Deux erreurs de diagnostic aux conséquences dramatiques. L’attention des deux praticiens s’était focalisée sur les douleurs abdominales et les vomissements. Or, il existait déjà à ce stade des symptomes de méningite... Qui est responsable ?
Saisine de la CRCI par les parents de la victime en juin 2007
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Expertise (novembre 2007)
Les experts, l’un, professeur des universités chef de service d’anesthésie-réanimation et le second professeur de médecine légale, estimaient que : « (…) Le décès de la patiente avait été favorisé par le retard de diagnostic et de traitement de la méningite par rapport aux premiers signes qui remontaient au soir du 17 janvier. En effet, la mortalité d’une infection méningococcique associant méningite et méningococcémie sans purpura fulminans, était habituellement inférieure à 10 %, avec un traitement adapté et précoce. Les premiers examens médicaux pratiqués par le généraliste à 17 h 45 et par l’urgentiste vers 18 h 00 avaient abouti au diagnostic erroné d’appendicite. L’attention des deux praticiens s’était focalisée sur les douleurs abdominales (vraisemblablement pariétales, en rapport avec des myalgies) et les vomissements. Or, il existait, cependant, déjà à ce stade, outre les signes infectieux, des céphalées, une asthénie intense et des accès de myalgies diffuses qui auraient pu attirer l’attention et permettre d’évoquer une autre hypothèse diagnostique. Lorsque la patiente était arrivée à la clinique, le tableau clinique était typique d’une méningite. La fièvre à 39 °C et l’apparition de convulsions plaidaient pour l’origine bactérienne du syndrome méningé. L’administration d’une antibiothérapie probabiliste aurait été justifiée avant même la ponction lombaire, mais il n’était pas certain, cependant, que l’évolution ultérieure aurait été différente. La suite de l’évolution en réanimation n’était pas étonnante compte-tenu des signes de gravité présents dès la réadmission aux urgences du centre hospitalier (…) »
Avis de la CRCI (février 2008)
Se fondant sur le rapport d’expertise, la CRCI retenait : « (…) Une insuffisance du généraliste et de l’urgentiste dans la démarche diagnostique, pour ne pas avoir évoqué (et vérifié) l’hypothèse de la méningite à un stade où les symptômes permettaient de l’envisager (…).
La CRCI estimait que la patiente avait perdu une chance estimée à 90 % d’éviter la mort et que la responsabilité du généraliste et de l’urgentiste se trouvait engagée respectivement dans 20 et 80 % du dommage réparable, fixé à 90 % de son étendue
Le 15 septembre 2008, l’assureur du médecin généraliste informait l’ONIAM qu’il contestait les termes de l’avis de la CRCI et qu’il n’entendait pas formuler d’offre d’indemnisation aux ayants droit de la patiente.
L’assureur soutenait qu’une erreur diagnostique est d’autant moins fautive que le diagnostic est difficile à établir, ce qui était le cas pour la méningite. Et surtout que le médecin généraliste avait pris la bonne décision en faisant hospitaliser la patiente car il n’avait pas les moyens d’aller plus loin dans la démarche diagnostique.
L’ONIAM se substituait à l’assureur pour indemniser les ayants droit de la patiente mais assignait l’assureur devant le Tribunal de grande instance
Tribunal de Grande Instance (février 2013)
Les magistrats rappelaient que : « (…) L’erreur de diagnostic ne constituait pas en soi automatiquement une faute de nature technique susceptible d’engager la responsabilité du médecin. Mais elle devenait fautive si elle était particulièrement grossière dans l’interprétation des symptômes ne pouvant être rattachés à la maladie diagnostiquée, ou si elle reposait sur un examen incomplet du malade, ou même si des examens étaient nécessaires avant de poser un diagnostic… L’erreur du médecin généraliste était liée à un examen parcellaire limité à l’abdomen alors qu’un examen neurologique et un examen de la nuque auraient permis de remettre en cause le diagnostic posé, et à une prise en compte parcellaire des doléances de la patiente qui se plaignait de nausées et de céphalées qui n’étaient pas caractéristiques d’une appendicite. Le médecin généraliste a orienté sa patiente vers l’hôpital avec un diagnostic d’appendicite, ce qui a conforté le médecin urgentiste dans sa propre erreur de diagnostic, médecin qui avait, lui aussi, commis une erreur de diagnostic fautive, plus grave car les signes étaient alors plus caractérisés et qu’il avait à sa disposition des moyens techniques que n’avait pas le médecin généraliste de ville. Comme l’avait fait remarquer l’ONIAM, en présence de céphalées et de fièvre, seule l’absence de raideur méningée permettait de justifier l’absence de réalisation d’une ponction lombaire permettant d’exclure ou de confirmer une méningite et pour cela, il fallait vérifier les signes méningés et, en particulier la raideur de la nuque, ce que le médecin généraliste n’avait pas fait, ni son confrère de l’hôpital (…) »
Les magistrats jugeaient que le médecin généraliste avait commis une faute médicale technique, consistant en une erreur fautive de diagnostic, aboutissant à un retard de diagnostic qui avait participé pour 20 % à la perte de chance de 90 % d’éviter le décès de la patiente
Condamnation à verser une indemnisation de 20 253 € à l’ONIAM