Chamberlain J. Governing Medicine: Medical Autonomy in the United Kingdom and the Restratification Thesis, , 1, 3 ( April 2010)
Une discussion sur la réduction de l’autonomie des médecins liée aux restructurations de gouvernance survenues récemment au Royaume Uni. L’idée générale est que le système enferme progressivement chaque docteur et sa spécialité dans une case de plus en plus surveillée. Traditionnellement la profession médicale au RU a été organisée et gouvernée par le General Medical Council (GMC), créée par le Medical act (Moran 1999). Les membres du GMC sont élus par leurs collèges et sont issus des ‘élites’, professeurs et Lords...avec une réduction progressive à une portion congrue des membres non médicaux. Le GMC rend compte au parlement via le Privy council pour entériner ses décisions, mais dans la pratique reste extrêmement autonome. Ses responsabilités sont doubles : gérer la liste des médecins qualifiés, et définir les qualifications nécessaires. Ce champ d’autorité leur confère aussi un rôle central dans la formation. Récemment, la situation a commencé à changer à cause d’une succession de scandales accumulés depuis la fin des années 90 et mettant en cause la compétence des médecins anglais (ie : pédiatres du Royal Bristol Infirmery en 96). Le GMC a d’abord réagi en introduisant le concept de ‘new medical professionalism’, basée sur un usage plus contraint de l’evidence-based médecine et une promesse de contrôle plus régulier. Mais la coupe s’est progressivement remplie jusqu’à la survenue de l’incroyable histoire du Dr Harold Shipman en 2008, généraliste qui aurait tué plus de 215 patients pendant plusieurs années sans que le GMC n’y voit problèmes…L’état anglais s’est ému de cette affaire et a commencé à devenir nettement plus superviseur du GMC. Ainsi en 2008, deux nouvelles réformes ont profondément changé le système anglais du GMC : (1) le nombre de membres du GMC a été réduit de 26 à 12, dont 6 personnalités non médicales, et (2) encore plus important, le GMC a perdu une partie de ses capacités de sanction disciplinaire: le GMC reçoit les plaintes contre les médecins, mais n’est plus chargé d’établir la sanction qui est confiée à un groupe indépendant. En plus l’affiliation des médecins est aussi soumise à un avis décisionnel du NHS qui impose une formation continue annuelle, et une revalidation NHS annuelle. Cette évolution renvoie à la thèse soutenue par Elston (2004) de « déprofessionnalisation médicale » avec la perte de capacité d’auto régulation. Cette approche se complète avec une autre thèse : celle de « prolétarisation des experts » qui considère que le travail des experts ne peut /ne doit pas échapper à la rationalisation, et la routinisation, et donc entre pleinement dans le champ de la régulation d’état au nom de la protection des intérêts des consommateurs (particulièrement via les politiques publiques et financières). Bien sûr l’application totale de ces thèses à la médecine fait débat dans la communauté scientifique sociologique à la fois par le fait qu’il s’agit plutôt d’axiomes que de faits prouvés, et que les faits sur le terrain sont parfois contradictoires. Une troisième thèse est donc entrain d’apparaître :celle de la «restratification» qui sous différents subterfuges maintient une élite médicale sans son pouvoir de régulation de la profession ; l’astuce de la restratification est de parier sur des éléments objectifs comme l’EBM et les protocoles pour faire admettre le caractère scientifique en replacement des visions artistiques et tacites de la discipline, et donc son caractère contrôlable, mais aussi son caractère imposable à l’état (en contre poids des pressions économiques d’état), et son caractère expert (inaccessible à des naïfs). Finalement, dans la restratification, les médecins dirigent l’usage, et les non médecins sont limités à prononcer des sanctions pour ceux qui devient le plus.
Un très bon article sur l’évolution de l’Ordre des médecins anglais, expliquant bien à partir du modèle anglais les modèles théoriques en débat sur l’autonomie. Les évolutions récentes après le scandale des Hôpitaux de 2012-2013 confirment l’approche de la restratification