Encombrements aux urgences, maintien dans des lits de porte, communication et suivi du patient erratique entre professionnels qui se succèdent ou qui sont sollicités par des demandes d’examens complémentaires, juniors hésitant à mobiliser les seniors … Autant de circonstances banales, entraînant trop souvent, comme dans ce cas, une complication grave qui aurait pu être évitée.
Cas clinique
Une patiente de 35 ans est adressée par son médecin généraliste pour un tableau douloureux abdominal survenant dans un contexte de constipation. Elle a, dans ses antécédents, une appendicectomie et aurait eu « un bilan digestif » (dont une fibroscopie normale) à l’hôpital deux mois auparavant pour un épisode identique. L’urgentiste auquel elle est nominalement adressée, après un examen clinique sans particularité chez cette femme apyrétique, prescrit une radiographie d’abdomen sans préparation, une échographie, un bilan biologique. Il hospitalise la patiente dans des lits d’endoscopie de jour servant de dégagement au service des urgences et utilisés comme « lits de secours » en l’absence de place libre en hospitalisation. Un traitement symptomatique est prescrit.
Le bilan biologique est pratiquement normal en dehors d’une élévation des globules blancs à 15 000. L’abdomen sans préparation ne montre pas de niveau hydro-aérique et l’échographie abdominale est normale.
Le lendemain, elle n’a pas la visite de l’urgentiste.
A la demande de l’infirmière qui souhaitait savoir si on pouvait envisager de laisser sortir cette patiente, un gastroentérologue qui passait voir un autre patient l’examine le lendemain midi. Il fait un compte rendu détaillé de son interrogatoire et de son examen clinique, concluant à une crise douloureuse sur constipation sans cause évidente mais n’excluant pas l’existence d’une bride post appendicectomie. Elle allait mieux dit-il (moins de douleurs et présence de gaz), ce qui est contesté par la patiente. Il conseille un nouvel ASP dans l’après-midi. Cet ASP est réalisé en début d’après-midi par le manipulateur, interprété immédiatement par le radiologue et porte le nom du gastroentérologue comme prescripteur. Le compte rendu manuscrit est tapé par la secrétaire vers 16h et mentionne « niveaux hydro aériques centrés sur la colonne lombaire évoquant un syndrome occlusif du grêle ».
Apparemment aucun médecin ne prend connaissance de ce résultat.
Dans la nuit suivante, l’état clinique s’aggrave et le même urgentiste de garde est appelé pour des vomissements, un abdomen douloureux, un pouls filant, un météorisme abdominal. Il fait poser une sonde gastrique à 0h30 et deux heures plus tard note sur le dossier « transfert en réanimation, avis chirurgical ».
Un interne en chirurgie écrit à 4h du matin : « syndrome occlusif probable, état de choc septique ». Il aurait dit à l’urgentiste qu’il se chargeait d’appeler le chirurgien mais qu’elle n’était pas en état de subir une intervention.
Personne n’appelle le chirurgien qui à 8h du matin voit cette patiente « presque par hasard » et l’opère immédiatement d’une occlusion aiguë du grêle sur bride. Elle sera reprise pour un infarctus mésentérique avec nécessité d’une résection étendue du grêle et d’une jéjunostomie. Elle est porteuse d’un grêle court avec des contraintes diététiques extrêmement sévères et une alimentation parentérale discontinue.
Une leçon pour nous les agents de santé..