La pédagogie de l’erreur doit être plus développée au sein des établissements de santé afin de partager les retours d’expérience, pour gagner en connaissances et donc en compétences…
Un partage organisé permettrait de diminuer la reproductibilité de certains types d’erreurs et de faire progresser collectivement la culture de sécurité…
Une parturiente de 33 ans présente depuis quelques heures des contractions toutes les 10 à 15 minutes. Elle appelle la sage-femme de garde en salle de naissances, qui lui conseille de temporiser sa venue à la maternité, de prendre un bain bien chaud, et de prendre du Spasfon®. Si les contractions venaient à se rapprocher, il lui était alors conseillé de venir pour faire un point sur la situation.
Les contractions se rapprochant toutes les 5 minutes, la patiente se présente à la maternité pour accoucher de son 2e enfant. Une sage-femme la prend en charge, l’examine et objective un début de travail avec une dilatation du col effacé, à 3 cm. Une voie veineuse est posée, ainsi qu’une péridurale à visée analgésique. Le travail évolue normalement… Elle accouche par voie basse à l’aide d’une extraction instrumentale type ventouse. Le bébé, une petite fille de 3 350 g, se porte bien avec un score d’APGAR à 10 à la 1re mn.
Le protocole veut qu’une poche de recueil des saignements soit systématiquement posée afin de quantifier avec précision les pertes sanguines et ainsi réagir plus rapidement en cas de saignements anormaux. Ce qui sera le cas…
La patiente bénéficie d’une délivrance artificielle et d’une révision utérine pour saignements persistants. La poche de recueil quantifie 600 ml de perte sanguine.
Le gynécologue-obstétricien demande alors la pose d’une 2e voie veineuse et un prélèvement sanguin de façon concomitante.
Les résultats du bilan sanguin sont : Hb = 9,2 g/dl, Plaquettes : 150 000/mm3, bilan d’hémostase normal.
La mise en route d’un traitement par Nalador® est demandée lorsque la poche de recueil indique 900 ml de perte sanguine. La situation se stabilise, les saignements deviennent physiologiques. La situation semble stabilisée.
Un 2e bilan sanguin est alors demandé (NFS, hémostase) pour contrôler l’importance de cette hémorragie du post-partum (HPP).
Les résultats reviennent perturbés, avec une hémoglobine à 5,1g/dl, Plaquettes : 80 000/mm3 et l’hémostase effondrée (fibrinogène à 0,8 g/L). Paradoxalement, les constantes paracliniques ne relèvent pas de données pathologiques : FC à 84 ppm, PA à 105/65 mm de Hg…
Au vu de ces résultats biologiques, le gynécologue obstétricien recherche un saignement actif en intra péritonéal puisque l’on constate l’arrêt des saignements par voie naturelle (échographie abdominale).
Parallèlement, le médecin anesthésiste-réanimateur (MAR) commande des produits sanguins labiles (3 concentrés de globules rouges (CGR) et 3 plasmas frais congelés (PFC)).
L’absence de saignements actifs internes questionne le gynécologue-obstétricien et le MAR.
L’examen du bras de la parturiente relève alors un petit pansement au pli du coude. L’infirmière qui a réalisé le 2e prélèvement sanguin est alors interrogée et on constate que le site de prélèvement sanguin est au-dessus de la perfusion. Cet élément permet d’expliquer les résultats perturbés, en décalage avec le tableau clinique.
Un HemoCue de contrôle et un 3e bilan sanguin sont réalisés. Le taux d’hémoglobine trouvé par la méthode capillaire donne une hémoglobine à 8,2 g/dl.
C’est alors que les 3 CGR arrivent en secteur naissance. Ils sont renvoyés immédiatement vers le dépôt de sang. Le MAR rappelle la technicienne du laboratoire pour arrêter la décongélation des PFC. Mais trop tard, la phase de décongélation ayant débutée… Les CGR ont pu être repris par le dépôt de sang de la structure, puisque la chaîne du froid n’a pas été rompue (enregistreur de température du container de transport à l’appui).
Les résultats du 3e prélèvement sont alors communiqués, confirmant les résultats de l’HemoCue et un bilan d’hémostase subnormal.
La patiente monte en suite de couches à la fin de la 2e ampoule de Nalador®, après le relais par Syntocinon® réalisé.
Le gynécologue-obstétricien et le MAR décident de déclarer ce dysfonctionnement.
Cette erreur technique, classée comme Evénement Porteur de Risques (EPR), au vu des impacts potentiels, aura eu comme conséquences :
Devant les dysfonctionnements en chaîne, et les impacts organisationnels et financiers non négligeables, le Comité des vigilances et risques (COVIRIS) de la structure de soins sollicite une analyse approfondie du contexte ayant permis cette erreur, avec une approche "facteurs humains".
L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre le mécanisme de cet événement, de le partager pour éviter de renouveler ce type d’incident dans l’avenir.
Une analyse a posteriori est donc réalisée.
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes conduisant à cette erreur seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de cette patiente : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.
C’est la recherche d’une explication sur l’absence de corrélation entre l’examen clinique et paraclinique de la patiente et les résultats biologiques du 2e bilan qui a permis de comprendre la genèse de l’incident.
Partant de cette analyse, il est important de mettre en évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes.
La pédagogie de l’erreur reste une partie importante de l’appropriation des savoirs.
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