Le sujet de la maltraitance ou des maltraitances animales concerne au premier chef le vétérinaire. En effet celui-ci n’est pas en charge de la seule santé animale au sens restreint du terme, à savoir l’absence de maladie ou de blessure. Il est en charge, plus largement, du bien-être animal. Cette mission a parfaitement vocation à s’inscrire dans les démarches de qualité et de sécurité des soins*.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a proposé en 2018 une définition du bien-être animal :
"Le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal." |
Le bien-être animal suppose en premier lieu, pour les espèces animales domestiques, devenues strictement dépendantes de l’homme, une bientraitance de la part des humains, à commencer naturellement et logiquement par les vétérinaires. Le respect des cinq libertés, rappelées par l’Organisation Mondiale de la Santé animale (OIE), doit être en permanence présent à l’esprit du vétérinaire :
Pour le vétérinaire praticien, exerçant en cabinet ou clinique, agir contre les maltraitances comporte deux composantes essentielles : ne pas en commettre dans le cadre de sa pratique et agir hors de son domaine strict en prévenant la maltraitance, en la détectant, voire en la neutralisant ou la faisant réprimer.
Le Dr Michel Baussier, Docteur vétérinaire, répond aux questions du Dr Marie-Christine Moll, directrice scientifique de la Prévention Médicale, au sujet de son dernier ouvrage "La science face à la conscience animale".
Cela revient pour lui et toute son équipe à exercer une médecine vétérinaire volontiers qualifiée aujourd’hui de bienveillante. Bienveillante vis-à-vis de l’animal et aussi de son maître.
Du reste, l’objectif étant un objectif de bien-être, il est admis maintenant que le bien-être animal ne saurait être dissocié du bien-être humain. De la même manière qu’on parle volontiers d’Une Seule Santé (One Health), on parle aussi volontiers maintenant d’Un Seul Bien-être (One Welfare).
Sur le sujet de la médecine vétérinaire bienveillante, le lecteur se reportera volontiers à l’article précédemment disponible sur le site : "Prévenir le drame relationnel : la prise en charge bienveillante de l'animal et de son maître" ou bien à la conférence "La bientraitance de l'animal et de son maître pour prévenir le drame relationnel".
Il s’agit de ce qu’on appelle parfois la maltraitance ou les maltraitances "ordinaires".
De quoi peut-il s’agir ?
La question du secret professionnel se pose mais la loi y répond déjà dès lors que le vétérinaire praticien est aussi vétérinaire sanitaire. Les craintes et difficultés des vétérinaires, derrière le problème très important de la rupture du "contrat de confiance" avec le maître de l’animal, leurs appréhensions, leur inconfort, devraient trouver solution avec la proposition de loi en cours de débat précédemment citée. Il conviendra pour les organisations professionnelles en charge de la formation continue de mettre à disposition des vétérinaires les outils leur permettant de s’engager davantage dans cette voie de prévention et de gestion de la maltraitance animale.
Il n’y a encore pas si longtemps, les vétérinaires essorillaient les chiens (otectomies à des fins esthétiques ou de standard de la race), retiraient les griffes des chats sans se poser vraiment de questions. Ils se contentaient de répondre à la demande de leurs clients pour leur satisfaction dans le cadre d’une démarche répondant en fait à la seule exigence de qualité, qualifiée dans d’autres secteurs de qualité commerciale.
Les bonnes pratiques vétérinaires bannissaient simplement les pratiques douloureuses. L’acte chirurgical était incontestablement dans la quasi-totalité des cas de qualité quand il était pratiqué par un vétérinaire. En France la caudectomie à des fins non médicales reste admise légalement ; elle est simplement encadrée.
N’appartiendrait-il pas à une profession responsable et résolument engagée sur le terrain du bien-être animal, lequel devrait être son terrain de prédilection, d’agir pour la suppression de ces dernières mutilations existantes ? Le loup souffre-t-il réellement dans la nature du fait que personne ne vienne lui couper la queue de son vivant ? La queue apparaît-elle comme un organe que l’évolution par sélection naturelle ou plutôt par sélection humainement modifiée, devrait amener résolument à faire disparaître ? Ou conviendrait-il vraiment d’anticiper par un acte chirurgical une telle évolution qui serait perçue comme nécessaire ?
Aujourd’hui la profession vétérinaire, à peu près dans le monde entier, et notamment en France, est engagée dans la lutte contre les hypertypes. On pense aux races brachycéphales, mais aussi à celles aux plis cutanés surabondants, à celles à la colonne vertébrale démesurément allongée entre la ceinture scapulaire et le bassin, etc… La liste est assez longue des excès capricieusement commis par l’homme au cours des deux derniers siècles notamment, pour sa seule satisfaction esthétique, voire artistique, et préjudiciables à la bonne santé de ces animaux, voire plus globalement à leur bien-être.
Il s’agit bien de maltraitance par l’Homme. Voilà de réels organismes génétiquement modifiés que tant d’écologistes militants promènent allègrement et sans se remettre en cause au bout d’une laisse en allant manifester contre les OGM, voire en allant détruire des plantes génétiquement modifiées dans les champs de l’INRAE !
La profession de vétérinaire, en remettant en cause les hypertypes chez les animaux de compagnie, se comporte assurément comme une profession responsable, engagée dans une démarche éthique, en amont de sa déontologie. C’est tout à son honneur, même si on peut toujours facilement penser aujourd’hui qu’elle aurait pu réagir plus tôt.
Il y a, s’agissant des animaux de compagnie, le domaine dit des nouveaux animaux de compagnie (NAC), sans doute dénommé globalement comme cela à tort, dans la mesure où on rassemble sous cette dénomination des espèces sauvages, voire des espèces sauvages exotiques, et des espèces considérées aujourd’hui comme domestiques.
Il y aurait lieu de ne retenir que les espèces dont le caractère domestique est incontestablement affirmé. Les animaux de compagnie sont par essence des animaux domestiques. On ne saurait parler de NAC pour des animaux d’espèces toujours sauvages, a fortiori quand elles sont exotiques. Les animaux d’espèces sauvages ont-ils leur niche écologique dans une habitation humaine, a fortiori en ville ? Peuvent-ils y exercer leurs cinq libertés ?
Il appartient à la profession vétérinaire mondiale d’entreprendre aujourd’hui pour les NAC la réflexion et la démarche entreprises pour les hypertypes. Elle serait pleinement dans son rôle. Dans l’immédiat, chaque praticien, dans son établissement de soins, se doit d’y réfléchir et d’ores et déjà de dialoguer avec les propriétaires de ces animaux devenus ses clients, pour évoquer, au-delà de la seule santé de ces animaux, les questions de fond liées à leur bien-être et à celui de leur place et de leur rôle dans l’écosystème global.
Agir contre la maltraitance des animaux, c’est d’abord naturel pour un vétérinaire, c’est aussi tout l’honneur de la profession.