Mme G, veuve de 87 ans, présentant plusieurs pathologies chroniques, réside seule dans son petit pavillon dans un contexte de maintien à domicile. Elle bénéficie des services d’une aide-ménagère au quotidien, de soins de confort (nursing) et de soins divers par un cabinet d’infirmières libérales. La patiente chute lors d'un court instant sans surveillance.
La patiente présente plusieurs antécédents :
Ce mercredi, l’IDE libérale, en charge de Mme G, vient à son domicile pour l’aider à prendre sa douche. L’aide-ménagère, également présente, vient de terminer le nettoyage de la salle de bains et précise qu’elle est maintenant disponible. L’IDE, accompagnée d’une étudiante de 2° année, demande à la patiente de s’y diriger pour se préparer pour sa toilette en ôtant sa chemise de nuit et lui précise qu’elle arrive dans 1 minute, le temps pour elle de consulter son dossier.
Quelques secondes s’écoulent et la soignante et l’étudiante entendent un grand bruit, suivi immédiatement d’un cri et de plaintes de la patiente. Elles se précipitent vers la salle de bains et retrouvent la malade à terre, en pleurs…
Cette dernière se plaint de son bras gauche, et les 2 professionnels de santé ont toutes les difficultés à relever la patiente pour l’installer en position assise. Il est alors impossible de mobiliser le membre supérieur gauche, car Mme G se plaint d’une douleur très importante cotée à 6/10 sans mobilisation, et à 9/10 si on essaie de le mobiliser.
L’IDE décide alors d’appeler les pompiers pour organiser un transfert vers les Urgences du Centre Hospitalier de secteur, afin de faire le bilan lésionnel de cette chute. Elle prévient également la fille de la patiente et le médecin traitant.
Le bilan radiologique mettra en évidence une fracture déplacée du col chirurgical de l’humérus gauche avec dissociation complète tête-diaphyse.
Mme G sera hospitalisée en service de chirurgie orthopédique et traumatologique pour bénéficier d’une intervention chirurgicale planifiée le lendemain. Elle sera réalisée sous anesthésie loco-régionale, avec réduction à ciel ouvert par un abord antérieur delto pectoral. Cette réduction s’avèrera difficile du fait d’une comminution métaphysaire, avec une ostéosynthèse de bonne qualité néanmoins.
Après son séjour dans ce service de court séjour, la patiente sera transférée en centre de rééducation pour bénéficier de soins lui permettant de retrouver une mobilité partielle du bras, comparée à son état antérieur.
Cette chute a eu plusieurs conséquences :
Le cabinet d’Infirmières Libérales compte 5 IDE associées.
L’une d’entre elles a développé des compétences en Gestion de Risques.
Elles sont d’accord pour réaliser une analyse de cet accident, car elles sont conscientes que ce risque est constant pour leurs patients.
Elles espèrent, à travers ce retour d’expérience, capitaliser des actions de prévention pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.
La méthode ALARM, connue par la collègue en charge de cette analyse et recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Chute de la patiente dans sa salle de bains sur sol mouillé.
- Atténuation : prise en charge de la patiente après sa chute.
- Prévention : pas de prise de conscience du risque de glissade, puis de chute par l’aide-ménagère, par l’IDE, par l’étudiante infirmière.
- Prévention : les antécédents de chute de la patiente n’étaient pas connus de l’IDE de jour.
- Prévention : pas ou peu de partage d’informations sur la malade entre les différents professionnels de manière générale : IDE – médecin traitant.
- Prévention : pas d’évaluation pour détecter les facteurs de risque pour prévenir d’autres chutes.
- Prévention : pas de démarche de gestion de risques opérationnelle pour le groupe de professionnels.
La thématique des chutes de malades reste malheureusement une des constantes de la personne âgée, puisque l’on estime qu’un tiers des personnes de plus de 65 ans et vivant à domicile chutent à domicile. Et cette proportion augmente avec l’âge. Ces chutes peuvent avoir de lourdes conséquences tant physiques que psychologiques.
Les actions de prévention ont fait la preuve de leur efficacité et il convient, chaque fois que cela est possible, de définir des stratégies de réduction de ces risques.
Sur la détection des personnes potentiellement à risques : le groupe de professionnels décide d’apporter une attention toute particulière à la détection des sujets à risques.
Pour ce faire, il convient :
Sur le partage d’informations : le concept de dossier papier ne semble plus correspondre aux enjeux actuels. Dans tous les cas, le partage d’informations semble difficile. La piste du Dossier Patient Informatisé (DPI) consultable à distance, et pouvant être renseigné sans être auprès du patient sera exploré. L’objectif est de permettre aux IDE du cabinet de consulter le dossier en amont du soin par exemple, et de permettre au médecin traitant de transmettre des données médicales nécessaires à une prise en charge efficiente.
Sur l’évaluation des risques liés au patient : plusieurs facteurs peuvent influer sur le risque de chutes. Il conviendra de les prendre en compte et de les rechercher, car l’évolution de l’état de santé du malade peut augmenter encore ce risque. On peut citer par exemple :
Sur l’évaluation des risques liés à l’environnement :
Le contexte de soins à domicile présente parfois des risques différents d’un établissement de santé. Il convient d’évaluer chaque situation au cas par cas. Cette évaluation doit permettre de prendre toutes les précautions nécessaires pour prévenir tout accident.
Il convient de préciser qu’une chute est souvent un Évènement Indésirable évitable, ce qui est le cas dans le contexte ci-dessus.
1. Prévention des chutes – INPES – Repères pour votre pratique
http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/886.pdf
2. ARS Ile de France – Livret d’accompagnement : prévention des chutes chez la personne âgée à domicile
https://www.iledefrance.ars.sante.fr/system/files/2018-08/Mooc11_Exercices_dom_CHIC_17.pdf
Bonjour, votre dossier, certes bien construit, n'analyse pas correctement la situation gériatrique.
En effet, la déclinaison des problèmes présentés par la patiente n'est pas conforme aux bonnes pratiques gériatriques.
Il est préférable de séparer et identifier les problèmes de manière plus systématique:
- les antécédents: ce qui s'est passé, ce qui est terminé
- les comorbidités: ce qui évolue, ce qui est présent
- les fragilités: ce qui ressort de l'évaluation IDE
Ainsi,
une cataracte sénile, opérée est un antécédent, non opérée une comorbidité
une arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire, est une comorbidité
et pose d’un pace maker, est un antécédent
une hypertension artérielle traitée et équilibrée, est une comorbidité
une insuffisance respiratoire chronique type BPCO avec 2 litres d’oxygène à la lunette 8 heures par jour, est une comorbidité
une hypothyroïdie traitée, est une comorbidité
une dyslipidémie, est une comorbidité
une obésité modérée avec un Indice de Masse Corporelle (IMC) à 31, est à la fois, une comorbidité et une fragilité (trouble nutritionnel)
elle a bénéficié de la pose de prothèses de genou à droite et à gauche, ce sont des antécédents.
Par ailleurs, ce qui est cité comme "risques liés au patient", relève de la fragilité:
la prise de certains médicaments, (polymédication: fragilité)
la diminution récente et/ou transitoire de la mobilité, (diminution de mobilité: fragilité)
l’apparition brutale de perte d’équilibre, (non pas fragilité mais comorbidité)
la verbalisation du malade de sa peur de chuter, (fragilité)
la perte de poids avec perte d’appétit associés à une diminution des apports hydriques. ( trouble nutritionnel: fragilité).
On peut également souligner la mauvaise qualité prédictive de l'IMC en gériatrie avec une marge d'erreur de plus de 35%...
Enfin, la patiente n'a pas été atteinte de perte d'autonomie (autonomie: capacité à faire des choix) mais d'une situation de dépendance (nécessité de tiers pour l'aide aux actes de la vie quotidienne).
EB