Erreur de diagnostic d'une fracture après chute d'un enfant âgé de 5 ans sur la main droite. La lésion a été interprétée à tort comme une fracture isolée du cubitus, méconnaissant la luxation, ce qui est un piège classique qui égare couramment les non spécialistes...
Ce matériel est réservé à un usage privé ou d'enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l'objet d'une transaction commerciale.
Les experts sont chirurgien orthopédiste pédiatrique et infectiologue.
Deux expertises ont eu lieu, en 2012 et en septembre 2013 et l’enfant doit être revu dans deux ans pour la quantification définitive des préjudices.
Les parties en cause lors du deuxième accedit sont le centre hospitalier, le chirurgien hospitalier (deux consultations étant intervenues en exercice libéral), auxquels se sont joints l’assureur du deuxième chirurgien décédé, le deuxième opérateur et son établissement mis en cause en cours de procédure.
Les conclusions sont sans ambiguïté et non discutées sur la responsabilité.
Cet enfant, sans antécédent particulier, a présenté une fracture dite de Monteggia, associant une fracture du tiers supérieur de l’ulna (cubitus) et luxation antérieure de la tête radiale.
L’interprétation des experts sur la radiographie initiale, est celle d’une fracture de Monteggia avec fracture incomplète en bois vert du cubitus angulé modérément de 15° à l’apex antérieur avec angulation antérieure de la tête radiale. A J12, contrôle identique. Le 21 juillet lors de la deuxième chute, fracture du cubitus très peu déplacée. En octobre, apparition du noyau d’ossification de la tête radiale qui est toujours luxée de manière identique en avant.
Un diagnostic erroné
« Cette lésion a été interprétée à tort comme une fracture isolée du cubitus, méconnaissant la luxation, ce qui est un piège classique qui égare couramment les non spécialistes. A aucune des consultations, de suivi (10 en tout), le diagnostic n’a été redressé qu’il s’agisse de celles initiales au service des urgences (3 en tout) et celles auprès du chirurgien orthopédiste (7 en tout). Lors de la dernière consultation celui-ci s’orientait vers un hématome calcifié.
Il s’agit d’une erreur médicale diagnostique.
Pour évaluer la « perte de chance », on peut rappeler schématiquement les seuils classiques d’indication selon le délai où le diagnostic a été fait ou redressé.
- En urgence et pendant les 3 à 4 premières semaines, tant que le foyer du cubitus n’est pas très solide, on peut proposer une réduction orthopédique simple de l’ulna qui, la plupart du temps, assure la réintégration de la tête radiale sans recourir à un geste direct sur celle-ci.
- Au-delà de ce délai, (de 1 à 3 mois après la fracture), un geste chirurgical s’impose de démontage du cal osseux cubital permettant la réduction de la fracture, son ostéosynthèse et, inconstamment, un geste de réduction au niveau de la tête radiale.
- Après, entre le quatrième mois et jusqu’à douze mois, l’indication chirurgicale est un peu plus délicate : il faut proposer une ostéotomie en flexion sur la partie proximale du cubitus (dite intervention de Bouyala). Cette intervention est volontiers complétée, si la réduction n’est pas obtenue en per opératoire, par un geste sur l’articulation huméro-radiale, l’important étant de s’assurer que la réduction de la luxation est complète. Il n’est pas nécessaire habituellement de fixer cette réduction par une broche. Les résultats de cette technique ne sont pas influencés par le délai de sa réalisation (entre 3 et 12 mois)…. ».
Un geste réalisé imparfaitement
A six mois de la fracture, le deuxième chirurgien a posé le bon diagnostic mais le geste a été réalisé imparfaitement. Dès la radiographie post opératoire, on observe que la tête radiale n’est pas réduite et que la situation est très proche de l’état pré opératoire. Ce défaut de correction aurait dû conduire à une ré intervention immédiate. Il semble que rien n’ait été indiqué à la famille quant à cet échec de réduction.
On peut discuter d’une faute, non pas dans le fait d’avoir échoué dans ce résultat mais dans le fait de ne pas avoir informé les parents ni proposé une reprise chirurgicale.
Une prise en charge devenue plus complexe
Ce praticien hérite d’une situation délicate, 18 mois après la fracture initiale et 12 mois après l’ostéotomie. Il prend un avis qui conseille la ré intervention malgré son caractère délicat, insistant sur la nécessité d’une ostéotomie en flexion importante. Le suivi immédiat objective une bonne réduction grâce à une ostéosynthèse correcte. Une infection secondaire se déclare un mois après, à l’origine de soins complexes; l’évolution médicale est encore incertaine. L’examen clinique rassurant ne doit pas faire méconnaitre le retard de consolidation.
Les experts qualifient de techniquement correcte cette intervention émaillée de complications infectieuses et mécaniques. Ils qualifient de nosocomiale, non fautive, l’infection qualifiée de profonde sous plâtre (et guérie en 15 jours) et celle localisée autour des broches (guérie en 10 jours), et rappellent que la nécessité d’une reprise du foyer opératoire est un facteur de risque important de ce type de complication.
L’évaluation des préjudices, incomplète faute de consolidation actuelle, est ventilée entre les différents responsables.
Le dossier est en cours sur le plan judicaire et des propositions chiffrées de transaction amiable discutées.
Chaque année, quelques déclarations de médecins généralistes et urgentistes parvenues à la MACSF sont motivées par le retard diagnostique d’une lésion de Monteggia (3 cas en 2012 par exemple).
D’après les auteurs, la lésion de Monteggia est une lésion mixte atteignant l’avant-bras et le coude, associant une fracture de l’ulna à un ou plusieurs niveaux et une luxation de la tête radiale. Ce type de fracture est rare chez l’enfant, le pic de fréquence étant de 5 à 7 ans.
Se souvenir de la règle d’or : “ toute fracture isolée de l’ulna doit faire rechercher une luxation associée de la tête radiale ".
Le retard diagnostique de ces lésions est fréquent, la luxation de la tête radiale passant souvent inaperçue.
Le diagnostic est radiologique : L’axe radial quelle que soit l’incidence, doit couper le centre du condyle latéral de l’humérus. En cas de luxation de la tête radiale cette ligne est rompue.
BIBLIOGRAPHIE