Généraliste mis en cause pour non-assistance à personne en danger

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Généraliste mis en cause pour non-assistance à personne en danger

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Après avoir découvert son épouse inconsciente, un homme se rend au cabinet médical voisin pour y chercher de l'aide. Le médecin généraliste présent refuse de se déplacer et renvoie son interlocuteur vers les pompiers. Une plainte pénale ainsi qu'une plaine ordinale seront de ce fait déposées contre lui.

  • Médecin
Auteur : Christian SICOT / MAJ : 17/01/2018

Cas clinique

Le 8 février 2011, M. A., inquiet de ne pas voir revenir son épouse qui devait conduire leurs petits-enfants à l'école puis repasser par le domicile de leur fille, décidait, en fin de matinée, d'aller à sa rencontre. A noter que depuis 15 ans, Mme A. était porteuse d'une prothèse valvulaire cardiaque ainsi que d'un stimulateur cardiaque. Arrivé à l'appartement où devait se rendre son épouse, il la découvre « inconsciente sur le canapé, respirant avec difficultés, de la salive s'écoulant de sa bouche ». Sachant qu'un cabinet médical se trouve à proximité du domicile de sa fille (environ 30 mètres), il s'y rend pour chercher secours. Pénétrant dans le bureau du médecin généraliste, il l'informe avoir trouvé son épouse dans un coma profond, au rez-de-chaussée de la maison voisine. Le médecin généraliste qui est en consultation lui aurait répondu que « ce n'était pas son affaire », qu'il fallait appeler les pompiers, et refermait sa porte. Le téléphone portable de M. A. étant en panne, c'est par l'intermédiaire d’un jeune homme rencontré dans la rue qu’il fait appeler les pompiers.

Ceux-ci, prévenus à 12h05, arrivent sur les lieux vers 12h14. Ils indiquent qu'à leur arrivée, « la dame était inconsciente, ne répondant pas aux stimuli ». Ils la placent sous oxygène et font appel au SAMU. Le médecin arrivé sur place indique dans son rapport que : « L'obnubilation de la patiente ayant nécessité l'intubation était probablement la résultante d'un bas-débit sur bradycardie jonctionnelle et/ou torsades de pointe. Deux épisodes de fibrillation ventriculaire avaient nécessité deux chocs électriques ».

Au décours, la patiente est transportée au centre hospitalier pour y être admise dans le service de réanimation. Au bout de 48 heures, elle est transférée dans le service de cardiologie de l'établissement qu'elle quitte le 15 mars, après la pose d'un nouveau stimulateur cardiaque. Apparemment, elle ne garde aucune séquelle de l'accident survenu le 8 février.

Le 8 février 2011, deux heures après les faits, le fils de la patiente téléphone au médecin généraliste pour l'informer qu'il vient de déposer au commissariat une plainte pénale pour non-assistance à personne en danger à son encontre.

Le 25 février 2011, le mari de la patiente adresse au Président du Conseil départemental de l'Ordre des Médecins une plainte ordinale contre le médecin généraliste, lui reprochant son refus de se déplacer le 8 février pour prendre en charge son épouse.

Analyse

Télécharger l'exercice (pdf - 28.46 Ko)

  1. Lisez en détail le cas clinique.
  2. Oubliez quelques instants cette observation et rapportez-vous au tableau des barrières, identifiez les barrières de Qualité et sécurité que vous croyez importantes pour gérer, au plus prudent, ce type de situation clinique. Le nombre de barrières n’est pas limité.
  3. Interrogez le cas clinique avec les barrières que vous avez identifiées en 2 ; ont-elles tenu ?
  4. Analysez les causes profondes avec la méthode ALARM.

Décisions

Entendu le 22 février 2011 au commissariat de police, le médecin généraliste reconnaissait que : « [...] Le 8 février 2011,

  • il se trouvait en consultation dans son cabinet avec un patient, lorsque le mari de Mme A. avait frappé à sa porte en lui expliquant qu'il avait du mal à réveiller sa fille, [...] n'ayant pas précisément compris ni de qui, ni de quoi il s'agissait en raison de l'accent italien de M. A.
  • Etant en pleine consultation, il conseillait d'appeler le SAMU en composant le 15.
  • A la fin de sa consultation, dans le quart d'heure qui suivait, il constatait que les pompiers étaient sur les lieux et que, dès lors, sa présence était inutile (...) »

La réunion de conciliation que le Conseil départemental de l'Ordre des Médecins avait organisée le 23 janvier 2012 ayant échoué, ce dernier transmettait, avec avis favorable, la plainte de M. A. à la Chambre Disciplinaire de Première Instance de la Région.

Le 8 février, la Chambre Disciplinaire de Première Instance de la Région rejetait la plainte de M. A., estimant que le médecin généraliste avait pu commettre une erreur d'appréciation qui n'était pas constitutive d'une faute déontologique.

Le 13 août 2012, dans son Réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel, le procureur de la République rappelait que : « [...] Le 21 mars 2012, lors de son interrogatoire de première comparution devant le magistrat instructeur, le médecin maintenait ses précédentes déclarations.

Il admettait qu'un homme s'était présenté en lui demandant d'intervenir pour sa fille qu'il « avait du mal à réveiller ». En conseillant à l'homme d’appeler le SAMU, il reconnaissait devant le magistrat instructeur qu'il avait bien conscience de l'urgence à intervenir et qu'il s'en était abstenu en raison de sa consultation avec un patient alors qu'il n'existait aucun risque pour lui lors de cette intervention. Le médecin ajoutait que s’il était intervenu, il aurait dû appeler le SAMU, n'étant pas en possession de matériel de réanimation. A l'issue, le magistrat instructeur le mettait en examen du chef du réquisitoire [...] »

Pour le procureur de la République, « [...] L'information a établi qu'au moment où M. A. s'est présenté au cabinet du médecin, il existait bien un péril imminent et constant pour son épouse dont le médecin a eu parfaitement conscience en lui demandant d'appeler le SAMU. Il ne pouvait donc se méprendre sur la gravité du péril auquel se trouvait exposée Mme A. Les éléments médicaux recueillis attestent de ce que l'état de santé de Mme A. nécessitaient une intervention immédiate. Le médecin, qui pouvait intervenir sans risque pour lui, s'est ainsi volontairement abstenu de le faire, peu importe pour la constitution de l'infraction que son intervention soit inefficace en l'absence de matériel de réanimation. [...] »

Le renvoi du médecin généraliste devant le tribunal correctionnel était requis.

Tribunal correctionnel (novembre 2013)

Le tribunal correctionnel déclarait le médecin généraliste coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamnait à 3 mois de prison avec sursis.
Il déclarait recevable la constitution de partie civile des époux A.

Tribunal correctionnel (intérêts civils) (septembre 2014)

Le tribunal correctionnel déboutait Mme A. de sa demande de préjudice moral.
Il condamnait le médecin généraliste à payer à M A. la somme de 500 € au titre de son préjudice moral.

Cour d'appel (janvier 2016)

La Cour d'appel confirmait le jugement du tribunal correctionnel de septembre 2014, à l'exception de la somme attribuée à M A. qui était portée à 3 000 €.

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