Daniel S., Morse D., Reis S., Edwarsen E., GUrnsey M., Taupin A. Griggs J., Shields C. Physicians criticizing physicians to patients, J Gen Intern Med 28(11):1405–9, 2013
Le travail en équipe est devenu un standard de progrès en médecine. Plus aucun médecin ne peut prétendre seul tout gérer pour son patient. Evidemment, toute mauvaise pratique d’équipe se traduit par un risque pour le patient. Des éléments de solidarité, de communication, d’éthique même, sont nécessaires à cet exercice d’équipe, mais on en est loin dans les pratiques.
Alors que 5% des médecins sont vraiment catalogués comme auteurs de comportements à risques (Samenow CP, Spickard Jr A, Swiggart W, Regan J, Barrett D. Consequences of Physician Disruptive Behavior. Tenn. Med. 2007;38–40.), 95% des médecins ont parfois ou souvent critiqués auprès de leur patient le comportement de collègues (Weber D. Poll results: doctors’ disruptive behavior disturbs physician leaders. Phys Exec. 2004;30:6–14). L’American Medical Association parle de propos désagréables, vexatoires, inappropriés pour qualifier ces critiques. Les patients s’en plaignent plus qu’ils n’en tirent un quelconque bénéfice.
L’université de Rochester a réalisé une étude amusante : des patients-standards recrutés comme acteurs sont allés voir des 23 oncologues et 23 généralistes qui avaient acceptés de participer à l’expérimentation et de recevoir dans leur consultation normale des patients cibles (mais sans savoir lesquels) et qui avaient donné l’autorisation d’enregistrer (âge moyen 48,1, payé 300$ la consultation). Le patient acteur prenait le rôle d’un patient de la cinquantaine atteint d’un cancer du poumon avancé, et qui venait de déménager dans la proximité du lieu de consultation, de sorte qu’il s’agissait de la première visite à ce médecin, mais pas la première visite pour la pathologie, qui avait été réalisé ainsi que le début du suivi médical dans l’ancien lieu d’habitation. Tout le dossier avait été préparé par des oncologues pour avoir un maximum de réalisme, et le patient était bien sûr entraîné.
Sur les 46 visites, 39 ont pu finalement être enregistrées (20 oncologistes et 19 généralistes). 15 % des médecins ont dit avoir reconnu un patient cible (5 au total), ce qui signifie que 34 visites n’ont pas été détectées comme faisant partie de l’expérimentation : c’est cette fraction qui a été étudiée plus en détail.
Sur le total des propos tenus, on trouve 12 commentaires positifs sur le travail des confrères précédents, 2 commentaires neutres et 28 commentaires négatifs (14 sur le traitement mis en place, 8 sur les confrères eux-mêmes dont 6 nominatives sur la personne, et 6 d’ordre très généraux sur la critique de certaines spécialités médicale par exemple).
Exemple de commentaire positif : Vous avez eu une bonne biopsie, c’est un bon docteur.
Exemples de commentaires négatifs : IL a irradié vos côtes, pas le poumon… le patient : oui…. Ce gars est vraiment un idiot.
Dans bien des cas, il semble que blâmer le collègue permet de réduire son propre stress, mais dans tous les cas ces comportements sont non éthiques.
Quelles sont les raisons récurrentes de ces comportements :
Souvent le médecin pense qu’en disant au patient tout ce qu’il pense, il répond à un objectif de transparence (ce qui peut avoir des effets contraires sur le patient) ; critiquer le précédent est souvent aussi une manière de se dédouaner et de gérer son anxiété devant un diagnostic difficile.
L’anxiété du médecin est très souvent participative. Trianguler la relation en réintroduisant la responsabilité du collègue absent auprès du patient, tend à réduire sa propre angoisse par une fuite artificielle de sa propre responsabilité, mais l’effet sur le patient est rarement positif qui se trouve souvent gêné par cette triangulation.
ON peut apprendre au médecin à moins utiliser cette stratégie un peu spontanée de triangulation virtuelle. Des programmes commencent à exister, essentiellement basé sur l’exemple et le jeu de rôle.
Dans bien des cas, la fuite finale du patient vers un autre médecin sera la conséquence d’un comportement trop systématique de critique des confrères et du milieu médical. Dans presque tous les cas, ces comportements introduisent du doute, et réduisent l’adhésion des patients aux prescriptions dont on sait qu’elle est déjà précaire.
Très bon travail, bonne analyse générale, et originale expérimentation.