecin choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d'au moins une semaine avant de décider d'interrompre ou de poursuivre sa grossesse »
Ces indications fœtales représentent la majorité des IMG, soit 97,7% en 2008.
Essentiellement :
Dans ce cas, les exigences de ce dispositif prévu par la loi permettent de s'assurer que la gravité et l’incurabilité de l'anomalie justifiant l'interruption sont bien réelles et de faire ainsi obstacle aux demandes parentales infondées visant la recherche d'un “enfant parfait”.
Pourtant, si le diagnostic prénatal met en évidence avant 14 semaines une anomalie bénigne ou curable du fœtus, rien n’interdit légalement à une femme d’interrompre sa grossesse dans le cadre de l’orthogénie.
L’article L2213-1 du code de santé publique modifié par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en précise le cadre :
« L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d'une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic »
« Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l'affection dont la femme est atteinte, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et le médecin qualifié dans le traitement de l'affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé »
Ces indications maternelles représentent 2,3 % des IMG en 2008, et sont à la fois médicales, psychologiques ou sociales.
Cette pratique existe même si la majorité des médecins s'oppose à ce risque de dérive en considérant que, si la demande de diagnostic prénatal qui confirme le désir de grossesse est suivie d’une demande d'interruption, celle-ci ne relève plus de l’orthogénie mais du dispositif de l'IMG.
D’autre part, le fait qu’il n’existe pas de liste « officielle » des pathologies pouvant conduire à une IMG, et que l’évolution de certaines d’entre elles soit inconnue tant sur le plan de la gravité à la naissance, que sur le pronostic à long terme, rend difficile la prise de décision des équipes des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal.
Si dans la plupart des cas, les dossiers de demande ne posent pas de problème, car l'évaluation pronostique relève clairement, – ou tout aussi clairement ne relève pas –, de la situation prévue par la loi, il n’en est pas de même de certaines situations où la pathologie fœtale engendre une telle détresse chez le couple, que ce dernier ne peut envisager la naissance d’un enfant handicapé.
En effet, le mythe de l'enfant parfait rend le seuil de tolérance aux "imperfections" de plus en plus bas.
Dans ces cas-là les attitudes peuvent varier d’une équipe à l’autre avec des indications plus ou moins larges suivant les positionnements éthiques, moraux, personnels de chacun des membres du conseil.
C’est ainsi qu’une demande peut être refusée dans un CPDPN et acceptée dans un autre, ou même refusée en France et acceptée dans un pays voisin.
Les facteurs influençant une prise de décision sont multiples et variés. Ils dépendent de la nature exacte de la lésion, des possibilités thérapeutiques, du terme, du caractère évolutif, du désir des parents, mais également du vécu de chacun, de l'expérience professionnelle, de la spécialité exercée, de l'éducation, des convictions morales ou religieuses.
Une relation sincère et honnête après une information claire permet le plus souvent une prise de décision consensuelle médecins-parents.
Les Dossiers de l'Obstétrique, novembre 2005, 343, pp. 21-29.
"Les sages-femmes face à l’interruption médicale de grossesse", Mémoire de fin d’études de sages-femmes - Delphine ESPLAT, 2012