Cutler, D. M., & Summers, L. H. (2020). The COVID-19 pandemic and the $16 trillion virus. JAMA. 2020;324(15):1495-1496. doi:10.1001/jama.2020.19759
La pandémie COVID-19 est la plus grande menace pour la prospérité et le bien-être du monde, et particulièrement pour les États-Unis depuis la Grande Dépression. Ce constat s’applique autant à la mortalité, la morbidité, les problèmes de santé mentale et les pertes économiques directes dans l'hypothèse optimiste ou tout se terminerait à l'automne 2021. Ces coûts dépassent de loin ceux associés aux récessions et la guerre en Irak, et sont similaires à ceux habituellement accordés au changement climatique mondial.
Depuis mars, 60 millions de demandes d’indemnisation d’assurance chômage ont été déposées aux USA (à comparer au plus grand nombre jamais observé avant la Covid qui avait à peine atteint 695000 au cours de la semaine du 2 octobre 1982).
Les récessions se nourrissent d'elles-mêmes. Les travailleurs qui ne travaillent plus ont moins à dépenser et, par conséquent, les revenus des entreprises diminuent. Le gouvernement fédéral a compensé une grande partie de la perte initiale due à la fermeture, ce qui a évité certainement une nouvelle grande dépression.
Mais le virus est toujours actif, et une récupération complète n'est pas attendue avant longtemps. Le Congressional Budget Office prévoit un total de 7,6 milliards de dollars de pertes de production au cours de la prochaine décennie.
Cette baisse de production n'est pas le seul coût économique à considérer; la mort et la qualité de vie réduite peuvent également être mesurées en termes économiques. À ce jour, environ 200 000 décès ont été directement attribuables au COVID-19; beaucoup d'autres se produiront sans aucun doute. Les États-Unis comptent en moyenne 5000 décès par semaine avec un taux de reproduction voisin de 1. Si ces taux se poursuivent, on peut s'attendre à 250 000 décès de plus en 2021. Les facteurs saisonniers pourraient même augmenter la mortalité. Mais en plus des décès COVID, il faut aussi comptabiliser l’augmentation des décès non-covid par retard ou défauts de soins, qui pourrait atteindre 40 % du nombre global de décès COVID. Ainsi, si les trajectoires actuelles se poursuivent, on estime que 625 000 décès cumulatifs associés à la pandémie pourraient survenir en 2021 aux États-Unis.
S'il est impossible de valoriser une vie humaine donnée, les économistes ont développé la technique de la valorisation des « vies statistiques »; dans le domaine de l'environnement et de la santé par exemple, une vie statistique vaut 10 millions de dollars. Avec une valeur plus prudente de 7 millions de dollars par vie, le coût économique des décès prématurés attendus au cours de l'année prochaine serait estimé à 4,4 milliards de dollars.
Certaines personnes qui survivent au COVID sont susceptibles d'avoir des complications à long terme importantes, y compris des troubles respiratoires, cardiaques et de santé mentale, et peuvent présenter un risque accru de décès prématuré. Les données des survivants au COVID-19 suggèrent qu'une déficience à long terme survient pour environ un tiers des patient atteints d'une forme grave ou critique. Parce qu'il y a environ 7 fois plus de survivants de la maladie COVID-19 grave ou critique que de décès, la déficience à long terme pourrait affecter plus de deux fois plus de personnes que le nombre de personnes décédées.
En supposant une réduction totale de l'espérance de vie ajustée en fonction de la qualité, y compris la durée et la qualité de vie de 35 % et la prise en compte de la valeur présumée d'une année de vie donne une perte estimée pour les complications à long terme de 2,6 milliards de dollars de plus pour les cas prévus à l’année prochaine.
Enfin, même les personnes qui ne développent pas la COVID-19 sont affectées par le virus. La perte de la vie d'amis et d'êtres chers, la peur de contracter le virus, l'inquiétude pour la sécurité économique et les effets de l'isolement et de la solitude ont eu des conséquences néfastes sur la santé mentale de la population. La proportion d'adultes américains qui signalent des symptômes de dépression ou d'anxiété a atteint 40 % depuis avril 2020; le chiffre comparable au début de 2019 était de 11,0 %. Ces données se traduisent par environ 80 millions de personnes supplémentaires souffrant de problèmes de santé mentale liés au COVID-19.
Si, conformément aux estimations en vigueur, le coût de ces affections est évalué à environ 20000 dollars par personne et par an et que les symptômes de santé mentale ne durent qu'un an, l'évaluation de ces pertes pourrait atteindre environ 1,6 milliards de dollars.
Au total, les coûts financiers cumulatifs estimés de la pandémie de COVID-19 liés à la perte de production et à la réduction de la santé s’élèvent à près de 16 milliards de dollars, soit environ 90 % du produit intérieur brut annuel des États-Unis. Pour une famille de 4 personnes, la perte estimée serait de près de 200 000 $, dont la moitié environ correspond à la perte de revenu due à la récession induite par la COVID-19 ; le reste concerne les effets économiques d'une vie plus courte et moins saine.
De telles pertes sont vraiment historiques. La perte de production pendant la Grande Récession n'était que d'un quart de celle-ci. La perte économique représente plus du double de la dépense monétaire totale pour toutes les guerres que les États-Unis ont menées depuis le 11 septembre 2001, y compris celles en Afghanistan, en Irak et en Syrie.
Selon une autre mesure, ce coût correspond approximativement à l'estimation des dommages (tels qu’une baisse de la productivité agricole et des événements météorologiques plus fréquents) de 50 ans de changement climatique.
Un remarquable article sur le fond des coûts d’une pandémie. A lire+++++