Les mouvements des patients lors des soins sont à surveiller avec vigilance afin d’éviter toute erreur d’identité lors de la réalisation des soins.
Ce retour d'expérience montre l'intérêt du respect des procédures et l'importance de bien communiquer en équipe.
Monsieur P. est adressé par son médecin traitant pour altération de l’état général (AEG) au centre hospitalier dans lequel il est suivi pour un cancer du pancréas, avec métastase hépatique. Ce malade est sous traitement anticoagulant, par un médicament de la classe des anti-vitamines K (AVK).
Il est accueilli aux Urgences à 11 h 33. Il est installé dans le box 8 au fond du secteur. L’examen clinique et l’interrogatoire sont effectués immédiatement. Une série d’examens biologiques est prescrite à 11 h 50.
Les prélèvements sont réalisés à 12 h et envoyés au laboratoire immédiatement.
Les tubes de sang sont enregistrés au laboratoire à 12 h 25.
Lors de la pose de la voie veineuse périphérique, une mesure de l’hémoglobine par prélèvement micro capillaire (HEMOCUE) est effectuée et trouve un résultat à 5,2 g/dl. Le médecin urgentiste décide qu’une transfusion de 2 concentrés de globules rouges (CGR) sera nécessaire, prépare la prescription et précise à l’infirmière en charge de Monsieur P. d’attendre le résultat du laboratoire pour traiter la demande.
Au vu de la situation de soins complexes, l’équipe paramédicale décide d’installer le patient au box 3, permettant une surveillance par monitorage multiparamétrique.
Un autre patient, Monsieur Y. est installé dans le box 8 à 12 h 35.
Le résultat de la numération formule sanguine de Monsieur P. arrive rapidement aux urgences par le biais du logiciel du laboratoire interfacé au dossier patient informatisé et confirme l’anémie avec un taux d’hémoglobine à 5,4 g/dl.
L’infirmière envoie donc rapidement la demande de produits sanguins au laboratoire en charge du dépôt de sang de l’établissement, reçoit les 2 CGR et débute la transfusion sanguine conformément à la procédure institutionnelle à 13 h 15.
Vers 13 h 55, le patient étant stable et ne devant bénéficier que d’une surveillance clinique et paraclinique, elle confie le patient à une collègue après avoir réalisé les transmissions ad hoc et prend le temps d’aller déjeuner.
A 13 h 45, le médecin biologiste informe par téléphone le médecin prescripteur des urgences que le taux d’hémoglobine est de 5,4 g/dl (résultat pathologique) mais que le tube pour l’hémostase est mal rempli, et donc à reprélever. Il demande alors aux infirmières présentes de reprélever le patient au box 8. C’est Monsieur Y. qui va bénéficier de cet examen biologique.
Un deuxième hémocue est réalisé à 14 h 45, après la transfusion du premier CGR : le résultat est de 5,6 g/dl. Le médecin en charge de Monsieur P. cherche les résultats de l’hémostase en consultant l’application logicielle ad hoc, et constate leur absence. Il appelle le laboratoire pour faire part de son exaspération devant leur absence. On lui précise alors qu’il n’y a pas eu de prélèvement sanguin réceptionné au nom de Monsieur P. depuis l’alerte téléphonique.
Il s’inquiète alors auprès de l’infirmière à qui il avait demandé de procéder au nouveau prélèvement d’hémostase et l’infirmière comprend alors que c’est Monsieur Y. qui a été prélevé et non Monsieur P.
Un nouveau prélèvement est donc réalisé en urgence : le résultat donne un TP inférieur à 10 et un INR supérieur à 8, traduisant un surdosage en AVK.
Une injection de vitamine K sera prescrite, ainsi que l’administration de 3 autres CGR. Un transfert sera organisé en unité de surveillance continue.
Les autres examens ont permis de diagnostiquer une hémorragie digestive haute lors d’une gastroscopie en urgence. Le traitement médicamenteux mis en œuvre permettra de juguler cette hémorragie et de maintenir un taux d’hémoglobine à 9,8 g/dl.
L’équipe médicale et la cadre du service ont souhaité une analyse de cette erreur d’identitovigilance dans le cadre d’une démarche de gestion des risques car, dans un autre contexte, les conséquences auraient pu être plus graves pour le patient.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient.
Recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.
C’est le praticien urgentiste qui détecte la non-réalisation de l’exploration de l’hémostase.
La prise en charge de ce surdosage en AVK a été retardée de plusieurs heures.
Les conséquences pour le patient sont néanmoins minimes, mais il est important de comprendre les barrières qui ont été déficientes.
Récupération : c’est le praticien urgentiste qui, ne voyant pas les résultats de l’hémostase demandés, détecte l’erreur.
> Récupération
Ni l’infirmière qui a prélevé le patient ni le médecin prescripteur n’ont pensé à consulter les résultats du LAM, ce qui aurait permis d’alerter sur la non-réalisation de l’examen et de réagir plus vite. On peut noter que la charge de travail du moment était très importante.
> Prévention
On retiendra de cette analyse deux causes principales au retard de prise en charge de ce surdosage en AVK :
Rappel des bonnes pratiques d’identitovigilance (ce moment d’informations/formation est particulièrement important au sein de ce secteur de soins) :
Les pratiques d’identitovigilance au sein du service :
La visibilité des patients dans le service des urgences :
Le matériel de prélèvement :
Une analyse qui met une nouvelle fois en évidence l’intérêt d’une approche systémique pour une problématique qui, au départ, pouvait sembler simple et, au final, des causes multiples sont détectées, qu’il convient de corriger pour éviter une répétition de ce type d’erreur.
Il est intéressant de se poser la question, quand deux risques sont en concurrence, lequel peut être le plus contributif à la survenue d’un accident . Dans ce cas, le risque confidentialité a primé sur le risque d’erreur d’identité alors que les conséquences sont sans commune mesure.