Wears R. Sutcliffe, K. (2019). Still Not Safe: Patient Safety and the Middle-Managing of American Medicine. Oxford University Press
Un livre provocateur, co-écrit par deux des plus grands spécialistes mondiaux dans ce domaine.
Ce livre est un livre posthume (pour Bob Wears, décédé à la mi 2017), extrêmement critique sur la sécurité du patient, qui réunit la vision de deux très grands auteurs mondiaux de la sécurité du patient :
Le livre parle sans surprise des origines du mouvement de la sécurité du patient. La sécurité du patient est apparue comme un problème de santé publique à la fin des années 1990 pour devenir une cause majeure de la santé avec la parution en 1999 du rapport de l’Académie de Médecine Américaine (To err is human) qui annonçait les erreurs humaines en médecine comme la troisième cause de décès aux USA.
Depuis, selon les auteurs, il a progressivement faibli et peu d'améliorations ont été notées en 20 ans. Cette popularisation du concept, en même temps que sa chute progressive en efficacité, exige une explication.
Les auteurs partent du fait que les erreurs/complications/dommages médicaux étaient connus bien avant les années 1990, ce qui pose d’abord une question de fond : pourquoi sont-ils devenus soudainement populaires? Et pourquoi les efforts de sécurité ont-ils été aussi inefficaces? Les auteurs suggèrent que cette popularité est d’abord due à un changement discursif qui a recadré le «préjudice médical» en «erreur médicale» dans une société de plus en plus riche, où la tolérance au risque se réduisait d’année en année, et où les politiques et autorités se sont vus contraints de faire des actes politiques plus que scientifiques pour répondre et plaire aux attentes de l’opinion.
Selon les auteurs, le cadrage «erreur», avec sa notion inhérente d'agence publique (autorités), a été surtout utile pour faire avancer l'agenda d'un groupe technocratique et managérial de professionnels de la santé et diminuer l'autorité de la vieille garde basée sur l'expertise clinique. La chute est due à cette «médicalisation» de la sécurité.
Les professionnels de la santé et les gestionnaires ayant peu de connaissances en sciences de la sécurité ont fini par dominer le domaine de la sécurité des patients, évinçant l'expertise des sciences de la sécurité (par exemple, la psychologie, l'ingénierie) et gardant ainsi la réforme sous le contrôle de l'établissement de santé.
Fonctionnant avec une sorte de clarté délirante, cette cabale scientifique et bureaucratique a généré beaucoup d'activité mais a fait peu de progrès car elle n'a pas réussi à s'engager avec une expertise utilisant les sciences de la sécurité. Vingt ans après la popularité soudaine, il est généralement admis le peu de résultats obtenus. L'avenir de la sécurité des patients est mis en doute et une réforme radicale des approches en matière de sécurité sera nécessaire pour que des progrès soient réalisés.
Un point de vue fort et dissonant, c’est pourquoi on n’avance pas très vite en termes de sécurité du patient