Décès à 22 ans d’un jeune homme adepte du nomadisme médical se plaignant de douleurs abdominales depuis plusieurs années. Quelle était la bonne posture à adopter ?
Le 4 octobre, décès dans un tableau de choc septique irréversible avec défaillance multiviscérale.
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Les experts, l’un professeur des universités, chef de service d’asthmologie, d’allergologie et de médecine interne et le second, gastro-entérologue libéral, confirmaient que « (…) Le décès était dû à un choc septique, conséquence d’un tableau infectieux à point de départ iléal, compliquant l’évolution d’une maladie de Crohn, très probable (…) »
Concernant la responsabilité des différents médecins ayant pris en charge le patient, les experts estimaient que : « (…)
- La responsabilité du CHU n’était pas engagée. En effet, le patient ne s’était pas présenté à la consultation prévue avec un praticien de l’établissement, 3 semaines après sa sortie.
- Les 5 médecins généralistes que le patient avait consultés, de novembre 2010 à juillet 2011, avaient été réactifs alors que le patient présentait un amaigrissement de plus en plus significatif. Ils avaient prescrit des bilans biologiques pour individualiser des signes biologiques inflammatoires qui auraient pu remettre en cause le diagnostic de troubles fonctionnels intestinaux, avancé par le patient. En avril 2011, l’un d’entre eux avait, même, demandé un avis gastro-entérologique qui ne sera effectivement pris qu’à la suite de la consultation du 27 juillet.
Ce retard à une prise en charge spécialisée, --comme le tabagisme actif du patient, facteur reconnu d’évolution défavorable dans la maladie de Crohn --, ont été à l’origine du développement progressif de la fibrose iléale sténosante. Celle-ci était responsable des douleurs abdominales et des troubles du transit rythmés par les repas, conduisant à la réduction des apports alimentaires et à l’amaigrissement.
- Le gastroentérologue en ne prescrivant pas d’autres examens (coloscopie, scanner abdominal, voire entéro-IRM) pour rechercher une sténose iléale fibreuse et en sous-estimant la gravité de la dénutrition, avait commis une erreur de diagnostic. Il n’avait pas envisagé une évolution défavorable sous corticothérapie et était parti en vacances sans laisser de consignes de surveillance, créant un défaut de continuité de soins
- Le dernier généraliste n’avait pas reconnu cette évolution défavorable. Il avait initialisé et majoré un traitement morphinique, sans chercher à comprendre les raisons de cette aggravation. L’association des morphinique à la corticothérapie avait vraisemblablement, masqué le développement de la maladie fistulisante, elle-même favorisée par la sténose iléale fibreuse.
- La relation chronologique entre la rapidité de l’aggravation du 22 septembre et la coloscopie permet de supposer que ce geste avait pu avoir une part de responsabilité, l’insufflation et/ou les manœuvres endoscopique ayant dû aggraver des lésions fistulisantes. Il aurait fallu la faire précéder d’un scanner abdominal, ce qui aurait conduit à ne pas réaliser cette coloscopie mais à envisager un traitement chirurgical
- Les médecins de l’hôpital ont été confrontés à une situation clinique dramatique où, d’emblée, le pronostic vital du patient était engagé. Ils l’ont pris en charge du mieux possible et l’issue fatale n’est, en aucune façon, la conséquence de leur action (…) »
Les experts concluaient en estimant que la perte de chance d’éviter le décès était pour 70 %, le fait des médecins, dans le partage de 70 % pour le gastro-entérologue (soit 49 % =70 %x 70 %) et de 30 % pour le dernier médecin généraliste (soit 21 %= 70 %x 30 %).
Les 30 % restants de la perte de chance d’éviter le décès étaient, de l’avis des experts, la conséquence de la désinvolture médicale du patient, telle qu’elle ressortait de l’observation.
La CRCI reprenait l’ensemble de l’argumentation développée par les experts.
Elle décidait que la réparation des préjudices incombait au gastro-entérologue pour une part de 50 % et au (dernier) médecin généraliste pour une part de 20 %.