Phlébite compliquant une contention plâtrée réalisée aux urgences pour entorse de la cheville

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Phlébite compliquant une contention plâtrée réalisée aux urgences pour entorse de la cheville - Cas clinique

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page

Un homme de 51 ans chute sur un sol glissant et se tord la cheville. Il se présente aux urgences de la clinique où le diagnostic d’entorse de la cheville gauche est posé, sans lésion osseuse radiologiquement décelable...

  • Chirurgien
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Le 13 mars, dans la matinée, un homme de 51 ans chute sur un sol glissant et se tord la cheville.  
  • A 12h30, il se présente aux urgences de la clinique où le diagnostic d’entorse de la cheville gauche est posé, sans lésion osseuse radiologiquement décelable. Le médecin urgentiste prescrit une attelle pour 8 jours, des antalgiques et un traitement par HBPM à doses préventives.  
  • Le 26 mars, le même médecin revoit le patient en consultation aux urgences et conseille une poursuite de l’immobilisation par botte pendant encore 3 semaines.  
  • Le 15 avril, lors du déplâtrage par un autre urgentiste, il est noté un hématome diffus et douloureux de la malléole externe. Craignant une fracture méconnue, ce médecin demande une tomodensitométrie - qui, en fait, ne sera pas réalisée -, et confectionne, lui-même, une résine circulaire pour immobiliser la cheville gauche.  
  • Le patient, s’inquiétant de continuer à souffrir - quoique modérément -, de sa cheville, préfère téléphoner au premier urgentiste, qu’il connaissait personnellement, pour lui demander de le revoir.  
  • La consultation a lieu le 23 avril. Après déplâtrage, le Doppler met en évidence une phlébite des veines péronière et tibiale postérieure gauches. Outre un traitement par HBPM à doses curatives, l’urgentiste prescrit une bande élastique qui est mise en place par une infirmière.  
  • Ultérieurement, le patient expliquait que l’infirmière, une fois la bande de contention installée, avait remis les deux valves de la résine coupée précédemment, en les maintenant fermement l’une contre l’autre par plusieurs tours d’élastoplaste extérieurs.  
  • Le patient quitte les urgences vers 13h00 et commence, vers 15h00, à ressentir des douleurs importantes de la jambe gauche. Celles-ci devenant très importantes, il appelle l’urgentiste qui lui prescrit par téléphone du Doliprane®.  
  • Les douleurs persistant avec une intensité non supportable, le patient se présente spontanément à 23h00 aux urgences de la clinique où il est reçu par une infirmière qui lui prescrivait, de nouveau, du Doliprane® en lui expliquant qu’ « une phlébite, c’est douloureux » et le renvoie chez lui, sans faire appel au médecin urgentiste présent.  
  • La persistance, pendant la nuit, de douleurs qualifiées d’intolérables, conduit le patient à téléphoner, le lendemain matin, dès 09h00, à l’urgentiste qui lui conseille de venir aux urgences.  
  • A 11h00, les deux valves de la résine sont ôtées et la bande enlevée, ce qui entraîne très rapidement un soulagement partiel de la douleur. Au bout de une à deux heures, une nouvelle bande beaucoup moins serrée que la précédente est remise en place avec une attelle postérieure d’immobilisation, donc non circulaire.  
  • Les jours suivant, la douleur continue de décroître mais il persiste une gêne très sensible du pied et de la cheville gauches.  
  • Le 4 mai, lors de la consultation avec l’urgentiste, le pied était gonflé, douloureux et en équin. Il était prescrit une rééducation avec appui mais l’intensité des douleurs empêchait toute mobilisation, le traitement se limitant à des stimulations électriques.  
  • Une scintigraphie éliminait l’hypothèse d’une algo-neurodystrophie évolutive.  
  • Sur les conseils de son frère (médecin), le patient consultait, en juin 2008, un neurologue qui notait : «(…) Une paralysie du releveur du pied gauche, une faiblesse de la flexion des orteils et des troubles sensitifs prédominant à la partie externe et dorsale du pied, l’ensemble évoquant une atteinte du sciatique poplité externe… Cette complication était probablement consécutive à l’immobilisation de la jambe gauche, il y a deux mois ». Il conseillait la reprise d’une rééducation optimale.  
  • En décembre 2009, lors de l’expertise, il persistait une atteinte sensitivo-motrice du sciatique poplité externe(SPE) gauche ayant relativement bien récupéré sur la partie motrice (aux 4/5éme), mais avec une hypoesthésie douloureuse gênante résiduelle.

Saisine de la CRCI (novembre 2009) puis Assignation du médecin urgentiste et de la clinique (septembre 2010) par le patient en réparation de son préjudice.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d'enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l'objet d'une transaction commerciale.

 

Jugement

Expertise (décembre 2009)

 

L’expert, professeur des universités, chirurgien orthopédiste des hôpitaux, considérait  que la cause du dommage était une compression du SPE gauche, vraisemblablement, au niveau du col du péroné, lors du traitement par bande élastique d’une phlébite post-traumatique survenue  malgré une prévention anticoagulante correctement menée. Il estimait que la prise en charge du patient le 23 avril, avait été défectueuse : « (…) En premier lieu, la pose d’une bande élastique, et en particulier le serrage de celle-ci et, puis, le fait de remettre une résine bi-valvée de contention serrée par-dessus, exposaient au risque de compression. Il n’y avait pas de notion que l’urgentiste ait vérifié l’immobilisation réalisée par l’infirmière. Ensuite, l’urgentiste, en réponse à un  malade qui souffrait, avait prescrit par téléphone, un antalgique sans avoir procédé à un examen clinique pour rechercher la cause de cette douleur. Enfin, et surtout quand le patient s’était présenté aux urgences de la clinique à 23h00, une infirmière avait prescrit un antalgique sans en référer à un médecin urgentiste pourtant présent sur place (...) ».

L’expert estimait que la responsabilité du dommage subi par le patient était  imputable pour  60% à l’infirmière (et par conséquent, à la clinique qui était son employeur) et pour 40% au médecin urgentiste. En l’absence de consolidation, il n’était pas possible de déterminer un taux d’IPP mais, celui-ci devrait être très inférieur à 25%.

 

Tribunal de grande instance (octobre 2012)

 

Se fondant sur les conclusions du rapport d’expertise, les magistrats décidaient que la clinique  et l’urgentiste assumeraient, respectivement, 60% et 40% de responsabilité dans la survenue du dommage. Ils condamnaient la clinique et l’urgentiste à verser au patient, in solidum, une indemnité provisionnelle de 10 000 € dans l’attente d’une nouvelle expertise destinée à déterminer quelle était la part qui revenait, dans le dommage, à l’entorse initiale, à la phlébite et à la prise en charge médicale défectueuse.

0 Commentaire

Publier un commentaire