Une jeune fille de 12 ans est victime un vendredi matin d’un écrasement des doigts de la main droite. Elle se rend aux urgences et est traitée en chirurgie ambulatoire. Les suites de son parcours de soins vont conduire à la perte de son doigt faute de pouvoir trouver un numéro de téléphone réactif et un professionnel qui les prenne au sérieux pour des suites douloureuses. Une forme de prémonition d’un risque redouté de l’ambulatoire : la coordination ville-hôpital dans les soins de suites de patients lâchés le vendredi dans le secteur extra hospitalier.
Cas clinique
Une jeune fille de 12 ans est victime un vendredi matin d’un écrasement des doigts de la main droite par une porte palière à la suite à un courant d’air.
Elle est transférée aux urgences d’une clinique où il est constaté « (…) Plaie de P3 des 3ème et 5ème doigts de la main droite avec lésions unguéales (…) », Absence de lésions osseuses radiologiques. Décision d’intervention en ambulatoire le 19 juin sous anesthésie générale consistant en « une suture unguéale sur le 5 et une greffe unguéale sur le 3 ».
Dès son réveil en SSPI, à 13h l’enfant se plaint de douleurs au niveau du pansement digital.
A 15h, l’anesthésiste réanimateur présent en SSPI demandait à l’infirmière de mettre en œuvre le protocole n°96.002 (Prise en charge de la douleur-Protocole Enfant) à base de Nubain®.
Ce protocole est renouvelé, à 16h30, par l’infirmière du service ambulatoire.
Malgré la persistance des douleurs- considérées par le personnel soignant comme « normales » en postopératoire immédiat-, l’enfant quitte la clinique en fin d’après-midi sans être revue par le chirurgien orthopédique. Aucune fiche n’a été remise à la mère de l’enfant mais il lui a été rappelé la consigne du chirurgien de « ne pas toucher au pansement jusqu’à sa prochaine consultation prévue le mardi suivant ».
Dès le retour au domicile, devant la persistance des douleurs, la mère fait appel au médecin de garde. Celui-ci confirme qu’il s’agit de douleurs postopératoires « normales » mais ne défait pas le pansement. Il prescrit de l’Atarax® .
Dans la nuit du samedi au dimanche, les douleurs du 3ème doigt devienent intolérables et la mère appelle la clinique en utilisant la fiche qui lui avait été remise le vendredi lors de son passage aux urgences de cet établissement. Il lui est à nouveau répondu (par une personne non identifiée) que « cela est normal ». Lorsqu’elle téléphone au second numéro mentionné sur la fiche qui correspond au secrétariat de SOS mains (groupe de 5 chirurgiens auquel appartenait l’orthopédiste ayant opéré l’enfant), la même réponse lui est faite en lui précisant « qu’on ne pouvait pas la recevoir ».
Le dimanche, les douleurs persistant, la mère appelle plusieurs fois- au moins à quatre reprises -, la clinique ou SOS mains mais n’obtient que des réponses identiques aux précédentes. Rien ne soulageant l’enfant, sa mère la conduit le lundi à la consultation du chirurgien orthopédiste. Après avoir défait le pansement, celui-ci l’informe que « le doigt de sa fille était perdu » et qu’il convenait de « l’amputer d’urgence ».
La mère décide de prendre contact avec le service d’orthopédie infantile du CHU qui confirme les dires du chirurgien. L’intervention a lieu le mardi au CHU : « (…) nécrose iatrogène du majeur droit au stade de nécrose sèche passant par le milieu de P1…amputation du col de P1 dans un premier temps (…) » Au réveil, régurgitation bronchique nécessitant une hospitalisation de 24 heures en Réanimation.
Deux moins plus tard,mise en place sur le moignon d’un greffon cutané prélevé sur le cuir chevelu.
Un an plus tard, réintervention pour des douleurs très importantes au toucher faisant évoquer des névromes collatéraux (électrocoagulation des 2 nerfs collatéraux après dissection jusqu’en paume de main).
Les parents assignent la clinique, le chirurgien et le médecin de garde en réparation du préjudice subi.
Dans un courrier en date du 26 juillet 2004 destiné à l’expert, le chirurgien reconnaissait qu’«(…)il s’agissait indubitablement d’un oubli de garrot digital, fait avec un morceau de gant chirurgical … Il semble me souvenir que le pansement au bloc opératoire a été fait par l’infirmière de salle d’opération, sous ma responsabilité bien entendu…Entre le 19 et le 23 juin date où j’ai revu le pansement, je n’ai jamais eu l’écho d’une plainte quelconque. Je vois qu’à plusieurs reprises la mère aurait tenté de nous joindre par l’intermédiaire de la clinique ou de SOS mains mais je peux vous assurer que je ne le savais pas…Pour éviter ce genre de malentendu (accueil erroné des appels téléphoniques de patients douloureux faisant évoquer une complication) , je donne à toute personne opérée une feuille (la fiche de consignes postopératoires) où sont mentionnés les téléphones des cliniques et de SOS mains qui mettent l’appelant en relation avec le secrétariat des chirurgiens ou le chirurgien de la main lui-même après 18 heures et le week-end. Nous n’avons pas été contacté à ce numéro, et ni la clinique, ni SOS mains, ni aucun autre intervenant ne nous a informés des douleurs de cette jeune fille (…)».
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