Reach G. la non observance thérapeutique : une question complexe, Médecine Novembre 2006, 2, 9 : 411-15
On définit la non-observance thérapeutique comme l'absence d'adéquation entre les comportements des patients et les prescriptions médicales. Trépied de conséquences : sur- morbidité, surmortalité et surcoût économique. On a avancé aux États-Unis le chiffre de 100 milliards de dollars par an.
La non-observance représente souvent « un ensemble ». Ainsi, les fumeurs sont souvent moins assidus aux rendez- vous de consultation, acceptent plus difficilement un traitement complexe, et, dans le cas du diabète, réalisent moins régulièrement l’auto surveillance glycémique. Il peut y avoir des raisons générales: état de précarité sociale ou de dépression qui réduit l’espoir dans l’avenir. Cette notion doit alerter le praticien que ce patient est à risque de non-observance.
La non observance fréquente dans les maladies chroniques est liée à la nature à long terme des récompenses promises par l’observance, souvent formulées sous la forme : ne pas avoir de complications. Il s’agit d’une récompense abstraite, exprimée de manière négative, et qui, en fait n’est jamais reçue! La force du désir, véritable moteur de nos actions, dépend puissamment de la proximité de la récompense (théorie du choix inter temporel proposée il y a plus de 20 ans par le psychiatre américain George Ainslie)
Quelle responsabilité du médecin ? Le médecin est pris entre deux contraintes, faire le bien à son patient par la meilleure médecine (EBM) et respecter le désir d’autonomie du patient– qui est inscrit dans la loi de mars 2002. Que faire quand ces deux principes, de « bienfaisance » d’un côté, et de « respect de l’autonomie du patient » de l’autre, apparaissent contradictoires ?. Le phénomène de non-observance pourrait en fait représenter le révélateur du conflit entre ces deux tendances. D’un côté, l’avènement de la prise en compte de l’autonomie du patient : dans ce cadre, se situe le développement de l’éducation thérapeutique et de la participation du patient aux décisions médicales ; on va jusqu’à parler d’« empowerment », où le patient et le médecin discutent d’égal à égal, le médecin étant surtout là pour aider le patient à faire ses choix de la manière la plus informée possible, et ensuite l’aider à accomplir les stratégies thérapeutiques qu’il aura choisies. Mais aussi, de l’autre côté, le développement d’une médecine de plus en plus efficace, de plus en plus préventive, qui propose des contraintes thérapeutiques à des gens qui sont de moins en moins malades, voire qui ne le sont pas puisqu’ils en sont (encore) au stade de risque ; et dans cet ordre d’idée, on accumule l’evidence-based medicine prouvant que ces méthodes sont statistiquement efficaces, comme si la médecine cherchait à fournir les arguments à donner aux patients hésitants. Il apparaît ici que la problématique de l’observance est indissociable de celle de la relation thérapeutique et de ses différents modèles : faut-il adopter un modèle paternaliste (je choisis pour lui), informatif (je lui donne les faits, à lui de choisir), interprétatif (non seulement je lui donne les faits, mais de plus je l’aide à décrypter ses préférences) ou délibératif (je lui donne les faits, je l’aide à décrypter ses préférences, mais aussi, je lui dis ce que moi je préfère, afin qu’il puisse, éventuellement, après avoir délibéré, se ranger à mes arguments)? L’art médical ne consiste-t-il pas à savoir choisir entre ces différents modèles, en fonction du patient et du moment, le choix du modèle de relation thérapeutique pouvant évoluer chez un patient donné ?
Un article simple, en Français, qui donne de bonnes pistes de réflexion sur le sujet.