Personnaliser la médecine, on en parle… mais dans le détail, c’est quoi ? Une revue de contenu proposée par des spécialistes canadiens.
(1) recadrer les perspectives en basculant de ‘quel est le problème' à ‘qu'est ce qui est important pour vous',
(2) Reconsidérer les vrais indicateurs importants pour les segments de populations considérés et leurs valeurs, (3) responsabiliser les citoyens en les aidant à devenir experts,
(4) passer d'un système unique, à un système adapté à plusieurs valeurs, plusieurs cibles,
(5) réduire la compétition et augmenter la collaboration entre professionnels,
(6) accepter la main mise d'une société connectée et du web,
(7) démocratiser l'information médicale, accepter des traces enregistrées, des connections du patient sur son propre dossier,
(8) miser sur l'industrie pour trouver et accompagner de nouvelles solutions,
(9) demander aux citoyens de faire ce travail de valeurs,
(10) Mesurer quels que soient les choix, en se centrant sur les individus et sur les populations
Pour aller plus loin
Snowdon A., Schnarr K., Alessi C. It's all about me, the personalization of health systems, February 2014, Western University Canada
La personnalisation pose d'abord la question de ce qui importe vraiment aux patients. L'idée de personnaliser l'approche médicale n'est pas nouvelle, on la retrouve déjà chez Hippocrate. Le concept de salutogénèse décrit par Antonovski en 198O résume bien l'idée de personnalisation (à rapprocher de l'idée de Cirulnik sur la résilience) : épidémiologiste en Israël, il a découvert chez les survivants de l'Holocauste retraités en bonne santé (qui n'ont pas développé de pathologies physiques et mentales), le concept de salutogenèse: le «sense of coherence», ou sens de cohérence, qui permet à certaines personnes de survivre en bonne santé même aux expériences les plus graves. Ce sens de cohérence comprendrait trois critères : compréhension (comprehensibiliy, le regroupement des éléments en un tout consistant), contrôle (manageability, savoir résoudre les difficultés) et sens (meaning, donner du sens à l'expérience). Lindstrom et Eriksson (2011) utilisent l'analogie de ‘rivière de vie' (river of life) pour bien illustrer cette notion de personnalisation; d'un côté, les systèmes de santé offrent des soins ciblés sur les pathologies pour ‘ne pas couler au grès des flots', mais de l'autre, les personnes intègrent ces aides médicales dans des valeurs personnelles de bien vivre et de qualité de vie. Ces valeurs ne sont pas nécessairement alignées avec les propositions du système de santé, mais demeurent la plupart du temps inconnues du système de santé. Evidemment, l'écart de perception qui devrait être un objectif pour mieux personnaliser l'approche, ne reste mesuré par aucun indicateur.
La médecine s'est technicisée rapidement, avec une offre considérable de moyens de surveillance informatique, électronique, et de capacités de monitoring des patients à distance. Mais la pression économique impose aussi des services médicaux (health services) moins coûteux. En bref, l'offre de services de solutions miracles technologiques informatiques continue à augmenter, mais l'usage de masse et l'appropriation systématique et à grande échelle pour tous sans distinction de ces technologies de surveillance de masse ne paraissent pas des solutions du futur ; la pression économique ne va pas dans ce sens, le respect de l'autonomie et des désidératas des patients non plus.
Pendant longtemps, les progrès informatiques sont restés centrés sur les pathologies (disease management) en aidant au diagnostic, et se disant plus ou moins patient centré tout en laissant une place restreinte au patient. Les aides et les systèmes qui leur ont succédé ont progressivement voulu être plus normés, plus portés par la médecine des preuves (Evidence-Based Medicine), imposant une pensée plus unique. Mais la société change (plus de participation demandée), et la médecine aussi (génomique) avec un échappement de l'EBM au profit d'une médecine plus personnalisée. Les modèles d'aides et d'appui actuels à la Qualité et la Sécurité sont très loin de pouvoir prendre en compte ce virage fondamental, ce d'autant que les systèmes de santé sont sous pression, et que l'approche plus personnalisée est immédiatement vécue comme plus coûteuse.
Cet article analyse les espaces de solution à cette conjoncture difficile.