La personnalisation de la médecine

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

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Personnaliser la médecine, on en parle… mais dans le détail, c’est quoi ? Une revue de contenu proposée par des spécialistes canadiens.

  • Patient
Auteur : Pr René AMALBERTI / MAJ : 17/06/2020

La personnalisation vue par l'industrie

  • L'industrie de la santé essaie de s'approcher au plus près des consommateurs, en recueillant de l'information sur demande directe aux clients (personnalisation active) ou via leurs achats (personnalisation passive), et de façon progressive (accumulation et recoupement de connaissances sur le client). Il est supposé que cette personnalisation progressive permettra de mieux capturer les besoins et valeurs de chacun, ou de groupes de patients.  
  • A quoi ressemblera un système personnalisé de santé ? - Il devra respecter équité et accès : le même système pour tous aujourd'hui / un système différent selon les groupes et valeurs ; le système est jugé sur la capacité de tout citoyen à accéder au bon segment de valeurs - Objectif : un glissement sensible entre l'objectif d'aujourd'hui : traiter des pathologies et celui de demain qui sera surtout d'assurer une meilleure qualité de vie sur le long terme - Décisions : basées sur l'EBM aujourd'hui avec des professionnels experts et des patients naïfs, les décisions seront prises demain par les patients sur la base de leur valeur, les professionnels s'assurant que toute l'information utile au choix a été bien transmise - Dialogue avec le Professionnel : centré sur la maladie aujourd'hui/ centré sur la personne et ses objectifs demain - Stratégies médicales : diagnostiquer et traiter sur la base EBM/ collaborer et partager les risques et doutes demain - Résultats : qualité et performance, coût / approche par segment de population en fonction de leurs valeurs et leurs priorités demain - Infrastructure centrée sur l'hôpital/ centrée sur la communauté dans le futur personnalisé - Accès à l'information réservée aux professionnels/ totalement ouvert - Financement du modèle : paiement à l'acte/ paiement au parcours et à l'atteinte des objectifs et valeurs du segment considéré de population  
  • 10 étapes pour réaliser un système personnalisé :

(1) recadrer les perspectives en basculant de ‘quel est le problème' à ‘qu'est ce qui est important pour vous',
(2) Reconsidérer les vrais indicateurs importants pour les segments de populations considérés et leurs valeurs, (3) responsabiliser les citoyens en les aidant à devenir experts,
(4) passer d'un système unique, à un système adapté à plusieurs valeurs, plusieurs cibles,
(5) réduire la compétition et augmenter la collaboration entre professionnels,
(6) accepter la main mise d'une société connectée et du web,
(7) démocratiser l'information médicale, accepter des traces enregistrées, des connections du patient sur son propre dossier,
(8) miser sur l'industrie pour trouver et accompagner de nouvelles solutions,
(9) demander aux citoyens de faire ce travail de valeurs,
(10) Mesurer quels que soient les choix, en se centrant sur les individus et sur les populations

Pour aller plus loin

Snowdon A., Schnarr K., Alessi C. It's all about me, the personalization of health systems, February 2014, Western University Canada 

La personnalisation vue par le patient

La personnalisation pose d'abord la question de ce qui importe vraiment aux patients. L'idée de personnaliser l'approche médicale n'est pas nouvelle, on la retrouve déjà chez Hippocrate. Le concept de salutogénèse décrit par Antonovski en 198O résume bien l'idée de personnalisation (à rapprocher de l'idée de Cirulnik sur la résilience) : épidémiologiste en Israël, il a découvert chez les survivants de l'Holocauste retraités en bonne santé (qui n'ont pas développé de pathologies physiques et mentales), le concept de salutogenèse: le «sense of coherence», ou sens de cohérence, qui permet à certaines personnes de survivre en bonne santé même aux expériences les plus graves. Ce sens de cohérence comprendrait trois critères : compréhension (comprehensibiliy, le regroupement des éléments en un tout consistant), contrôle (manageability, savoir résoudre les difficultés) et sens (meaning, donner du sens à l'expérience). Lindstrom et Eriksson (2011) utilisent l'analogie de ‘rivière de vie' (river of life) pour bien illustrer cette notion de personnalisation; d'un côté, les systèmes de santé offrent des soins ciblés sur les pathologies pour ‘ne pas couler au grès des flots', mais de l'autre, les personnes intègrent ces aides médicales dans des valeurs personnelles de bien vivre et de qualité de vie. Ces valeurs ne sont pas nécessairement alignées avec les propositions du système de santé, mais demeurent la plupart du temps inconnues du système de santé. Evidemment, l'écart de perception qui devrait être un objectif pour mieux personnaliser l'approche, ne reste mesuré par aucun indicateur.

  • L'arrivée de la génomique pose encore plus ces questions de prise en compte des valeurs individuelles : faut-il la proposer à tous, à ceux qui veulent ?, à ceux qui la redoutent ? On voit, comme Arnason (2012) le suggère, que le projet de personnalisation peut aussi bien se traduire par une réduction ou une augmentation (forte) des inégalités, et la capacité à réduire les évènements indésirables peut fortement dépendre des contextes.
  • Par ailleurs on est devant un fait de société. On assiste à une émergence de clients plus exigeants, plus connectés, et plus experts (empowered customers) qui veulent mieux contrôler leur relation à la médecine. L'exigence peut aller jusqu'à pouvoir accéder à tout moment au dossier médical, à prendre connaissance (et parfois demander à corriger) ce que les professionnels écrivent sur ce dossier, et à mettre leurs propres commentaires dans des espaces réservés.
  • Les applications informatiques grand public sont en pleine expansion, avec comme seule limite la confidentialité des données dès lors que l'on parle de son propre cas.

La médecine s'est technicisée rapidement, avec une offre considérable de moyens de surveillance informatique, électronique, et de capacités de monitoring des patients à distance. Mais la pression économique impose aussi des services médicaux (health services) moins coûteux. En bref, l'offre de services de solutions miracles technologiques informatiques continue à augmenter, mais l'usage de masse et l'appropriation systématique et à grande échelle pour tous sans distinction de ces technologies de surveillance de masse ne paraissent pas des solutions du futur ; la pression économique ne va pas dans ce sens, le respect de l'autonomie et des désidératas des patients non plus.

Pendant longtemps, les progrès informatiques sont restés centrés sur les pathologies (disease management) en aidant au diagnostic, et se disant plus ou moins patient centré tout en laissant une place restreinte au patient. Les aides et les systèmes qui leur ont succédé ont progressivement voulu être plus normés, plus portés par la médecine des preuves (Evidence-Based Medicine), imposant une pensée plus unique. Mais la société change (plus de participation demandée), et la médecine aussi (génomique) avec un échappement de l'EBM au profit d'une médecine plus personnalisée. Les modèles d'aides et d'appui actuels à la Qualité et la Sécurité sont très loin de pouvoir prendre en compte ce virage fondamental, ce d'autant que les systèmes de santé sont sous pression, et que l'approche plus personnalisée est immédiatement vécue comme plus coûteuse.

Cet article analyse les espaces de solution à cette conjoncture difficile.

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