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2018 - Hôpitaux ruraux en zones isolées et désertiques : comparaison des solutions entre 8 pays

29/08/2018

Rechel B., Dzˇakula A., Duran A., Fattore G. Nigel Edwards N., Grignon M., Haas M., Habicht T., Marchildon G., Moreno A., Ricciardi W., Vaughan L., Anderson Smith T.

Hospitals in rural or remote areas: An exploratory review of policies in 8 high-income

Résumé

Les régions isolées et leur couverture médicale sont devenues un problème pour la majorité des pays. Cet article traite des petits hôpitaux ruraux laissés dans ces régions dans 8 pays : l’Australie, les USA, l’Italie, l’Espagne, le RU, la Croatie et l’Estonie.

La densité moyenne de population de ces pays varie de 3 par km2 en Australie, 4 au Canada à 35 aux USA et 202 en Italie et 263 au RU.

L’effet de cisaillement est de plus en plus évident entre le besoin de maintenir une offre de soins dans les déserts médicaux, et la non-conformité structurelle des petits hôpitaux ruraux de ces régions (plateaux techniques insuffisants, faible attractivité professionnelle) au point qu’on serait tenté de les fermer.

L’étude fait une analyse des solutions utilisées dans les 8 pays cibles en utilisant la littérature existante, et les entretiens avec les agences nationales.

Les informations collectées datent de mars 2015

Un seul pays (l’Italie) dispose d’une loi / plan national spécifique à ses petits hôpitaux ruraux. Les USA n’ont pas de loi ou de plan national précis, mais les agences fédérales aident au maintien et à l’accès à ces petits hôpitaux. Au RU, très peu d’hôpitaux sont concernés par la situation de désert médical ; de même en Estonie. La Croatie discute (en 2018) d’un plan hôpital qui comporte un volet spécifique sur le maintien des petits hôpitaux ruraux. En Espagne, le choix est fait de transférer la couverture médicale dans les zones reculées aux généralistes, avec des capacités d’accueil et d’urgences.

En Australie, en Nouvelle Galles du Sud, il existe un plan spécifique de gradation (role delineation of Heath and mergency) des autorisations pour les activités d’urgence, de médecine interne, d’obstétrique, de chirurgie, et de médecine générale.

La gradation est surtout basée sur l’adéquation entre autorisation d’acte et compétences requises. Le niveau le plus bas de gradation a impliqué des fermetures de services d’urgences spécialisés, et des lits de réanimation, avec un transfert des activités sur des médecins généralistes positionnés aux urgences, voire sur les soignants cliniciens de soins primaires.

Mais il existe toujours des débats sur le bon réglage des hôpitaux ruraux.  Tous les états Australiens disposent d’une version Hôpital rural avec plusieurs services de base (MPS, Multi-Purpose Services) avec un système de paiement propre à ces hôpitaux, plus simples, plus aidant, et conçu comme un paiement au parcours englobant les secteurs aigus, de réhabilitation et sociaux.

Les habitants de ces régions désertiques peuvent accéder aux spécialistes par télémédecine et sont pris en charge par une couverture totale, avec un prix de consultation majoré pour les professionnels.

A noter qu’il n’existe pas en Australie de loi sur la durée du travail maximum contrairement aux pays Européens, et il est commun d’avoir les professionnels d’astreinte répétitive au téléphone à domicile, et du coup, l’Australie est capable d’assumer une permanence de soin avec un effectif bien plus restreint qu’en Europe.

La formation fait aussi une place particulière à l’exercice professionnel dans ces régions, avec des stages quasi obligatoires dans ces hôpitaux ruraux isolés pendant les études.

Au Canada, les hôpitaux dépendent des régions plus que du niveau fédéral. Le pays compte 350 hôpitaux ruraux en zones isolées qui assurent les urgences pour environ 20% de la population totale du Canada. La plupart ont 18 lits en moyenne, avec un service de transfert organisé 24/7 vers des hôpitaux plus qualifiés.

Les régulations financières et légales récentes ont conduit à fermer plusieurs de ces petits hôpitaux, avec en conséquence 22,5% des Canadiens qui vivent aujourd’hui à plus d’une heure de route d’un premier hôpital, avec des urgences de niveau 1. L’avion est essentiel compte tenu des distances.

La coordination régionale et fédérale des prises en charge reste un problème. Dans plusieurs régions, la ‘loi’ exige que tout patient puisse accéder à des urgences en moins de 60 minutes.

Dans l’Ontario, 67% des femmes accouchent dans un hôpital urbain ; 17% sont à plus de 2hoo de route de leur domicile.Les hôpitaux les plus petits et ruraux acceptent les urgences mais avec une gradation très limitée de sévérité.L’Ontario fait une différence entre petit hôpital rural en zone habitée et petit hôpital rural en zone désertique, avec deux politiques d’exigences, notamment un accès qui n’est pas 24/24-7/7 dans les zones isolées. L’Ontario a aussi créé des ‘hubs’ de santé implantés (Rural Health hubs) en zone rurale où on trouve tous les services coordonnés, en s’appuyant sur un réseau intégré de soins sur le territoire pour offrir les soins (de base) à 10 à 40000 citoyens (avec des dossiers patients électroniques communs)

Aux Etats-Unis, les décisions d’offre de soins et de ressources locales sont gérées par des interactions au triple niveau fédéral, état, et territoire, avec en plus un mélange public et privé.

Les petits hôpitaux ruraux sont très vulnérables financièrement (avec beaucoup fermés – ou sous statut de faillites-  dans les 5 dernières années), avec le point central que beaucoup de citoyens résidant dans ces zones isolées n’ont pas de couverture maladie, et des difficultés récurrentes à armer humainement et techniquement ces petits hôpitaux.

Des initiatives financières régionales spécifiques pour ces petits établissements permettent un flux financier de survie et un accès aux patients non assurés. Evidemment, la question d’une couverture médicale spécifique plus large dans ces régions isolées est débattue, actée en théorie dans la loi de 2010, mais toujours en question sur le fond.

En retour, les équivalents des autorisations pour ces petits établissements (dans le cadre du projet CAH, Critical Access Hospital Program)  imposent à ces hôpitaux de réduire leur offre, suivre les standards fédéraux, se limiter à 25 lits, proposer des services d’urgences 24/7, se limiter à une DMS (durée moyenne de séjour) moyenne annuelle de 96 Heures, et articuler son fonctionnement aux autres hôpitaux plus dotés du secteur / territoire avec une distance théorique de 35 miles minimum (56 km) entre hôpital rural et hôpital référence (ou autre hôpital rural), réduire à 15 miles (24 km) en terrain très accidenté. Des expérimentations /interventions sont aussi en cours pour mieux définir le besoin et classer les hôpitaux ruraux de façon plus formelle.

En Italie, il s’agit du seul pays ayant une politique nationale établie sur ses hôpitaux ruraux en zones désertiques depuis 2014.

Globalement la gestion est décentralisée. La densité de population varie de 39 habitants/Km2 à 426. L’idée usuelle et aussi celle de hub territorial rassemblant des établissements d’offres graduées en 4 niveaux opérationnels sur les urgences, la complexité des pathologies, l’armement humain, et les ressources techniques disponibles.

Les hôpitaux couvrent des densités d’environ 80000 habitants, avec moins de 20000 passages aux urgences par an, une distance de 90 minutes max de l’hôpital référent, et 60 minutes max d’un centre d’urgence.

192 des 661 hôpitaux aigus sont localisés dans des villes, 339 dans des zones habitées denses, et 130 (20%) dans des zones isolées/ peu peuplées.

En 2013, la moitié des hôpitaux n’arrivent pas au seuil de 20000 passages aux urgences de patients présentant une pathologie ‘non banale’ (niveau de médecine générale, code blanc).

Mais le système est largement perverti par les urgentistes eux-mêmes qui surcodent en vert, voire jaune ou rouge (niveaux 3 & 4 les plus sévères) les pathologies relevant du code blanc pour éviter aux patients de payer les 25€ imposés par ce code blanc (consultation). Et évidemment, ces volumes s’effondrent encore si on sort des villes et qu’on regarde les passages spécifiques en hôpitaux ruraux (seulement 4% des petits hôpitaux sont aux seuils imposés, et beaucoup plus de codes blanc et vert que de codes rouges)

En Espagne, comme en Italie, le système est décentralisé (17 régions autonomes), mais sans plan national spécifique.

En général l’accès à l’hôpital se fait par l’intermédiaire d’un généraliste. Il n’y a pas de différence affichée entre hôpitaux de tailles différentes.

Le système sépare plutôt formellement les niveaux de soins, primaires, secondaires, et tertiaires. Les patients habitant à distance des hôpitaux, sont invités à faire appel d’abord en cas d’urgence à leur généraliste de proximité qui sont supposés répondre à tous les cas simples 24/7 (en semaine par contact téléphonique avec un centre local et le week-end uniquement avec les centres les plus importants)

Au RU, les densités de population sont partout élevées ou très élevées. On compte seulement 19 hôpitaux en position rurale en zone isolée, mais même ces 19 hôpitaux couvrent encore plus de 236.000 citoyens en moyenne, ce qui n’empêche pas une crise nationale sur les difficultés de recrutement, la juniorisation des staffs.

La centralisation des services complexes est la règle, avec de nombreuses fusions dans des temps récents (mais qui n’ont pas prouvé être très réussies en termes d’offre, de productivité et de qualité).

Depuis peu, le NHS reconsidère sa position et redonne du soutien aux petits hôpitaux. Un travail prioritaire concerne actuellement la stabilisation des staffs de sorte à construire des compétences collectives et des organisations pérennes. On trouve aussi quelques innovations organisationnelles locales qui mélangent services de chirurgie et de médecine (Belfort Hospital, Scotland) avec des visites journalières par des séniors de toutes les spécialités et une organisation du recours aux séniors 24/7 pour les juniors de sorte à utiliser au mieux les staffs disponibles.

En Croatie, la question des petits hôpitaux n’a pas été abordée. Le plan 2015-2016 souligne tout de même l’importance d’une approche intégrée de territoire, intégrant hôpitaux et soins primaires, avec une forte incitation à un formalisme de coopération inter-établissement.

En Estonie, les distances sont faibles (comme au Danemark ou en Hollande). Tous les hôpitaux ont la même exigence d’urgence 24/7, médecine et chirurgie de base et souvent maternité. Mais un mouvement de concentration a commencé avec des difficultés de recrutement dans les petits hôpitaux. Le dernier plan national met l’accent sur la coopération inter-hospitalière, notamment en envoyant des spécialistes des grands centres pour effectuer des consultations ‘de l’avant’ dans les petits hôpitaux et coordonner les parcours.

 

 

 

Mon avis

Mon avis :

Très instructif et bien détaillé ; on peut retenir la variété des solutions pour ces petits hôpitaux ruraux qui vont d’un soutien financier particulier (US), à un problème général de recrutement qui peut partiellement être traité par des stages imposés pour les internes (Australie), une organisation en hub territorial avec une sécurité de la gradation assurée par l’organisation efficace d’une capacité élevée de transport inter-hospitalier  (Canada, Australie), sans oublier la mise en place massive de télémédecine. Des idées qui pourraient facilement être appliquées en France