Découvrez dans ce retour d'expérience le cas d'une parturiente de 33 ans, victime d'une inversion de médicament sans conséquence lors de l'accouchement, ayant entraîné une prise en charge psychologique.
Mme F., parturiente de 33 ans, est suivie pour la grossesse de son deuxième enfant par son gynécologue-obstétricien. Lors de la consultation du suivi du 8e mois, l’examen clinique montre une présentation du fœtus en siège décomplété mode des fesses, élément confirmé par l’échographie réalisée par le praticien.
L’obstétricien explique à la future maman les risques d’un accouchement par voie basse. Il lui propose alors de réaliser une version par manœuvres externes (VME) et, dans le cas d’un échec, une césarienne. Après une information donnée et la dynamique des questions/réponses, la future maman accepte la stratégie proposée.
La consultation d’anesthésie ne relève aucun antécédent médical ou chirurgical. Pas de traitement suivi. Après les informations données, une rachianesthésie lui est proposée si une césarienne est décidée, ou une péridurale à visée analgésique si la VME est positive et qu’un travail spontané pour un accouchement par voie basse est retenu. Elle accepte le principe d’une anesthésie locorégionale.
Un rendez-vous est pris pour la VME, en secteur naissance, au terme de 38 semaines d’aménorrhée (SA). Cette manœuvre obstétricale n’obtenant pas le résultat attendu, la césarienne est alors programmée au terme de 39 SA + 3 jours.
Le jour de la césarienne, toutes les vérifications effectuées en secteur d’hospitalisation permettent le transfert de la patiente en salle d’opération. Elle est installée en position assise après mise en place du monitorage pour pouvoir réaliser la rachianesthésie. Le geste technique est effectué sans difficulté. Elle est alors réinstallée en décubitus dorsal avec légère latéralisation gauche. Le mari est alors invité à s’installer aux côtés de son épouse pour assister à la naissance du bébé.
Le MAR demande à l’IADE de lui "passer" la seringue d’antibiotiques. Il administre son contenu. Le mari signale que son épouse a perdu connaissance et, au même moment, la saturation en oxygène chute. On demande au mari de sortir de la salle d’opération. Les mesures conservatoires sont mises en œuvre : ventilation – intubation…
En regardant le plateau de drogues d’anesthésie, le MAR constate que la seringue d’antibiotiques est intacte et que la seringue de Penthotal® est vide. Il y a donc eu une inversion de médicament.
La maman sera réveillée sans aucune difficulté. Il lui sera expliqué l’inversion de médicament. Il a été expliqué qu’il n’y avait aucune conséquence pour elle et son enfant.
Elle a manifesté, ainsi que son mari, une colère froide. Ils ont même évoqué une frustration immense et "le vol" de ce moment tant attendu dans leur projet de naissance de cet enfant.
Dans les suites immédiates, le bébé et la maman vont bien sur le plan physiologique. On ne notera pas de prolongation d’hospitalisation. Une prise en charge psychologique sera néanmoins nécessaire.
L’Événement Indésirable sera déclaré via le système de déclaration de l’établissement de santé par le médecin anesthésiste.
Cette erreur médicamenteuse a eu comme conséquences :
L’exploitation de la fiche de déclaration d’événement indésirable par le groupe de professionnels chargé de la veille a retenu leur attention : cette erreur médicamenteuse (EM) et ses conséquences interpellent les professionnels de santé du COVIRIS qui souhaitent connaître les raisons qui ont conduit à cet incident, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place.
Une analyse de risque a posteriori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement et le pharmacien.
La méthode REMED, proposée par la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC), recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Cette méthode est décrite dans le classeur REMED mis à disposition sur le site de la SFPC.
Pour cette analyse, les outils suivants ont été choisis :
La liste des questions a permis de résumer les faits relatés ci-dessus.
8 domaines de facteurs contributifs : M = produits de santé – P = patient – S = professionnel de santé – PP = pratiques et procédures opérationnelles – E = équipe – CT = environnement de travail – O = organisation et management – I = institution |
Les facteurs contributifs retenus et leurs justifications :
Le niveau de gravité retenu pour cette EM est celui de majeur.
N’ayant pas atteint le niveau critique ou catastrophique, les actions d’amélioration seront organisées à la suite du COPIL.
Cette inversion de seringues de médicaments fait partie des incidents rencontrés parfois en secteur d’anesthésie, mais qui peut l’être tout autant pour tous les secteurs de soins.
La prise de conscience par les soignants que ce type d’événements peut survenir doit générer plus de vigilance pour diminuer leur fréquence.
Une réflexion collective doit permettre de convenir d’une conduite à tenir connue de tous pour ne pas générer d’erreurs évitables.
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