Gundelmund F., The nature of safety culture: a review of theory and research, Safety science, 34, 2000, 215-257
Revue des publications des 20 dernières années sur la culture et la climat de sécurité.
Culture organisationnelle et climat: ces concepts ont émergé dans des années 70-80. L’intérêt était évident : disposer d’une vue ‘d’en haut’ du management ; la limite est vite apparue : la vue d’ne haut est forcément générale ou caricaturale. Cette littérature a au moins permis de bien questionner la différence entre culture et climat, car ce débat s’applique autant à la notion de culture ou climat de sécurité. Dans les années 70, la littérature a commencé à parler de climat organisationnel, avant de préferer le terme culture dans les années 80-90. John and James (Jones, A.P., James, L.R., 1979. Psychological climate: dimensions and relationships of individual and aggregated work environment perceptions. Organizational Behavior and Human Performance 23, 201±250) définissent le climat comme un ensemble de perceptions et d’attributs cognitifs reliés tout en restant distinct des attitudes qui sont les expressions visibles de ce climat modulo les émotions du moment.
Ekval (1983) sera le premier à distinguer climat et culture. IL introduit une distinction entre la culture organisationnelle (croyances et valeurs partagées par la majorité des travailleurs d’un secteur), la culture sociale (notamment les traits partagés de l’organisation informelle), le climat organisationnel (les comportements et expressions partagés par les majorité des travailleurs) et les relations au travail (notamment relations entre management et employés). Ekval souligne que ces quatre approches sont en interactions, mais peuvent être approchées séparément.
Glick (1985) souligne que le concept de culture relève plutôt de la psychologie sociale, alors que celui de culture relève plutôt de l’anthropologie.
Hoftede (1986) renouvelle le débat en décrivant des cultures nationales, et en rapprochant climat et satisfaction au travail et en les affectant à des valeurs surtout portées par le middle et front line management. A l’opposé, la culture organisationnelle serait portée par le top management.
Schein (1992) conçoit le climat comme la traduction de la culture dans le ‘faire quotidien’. Le climat reflète la culture.
Avec cette orientation progressive de la littérature, on voit que le climat est progressivement associé à la mesure des attitudes au travail. Les croyances partagées précèdent souvent les attitudes et deviennent un moyen d’évaluer la culture de l’organisation.
Les traits d’une culture organisationnelle apparaissent alors plus clairement : c’est un construct (ce sont des valeurs abstraites, pas des attitudes), relativement stable, multidimensionnel, partagé par un groupe de personnes, multi-facettée dans ses considérations (innovation, créativité, sécurité), fonctionnel (la culture est un cadre de référence pour l’action), avec des marqueurs partagés de différents types (normes et valeurs, mais aussi rituels, héros, symboles, ces derniers trois marqueurs réunis sous le nom de ‘pratiques ‘ par Hosftede. Ces distinctions rejoignent celles introduites par Schein entre valeurs épousées (rituels, espoused values), et artefacts (héros, mythes), tout en considérant les symboles plutôt séparément.
La culture organisationnelle fut d’abord étudiée en pensant qu’elle influençait surtout la performance et la satisfaction. Mais même à ce niveau les débats restent vifs sur la causalité de la culture : est ce l’organisation qui porte la culture (ou même qui est la culture ?-organisational attibute) ou les individus qui la compose (psychological attribute), avec évidemment à la clé la question du niveau d’action pour changer cette culture.
La question du climat et de culture de sécurité réfère aux même débat, sinon qu’elle ne regarde qu’un aspect du problème de la culture d’une organisation. Les mêmes ambigüités, les mêmes flous sont dans les usages.
La volonté, là comme pour les autres aspects de culture organisationnelle, d’utiliser des questionnaires simplificateurs sur quelques aspect seulement d’un système de valeur complexe, a résulté souvent dans des approximations pratiques assez importantes, qui finissent par ne mesurer que ce que le chercheur ou le sociologue veut mesurer.
IL en résulte une considérable confusion entre cause, contenu, et conséquence sur ce qu’est une culture de sécurité, il n’y a pas vraiment de modèle théorique dans la plupart des cas mais plutôt un mélange de modèles.
Sur le versant climat, les distinctions de Shein entre les basic assumption et espoused values d’un côté et d’un autre côté les artefacts sont importantes. Mais même les basic assumptions sont loin d’être simples à manier dans l’évaluation du climat de sécurité : on peut dire que l’absence de formulation de règles est défavorable à la sécurité, mais Shein lui même nous dit aussi que d’autres basic assumptions sont récurrentes dans la gestion des règles pour que le système reste intelligent et sûr : le principe de réalité, l’adaptation au temps disponible, la compétence disponible, la tendance ou pas à s’engager dans des comportements à risques, ou encore la nature variable de l’équipe. En quelques sorte, Schein nous dit qu’évaluer juste les prémices (niveau de règles et contraintes) ne suffit pas, il faut évaluer les attitudes concrètes qui résultent de la gestion des prémices.
Un article de fond et d’absolue référence, qui n’est pas propre à la médecine, à lire absolument avant de rentrer dans les publications plus récentes ; N’a pas vieilli.