Un homme de 62 ans souffre depuis plusieurs années de douleurs de la hanche gauche, traitées médicalement par un rhumatologue. Devant leur aggravation entraînant une réduction du périmètre de marche, il consulte, le 7 juin 2006, un chirurgien orthopédiste.
Assignation du chirurgien orthopédiste, de l’anesthésiste et de la clinique, en décembre 2010, par le patient pour obtenir l’indemnisation du préjudice qu’elle avait subi.
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Expertise (octobre 2011)
L’expert, praticien hospitalier en chirurgie orthopédique, assisté d’un sapiteur médecin infectiologue, rappelait que : « (…) Le patient avait été victime de deux complications :
- une complication que l’on pouvait qualifier de gravité modérée : déhiscence du fascia lata ;
- une complication majeure : infection profonde du site opératoire de la prothèse totale de hanche.
La survenue de la première complication relevait d’un accident médical non fautif. Le comportement du chirurgien orthopédique vis-à-vis de ce problème avait été conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science.
La seconde complication était une infection liée aux soins dont la suspicion était forte à partir du 6 juin 2007 lorsque des radios avaient mis en évidence une géode du grand trochanter, de nature très probablement infectieuse. Le diagnostic avait pu être affirmé par la présence de germes à la culture des prélèvements effectués lors de l’intervention du 24 juillet 2007.
Il existait un faisceau d’arguments concordants en faveur d’une infection sur prothèse, à évolution très lente, contractée lors de l’intervention du 6 juin 2006, notamment :
La négativité du prélèvement de la géode du 9 juillet 2007 s’expliquait vraisemblablement par le fait qu’il avait été effectué après injection de céfazoline.
Les staphylocoques à coagulase négative, - dont Staphylococcus epidermidis est l’espèce la plus fréquente -, sont classiquement peu virulents. En revanche, ils ont une affinité particulière pour le matériel étranger. De fait, ils sont très souvent impliqués dans les infections sur prothèses articulaires. Ces infections sont difficiles, voire impossibles à éradiquer quand le matériel est laissé en place. Les souches méti-S, comme chez le patient, sont des constituants majeurs de la flore cutanée normale. Les souches méti-R proviennent classiquement de l’environnement hospitalier. La flore cutanée du patient hospitalisé peut très rapidement évoluer d’une population de S.epidermidis méti-S à une population méti-R, à la faveur de quelques jours d’antibiothérapie
Concernant les mesures susceptibles d’éviter la survenue d’une telle infection chez le patient,
L’expert individualisait plusieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire mais ne retenait pas de déficit fonctionnel permanent. A son avis « le résultat actuel de la prothèse de hanche était satisfaisant, tout à fait superposable à celui qu’on pouvait espérer en l’absence de complication ».
Tribunal de Grande Instance (mai 2015)
Le tribunal estimait au sujet du défaut d’information dont le patient se plaignait de la part du chirurgien sur le risque de complication infectieuse postopératoire, que « (…) Les précisions contenues dans le dossier étaient insuffisantes pour justifier que l’information avait été donnée quant au risque infectieux dont la probabilité était aggravée au vu de l’état de santé du patient (diabète et IMC à 30) et au regard du bref délai séparant la consultation de l’acte chirurgical… Toutefois, le préjudice résultant de ce défaut d’information ne consistait pas en la réalisation du risque, d’autant qu’il était admis que la pose de la prothèse totale était le seul traitement envisageable après l’échec du suivi rhumatologique. Il s’agissait, en fait d’un préjudice indépendant d’impréparation, au titre duquel le patient ne formait aucune demande d’indemnisation (…) »
Compte-tenu que le caractère nosocomial de l’infection n’était contesté par aucune des parties, les magistrats rappelaient que : « (…) Les établissements de santé sont responsables de plein droit des dommages résultant des infections nosocomiales sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère…En l’occurrence, la clinique invoquait la faute des médecins…Il apparaissait que l’antibioprophylaxie n’avait pas été administrée lors de l’intervention du 6 juin 2006, aucune partie ne contestant que cette absence était non conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science …L’antibioprophylaxie relevait au moment des faits de la responsabilité du médecin anesthésiste qui devait à tout le moins s’assurer de son administration par l’infirmière, le chirurgien orthopédiste devant également avant la réalisation de son geste chirurgical, vérifier son existence. En revanche, il n’était pas démontré que le protocole alors mis en œuvre par la clinique était insuffisant. En conséquence, il convenait de retenir que la responsabilité du défaut d’antibioprophylaxie incombait, à parts égales, à l’anesthésiste et au chirurgien. Cette faute des médecins ne pouvait, toutefois, être qualifiée de cause étrangère, exonératoire de la responsabilité de la clinique, dès lors qu’elle n’avait pas rendu l’infection inévitable.
Mais cette faute avait fait perdre une chance au patient d’éviter le développement de l’infection. En retenant les risques accrus du fait du diabète et de l’obésité, il y a lieu de considérer que le défaut d’antibioprophylaxie avait fait perdre au patient une chance de 50 % d’éviter l’infection (…) »
En revanche, le tribunal, se fondant sur le rapport des experts, estimait qu’ « aucune faute ne pouvait être reprochée au chirurgien dans le suivi postopératoire et le traitement de l’infection ».
En conclusion, le tribunal condamnait, in solidum, la clinique, l’anesthésiste et le chirurgien à indemniser le préjudice subi par le patient, à concurrence de 50% pour la clinique et de 50% à la charge des médecins, à parts égales pour l’anesthésiste et le chirurgien.
Indemnisation de 40 500€ dont 32 000€ pour les organismes sociaux.