Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical, réalisée par le Professeur Amalberti.
Revue de questions sur l’effet que peut avoir une mauvaise ambiance dans un service sur la qualité et l’efficacité des soins, avec notamment des comportements inacceptables entre professionnels (harcèlements, comportements individuels outranciers, discriminations de tous ordres).
La revue porte sur les articles publiés entre 1990 et 2021. La recherche documentaire a porté sur 2 559 articles dont 36 ont été finalement retenus comme pertinents au sujet et suffisamment solides méthodologiquement : 22 de ces articles étaient eux-mêmes des revues de littérature, 4 des études qualitatives, 7 des recherches utilisant plusieurs méthodologies, et 4 reposaient sur des simulations avec protocole randomisé.
Même avec le tri réalisé, la plupart des revues de questions retenues sont de qualité méthodologique médiocre ; toutes pointent un lien entre ces comportements inacceptables et la dégradation de la qualité des soins et du pronostic du patient.
L’amplitude de cet effet est bien plus modeste dans les études ayant des qualités méthodologiques supérieures. Et deux études randomisées montrent même une absence de différence objective sur la qualité des soins entre des conditions avec comportements inacceptables dans l’équipe de soin et des conditions normales.
Le lien est donc réel, mais la caractérisation précise de son intensité mérite sans doute des études mieux conduites.
Étude conduite par entretiens téléphoniques ou en face-à-face avec 25 prescripteurs de médecine générale et des pharmaciens d’officine du nord-est de l’Angleterre sur les causes des absences de signalement des erreurs de prescription.
Plusieurs barrières et conditions favorisantes de signalements ressortent de ces entretiens.
Trois facteurs clés sont cités :
Globalement, le système de déclaration des événements indésirables en soins primaires en Angleterre est jugé par ces auteurs comme peu adapté au besoin et peu performant.
Mon avis : on pensait que la France était en retard sur le système de déclaration anglais, elle se situe en fait sans doute au même niveau… d’insuffisance.
Le généraliste est presque toujours le premier professionnel de santé dans la découverte d'un cancer. Évidemment, les symptômes sont souvent mineurs et non spécifiques au tout début, et questionnent toujours la stratégie médicale sur la demande à bon escient de bilans et avis.
Cette revue de littérature, étendue de 1990 à 2021, s’intéresse aux facteurs déclenchant ces demandes d’avis et de bilans.
29 études sont incluses, la plupart européennes. 11 facteurs sont identifiés.
Sans surprise, l’intensité et la nature des symptômes est un déclencheur. Les intuitions des médecins sont également très importantes, basées sur une perception plus générale du patient et du contexte. Les médecins généralistes féminins sont plus sensibles à ces intuitions ; par contre, il n’y a aucun effet d'âge chez les prescripteurs.
On sait bien faire des indicateurs précis de la qualité des soins, qui vont mesurer le pourcentage sur le terrain de suivi de bonnes pratiques (lavage de main ou autre. Il est toujours plus difficile de construire des indicateurs plus globaux, par exemple sur la qualité de tout un service, d’une maternité par exemple, car on adresse forcément un agrégat de plusieurs indicateurs qu’il faut choisir, pondérer entre eux et assembler dans un tout cohérent.
L’étude propose une analyse de littérature en anglais et allemand sur ce sujet. 366 articles ont été retenus en première lecture, 62 en choix final. 85 % (62) adressaient au moins un composant de la validité de l’indicateur (contenu visé, pertinence, coût de recueil, …) et 15 % adressaient plusieurs, sinon tous les critères d’une validation complète.
La revue révèle quatre points déterminants dans la construction d’un tel indicateur de qualité globale : le coût de recueil et la priorisation sur certaines composantes et indicateurs partiels sont tous deux mentionnés dans 21 % des articles, l’évitement de redondance entre indicateurs mentionné dans 13 %, et la taille finale de l’agrégat d’indicateurs retenus dans 15 %.
Quatre critères additionnels sont cités : l’implication du service à évaluer (69 %), l’utilisation d’un cadre conceptuel de référence de ce qui fait qualité dans un tel service (44 %), une vision claire sur le but affecté à cette mesure globale (26 %) et la transparence sur le processus de construction de l’indicateur et sa mesure (8 %).
L’étude se concentre sur l’analyse des plaintes patients recueillies en 2017 en secteur chirurgical dans tout un district du Royaume-Uni comportant plusieurs hôpitaux généraux.
Les plaintes analysées sont celles adressées aux hôpitaux, sans filtre sur le fait qu’elles aient été ou pas judiciarisées secondairement.
La base analysée contient 399 plaintes en lien en 327 patients, ce qui représente une fréquence d’1 plainte pour 111 patient opéré sur cette année calendaire 2017. 91,2 % de ces plaintes émanent des patients eux-mêmes et 8,8 % des familles.
Les motifs sont dans l’ordre de fréquence : une insatisfaction dans la relation avec l’équipe de chirurgie pour 25 % des plaintes, un retard dans le processus de sortie pour 24 %, un problème chirurgical dans 22 %, un problème d’accès et de prise en charge en entrée dans 10 % des cas. Les questions en lien avec des problèmes post-opératoires après sortie de l’hôpital ne représentent que 2 % des plaintes, mais le système de recueil est sans doute biaisé sur ce point. 26 % des plaintes se sont traduites par une reprise chirurgicale ou à tout le moins un rendez-vous chirurgical rapide. 17 % de ces plaintes ont aussi provoqué un staff et/ou des actions internes de correction dans les services concernés.
Le burnout du médecin généraliste est devenu un classique de l’exercice médical, avec des conséquences pour le médecin et pour ses patients. L’étude propose une revue de littérature couplée à une méta-analyse pour évaluer l’ampleur réelle du phénomène dans le monde.
La revue porte sur tous les articles en langue anglaise publiés sur le sujet avant décembre 2020. Elle exclut les études portant sur des étudiants et internes en médecine générale.
Les résultats issus de 60 articles montrent une prévalence du burnout très variable allant de 6 à 32 % de la population totale des médecins généralistes en exercice tel que mesuré dans 29 pays.
L’étude confirme la fréquence importante et mondiale du phénomène
Mais ces chiffres, fortement hétérogènes d’un pays à l’autre, révèlent aussi à la fois :
La crise du Covid a obligé le système de santé à s’adapter rapidement et à se réorganiser. L’étude rapporte les résultats d’une enquête nationale par questionnaire adressée aux médecins généralistes français en avril 2020. Le questionnaire mesurait l’impact Covid sur la sécurité du patient en codant les réponses obtenues avec l’aide de la classification proposée par l’OMS sur les évènements indésirables (EI) (types d’incidents, facteurs contributifs, types de conséquences et sévérité pour le patient).
132 EI ont été rapportés dans l’enquête, dont 58 % concernent des délais diagnostics, avec difficulté de bilan complémentaire et d’accès aux spécialistes. Des annulations de dernière minute d’hospitalisation et de rendez-vous pour des explorations complémentaires concernent 17 % des cas. Les EI à domicile comptent pour 10 % des déclarations, notamment avec les effets délétères des interruptions de traitement (4 % du total).
La peur du Covid faisant renoncer des patients à consulter au cabinet médical se retrouve dans 10 % des EI recensés. On observe aussi une autre raison, le fait de ne pas consulter par peur de déranger le médecin dans cette période tendue médicalement dans 8 % des EI.
Un article du prestigieux Lancet sur l’évaluation dans le Queensland Australien d’une solution radicale de gestion des effectifs infirmiers : l’imposition légale d’un ratio minimum infirmier/lit dans les services hospitaliers généraux.
Les auteurs proposent une étude prospective AVANT-APRES qui compare - en 2016 - avant l’adoption de la mesure légale - puis en 2018 deux ans après introduction de la contrainte - les résultats cliniques et de sécurité des patients entre un panel A de 27 hôpitaux appliquant ce ratio minimum et un autre panel B équivalent de 28 autres hôpitaux non encore tenus à cette obligation légale.
Tous les effectifs infirmiers de la région du Queensland (17 010) ont été associés à l’étude en remplissant des évaluations personnelles avant et après introduction de la mesure sur le devenir patient et les conditions de travail. Les indicateurs étaient des indicateurs objectifs sur la clinique du patient.
231 902 patients ont été inclus en 2016 avant réforme (142 986 dans les hôpitaux du panel A, 88 916 dans les hôpitaux du panel B) et 257 253 patients en 2018 après réforme (160 167 dans le panel A, 96 086 dans le panel B).
Après ajustement des données, la mortalité AVANT-APRES n’est pas différente pour le panel B (témoin) [OR 1·07, 95%, 0·97–1·17, p=0·18) mais elle est significativement moins importante pour le panel A (avec ratio) (OR :0·89, 0·84–0·95, p=0·0003). Les réadmissions ont augmenté dans le panel B (témoin) entre 2016 et 2018, alors qu’elles n’ont pas bougé significativement pour le panel A (avec ratio). La durée d’hospitalisation a décru dans les deux panels, mais plus encore dans le panel A (avec ratio).
En 2016, on comptait en moyenne dans le panel A un ratio d’1 infirmier pour plus de 4 à 5 patients dans 30 hôpitaux (83 %), ce chiffre ne concernait plus que 58 % des hôpitaux après la réforme.
Le simple fait de réduire le ratio infirmier/lit d’un patient par infirmier produit déjà une réduction significative de la mortalité (OR 0·93, 95 % 0·86–0·99, p = 0·045), des réadmissions (0·93, 0·89–0·97, p < 0·0001) et des durées de séjour. Les bénéfices associés aux moindres réadmissions et séjours moins longs compensent très largement le surcoût salarial d’un ratio plus favorable.
Les visites des directeurs dans les services ("walkrounds") sont bien connues pour impliquer les directeurs et débloquer des dossiers d’amélioration de la qualité des soins.
Cet article parle d’autres types de visites dans les services, où des professionnels de santé de plusieurs professions prennent le temps de visiter le patient ensemble. Les auteurs ont recherché les articles dans la littérature décrivant ce type d’action et en ont sélectionné 33. Toutes ces études soulignent le bénéfice et l’influence positive sur le patient de ces visites multi-professionnelles (médecin de plusieurs spécialités, sages-femmes, infirmier, pharmacien, étudiants et autres professions…). Ce bénéfice s’étend à l’équipe de soin, avec des effets sur la coopération et la qualité globale du travail.
Les barrières à ce type de visite ne surprennent pas. Ce sont d’abord le manque de temps disponible, la complexité de réunir l’équipe multi-professionnelle, la possible divergence des objectifs de chacun dans ces visites, les effets hiérarchiques qui bloquent les échanges.
Un article émanant de la Haute Autorité de Santé sur l’évaluation de la Qualité des soins, de la satisfaction et de son évolution clinique par le patient lui-même.
Trois types de mesure évaluent la qualité des soins perçue par les patients avec des outils distincts : les patient-reported outcome measures (PROMs) pour le résultat des soins, les patient-reported expérience measures (PREMs) pour l’expérience des soins, et les questionnaires de satisfaction des patients pour la réponse à leurs attentes. De nombreux pays ont adopté ces mesures qui permettent d’améliorer la communication entre les patients et les professionnels, de personnaliser les prises en charge et de mieux suivre la santé des patients. Elles sont parfois utilisées pour la comparaison des offreurs de soins, la diffusion publique des résultats, voire sont intégrées dans les modalités de financement des soins. Cependant, en France, ces indicateurs sont encore peu présents dans la pratique clinique courante, notamment en raison de difficultés perceptuelles et techniques rencontrées par les professionnels et les patients. Pour favoriser leur appropriation, il convient de mieux informer les publics concernés et de soutenir les démarches mises en place sur le terrain.
La sortie de réanimation vers un lit dans un service sous-estime souvent la complexité de l’ajustement thérapeutique nécessaire, et particulièrement le risque augmenté d’erreur médicamenteuse.
Plusieurs interventions ont été essayées pour pallier ce risque. Cet article en fait la revue critique. Tous les articles publiés sur ce sujet avant octobre 2020 sont inclus dans l’analyse. 16 sont finalement retenus, dont 15 (88 %) n’avaient hélas pas de contrôle AVANT-APRES intervention.
Les interventions listés pour pallier le risque sont majoritairement des formations (8), des revues des prescriptions de sortie (7), des bonnes pratiques (6), des outils d’aides informatiques ciblés sur la transition médicamenteuses entre services (4), et des protocoles de réconciliation médicamenteuse (4).
Au total, le risque de transition inadaptée des prescriptions médicamenteuse entre réa et service est réduit (OR 0,45, 95 %, 0,31-0,63) tout comme le risque d’erreur entre sortie de réa et renvoi direct au domicile (OR 0,39, 95 %, 0,2-0,76).
Les interventions basées sur une formation aux bonnes pratiques n’apparaissent pas très efficaces dans les transitions réa-service pour réduire le risque, mais sont nettement plus efficaces pour réduire le risque dans les transcriptions réa-domicile (très nombreuses suppressions et simplifications médicamenteuses dans ce cas).
La participation d’un pharmacien aux décisions médicamenteuses lors de la sortie de réa (vers les services ou vers le domicile), effectuée en parallèle du travail médical, ou dans un staff multi-professionnels, réduit toujours le risque.