L’extraordinaire chamboulement que nous vivons actuellement en raison de la pandémie due au nouveau coronavirus fournit une occasion privilégiée de réfléchir tant à la notion de maladie émergente qu’à celle de zoonose.
La maladie covid-19, maladie due à un agent viral nouveau, virus appartenant à la famille des coronavirus, pour le moment identifié sous le nom de SARS-CoV-2, est assurément une maladie nouvelle. C’est une maladie émergente, au même titre que le SRAS en 2003, dû à un beta-coronavirus proche.
Pour l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), une maladie émergente est en effet "une infection nouvelle, causée par l’évolution ou la modification d’un agent pathogène ou d’un parasite existant, qui se traduit par un changement d’hôtes, de vecteurs, de pathogénicité ou de souche." Il peut s’agir également d’une maladie infectieuse non encore signalée.
Les zoonoses sont des maladies ou infections qui se transmettent des animaux vertébrés à l'homme, et vice-versa. Les agents pathogènes en cause peuvent être des bactéries, des virus, des parasites (protozoaires, cestodes, trématodes, nématodes), des champignons microscopiques ou des agents non conventionnels comme le prion. La transmission de ces maladies se fait soit directement, lors d'un contact entre un animal et un être humain, soit indirectement par voie alimentaire ou par l’intermédiaire d'un vecteur (insecte, arachnides…).
Les maladies communes à l’homme et à certaines espèces animales, sans transmission entre les espèces, ne rentrent pas à proprement parler dans le champ des zoonoses. C’est par exemple le cas du tétanos.
La covid-19, maladie infectieuse très contagieuse, se manifeste principalement, dans sa forme grave, par une pneumonie. Le réservoir de virus est très probablement animal. Même si le SARS-CoV-2 est très proche d’un virus détecté chez une chauve-souris, réservoir et porteur sain de très nombreux virus, l’animal à l’origine de la transmission à l’homme n'a pas encore été identifié avec certitude.
Plusieurs publications suggèrent que le pangolin, petit mammifère consommé dans le sud de la Chine, pourrait être impliqué comme hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme. A ce jour, la preuve formelle n’en est pas rapportée mais la présomption est telle qu’on peut affirmer sans prendre de grands risques que la pandémie est une zoonose, l’adaptation d’un virus hébergé par un réservoir animal s’étant faite à l’homme en Asie à l’occasion de rapprochement des espèces. Aujourd’hui, la transmission est exclusivement interhumaine, la contagion ayant lieu par voie respiratoire.
Les maladies transmissibles des animaux à l’homme sont extrêmement nombreuses et importantes à considérer. D'après l'Organisation mondiale de la santé animale :
En dehors de l’actuelle pandémie à coronavirus, les zoonoses affecteraient chaque année dans le monde 2,4 milliards d’humains et en feraient mourir 2,2 millions.
Certaines zoonoses, comme les salmonelloses, les leptospiroses, la rage, sont fréquentes et répandues dans la plupart des pays. D’autres, comme les arboviroses, la morve, la peste, sont plus rares, ou plus localisées géographiquement.
La gravité médicale des zoonoses est extrêmement variable :
Leur impact économique est très important pour l'élevage (tuberculose, brucellose) et pour les budgets de santé publique (influenza aviaire hautement pathogène H5N1, aujourd’hui covid-19), d'autant que leur nombre, très élevé, ne cesse de croître.
Les plus fréquentes ou les plus graves sont qualifiées de zoonoses majeures, celles qui sont à la fois rares et bénignes, de zoonoses mineures. Certaines comme la maladie de Lyme sont l’objet de controverses médiatisées. L’actualité médiatique met en avant à tel moment les listérioses, les salmonelloses, à tel autre moment les colibacilloses (à E. coli entéro-hémorragiques par exemple). La maladie de Creutzfeldt-Jakob atypique avait défrayé la chronique et créé des peurs amplifiées lors de la crise dite de la vache folle.
La résistance des bactéries aux antibiotiques peut à certains égards être également considérée comme une zoonose et traitée comme telle.
Quand on veut attirer l’attention du public sur les règles d’hygiène à adopter avec les animaux de compagnie, on pointe du doigt la maladie des griffes du chat (lymphoréticulose bénigne d’inoculation, d’origine bactérienne), la toxoplasmose ou, s’agissant du chien, on évoque plus facilement les leptospiroses, la rage…
Elle passe évidemment, en amont de l’homme, pour les maladies dont la transmission se fait essentiellement des animaux à l’homme, par des actions de la médecine vétérinaire lorsque la maladie est en situation de s’exprimer chez les animaux domestiques, qu’il s’agisse de traitement ou de prévention.
Dans ces domaines, la médecine vétérinaire se veut avant tout préventive. Et eElle privilégie toujours la santé publique. La population animale concernée, dès lors qu’elle est considérée comme réservoir, est contrôlée (tests de diagnostic) ; les animaux malades sont isolés, mis en quarantaine. Des lots d’animaux, des élevages entiers peuvent dans certains cas être volontairement détruits (fièvre aphteuse). Des vides sanitaires sont institués, accompagnés de désinsectisations, désinfections…
Les plans de maîtrise, dans une approche populationnelle, ont une faveur pour les méthodes instituant des barrières sanitaires et celles qui font appel à l’hygiène renforcée et aussi à l’éducation des propriétaires d’animaux à de bons comportements dans leur relation et leur interaction avec les animaux, notamment avec ceux au statut sanitaire incertain ou bien malades. Des procédures de travail sont élaborées, visant à garantir la protection des personnes en contact direct ou indirect avec les animaux.
La maîtrise de ces maladies peut faire appel aussi à la prévention médicale par la vaccination, notamment la vaccination obligatoire.
En plus de ces différentes mesures, et notamment quand les espèces en cause, comme ici dans le cas de la covid-19, ne sont pas des espèces domestiques, la prévention passe par une information des personnes et par la formation quant à la façon de se protéger (hygiène, protection collective et individuelle). Elle doit sans doute passer aussi par une réglementation coercitive.
Dans le cas de la Covid-19, comme antérieurement dans le cas du SRAS ou dans celui du MERS, il faut espérer que les leçons de l’origine soient clairement tirées et que, dans le pays d’origine, non seulement certains marchés soient définitivement interdits mais que les comportements humains dans leur relation aux animaux (mode de vie, alimentation) soient radicalement modifiés. Comme le martèle depuis des années avec insistance l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), cela passe par la mise en place et l’action effective et efficace de services vétérinaires puissants dans tous les pays du monde.