La sécurité d’une activité humaine se regarde par rapport aux accidents. Ainsi les modèles d’accidents ont historiquement guidé le type d’analyse réalisée, et donc les actions qui en découlent pour améliorer la sécurité.
Dans les cas "simples", modèle d’accident en "domino", l’accident est le résultat d’une panne ou d’une action mal maîtrisée que l’on ne peut pas rattraper.
Une panne sur un avion à l’époque de Saint Exupéry (faible fiabilité technique) entraînait souvent un accident.
En matière d’orthodontie, l’utilisation de fils d’acier entraînait plus de résorptions radiculaires.
En ce qui concerne les soins dentaires, l’oubli d’une prescription médicamenteuse prophylactique peut entraîner de même des conséquences très graves.
Dans l'analyse on cherche les causes et les liens de cause à effet afin de prendre une action qui permet de supprimer l’origine de la défaillance et donc d’éliminer une famille d’accidents.
Dans les cas plus complexes, modèle d’accident "en barrières", l’accident est le résultat de la défaillance de plusieurs barrières de protection empêchant la propagation d’erreurs ou de défaillances.
Un accident d’avion peut être la combinaison d’un incident technique mal géré par les pilotes dans une situation météorologique défavorable.
La pose d’un implant peut être sécurisée par un guide chirurgical, et une radio post-opératoire peut permettre de détecter un problème.
Dans l'analyse on cherche à prévenir les erreurs (non plus les supprimer) et à récupérer leurs éventuelles conséquences.
Le modèle d’accident systémique
Enfin lorsque l’ensemble du système de santé est pris en compte, modèle d’accident systémique, l’accident est la résultante émergente d’une perte de maîtrise, d’interactions et de boucles de rétroactions dans le temps, entre des acteurs parfois très éloignés.
Les accidents des Boeing 737MAX semblent résulter des défaillances de contrôle par l’autorité américaine sur le constructeur dans le cadre d’une compétition intense entre Airbus et Boeing, avec une panne non prévue et non maîtrisable par un équipage non formé.
Le reste charge zéro" décidé au niveau des politiques de santé pourrait amener à changer les habitudes du fait des modifications de prise en charge des actes, de demandes des patients évolutives, que l’on pourrait illustrer par un retour aux couronnes métalliques en alliages non précieux qui étaient de plus en plus délaissées.
Chaque modèle a ses avantages et ses inconvénients : trop simple ou trop complexe, statique ou dynamique, …
Cependant, comme ils orientent l’analyse – choix des causes, focalisation sur le praticien ou le système de santé – il convient de bien adapter son choix au contexte.
En fonction du type d'évènement (simple ou complexe) et de l’individu ou de l’organisme qui effectuera l’étude de l’évènement (professionnel de la prévention ou non), le choix du type d’analyse ne sera pas le même.
*Stéphane Deharvengt dirige l’équipe en charge du Système de Management de la DSNA (Contrôle aérien français) dans ses composantes Sécurité, Qualité et Sûreté (physique et cybersécurité). Il est également représentant français dans différents groupes internationaux. Ingénieur aviation civile de formation, il est titulaire d’un doctorat en ergonomie et auditeur IHEDN – INHESJ pour la cybersécurité.
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