Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : prévention des erreurs médicamenteuses en anesthésie pédiatrique, aspects légaux de la sécurité du patient, taux de mortalité des plus de 75 ans atteints d'un cancer...
Les équipes chirurgicales constituées d’un même groupe de professionnels travaillant ensemble sur de longues périodes (dedicated operating teams) demandent de substantiels efforts organisationnels, mais sont aussi citées comme de bonnes solutions pour améliorer la communication dans l’équipe, et globalement pour la qualité et la sécurité des soins.
Une revue de littérature des articles publiés sur le sujet jusqu’en juin 2022 fait le bilan des résultats de ces initiatives. 44 articles sont inclus dans la revue. Les équipes constituées et pérennes s’associent à une mortalité réduite, un turnover de personnels inférieur, des gains de travail collectifs, de communication et de coûts. Par contre, les résultats classiques de sécurité pour le patient (Nombre de complications, taux de réhospitalisation, durée d’hospitalisation, ne sont pas significativement différents pour ces équipes).
Les résultats vont donc plutôt d’abord dans le sens d’une amélioration rapide de la satisfaction des professionnels impliqués dans l’équipe. Toutefois, les articles montrent sans doute aussi la nécessité de se donner du temps pour obtenir des résultats sur le patient. Seules les équipes constituées depuis longtemps ont eu un bénéfice pour ces résultats patients.
Étude canadienne multicentres de la sécurité des urgences pédiatriques basée sur l’observation de 168 vacations de 8 heures dans 9 urgences pédiatriques. Mesure des EIG (événements indésirables graves) dans les 21 jours suivant le passage aux urgences.
Les résultats portent sur 6 376 enfants, dont 6 015 ont pu être suivis sur 21 jours. L’âge médian était de 4,3 ans (1,6 - 9,8).
Sur ce total, 169 enfants (3 %, 1 sur 33) ont subi au moins un EIG (187 EIG au total). Sur ces 187 EIG, 143 ont été jugés évitables.
Les défaillances d’organisation (52,4 %) et les erreurs de diagnostic (19,3 %) sont les erreurs les plus fréquentes.
42,2 % des EIG ont résulté à une ré-hospitalisation, dont 1,6 % une admission en réanimation.
On retrouve aussi une sensibilité des groupes de populations fragiles socialement.
Étude longitudinale conduite sur 3 groupes d’hôpitaux anglais, portant sur 19 287 journées d’hospitalisation, 66 923 admissions prises en charge par 4 498 infirmier(e)s dans 53 services d’aigus dans l’année 2017.
On retrouve un lien statistique entre le nombre d’infirmiers qualifiés/certifiés et la mortalité (OR 0.9883, 95 % CI 0.9773-0.9996, p=0.0416). Par contre, on ne retrouve aucun lien entre le nombre des autres professionnels de l’équipe de soins (aides-soignants, psychologues et autres) et la mortalité.
Un infirmier de plus dans l’équipe d’un service sur 12 h est associé à une réduction de la mortalité de 9,6 % (OR 0.9044, 95 % CI 0.8219-0.9966, p=0.0416). Toutefois, ce résultat dépend aussi de la séniorité de l’infirmier.
En effet, l’ajout d’un infirmier senior a 2,2 fois plus d’impact que l’ajout d’un infirmier junior (OR 0.9760, 95% CI 0.9551-0.9973, p=0.0275).
Étude conduite entre mai et juillet 2016 en France sur la prise en charge par un panel de médecins généralistes des patients multimorbides poly-médiqués.
La méthode consiste à l’exploitation de questionnaires adressés à 1183 généralistes français pour évaluer la qualité de leur coopération avec les autres professionnels de santé du territoire afin de réduire les erreurs médicamenteuses dans la prise en charge de leurs patients multimorbides.
L’exploitation du questionnaire a permis de déterminer 4 profils de généralistes :
Les diagnostics par questionnaire de la culture de sécurité dans les hôpitaux, devenus quasi systématiques depuis plusieurs années, révèlent souvent des failles multiples dans l’implication de la direction, la perception qu’on peut faire beaucoup mieux en sécurité, une attitude peu transparente vis-à-vis des erreurs, une culture encore trop punitive avec un manque de confiance,…
Bref, un résultat qui paraît presque toujours motiver un changement désirable de culture de sécurité à inscrire dans le projet de l’hôpital.
C’est un terrain des consultants spécialisés. L’article narre une de ces interventions effectuées par le cabinet MacKenzie qui promet une stratégie de changement (de la culture) visant le zéro défaut et le zéro EIG en moins de 3 ans.
La méthode s’appuie sur 5 piliers :
Les résultats montrent qu’en moins de 1 an, le signalement des EI a augmenté de 37 %, alors que les chutes graves ont été réduites de 39 %, les escarres de 37 %, et les infections sur voies veineuses centrales de 34 %. La réconciliation médicamenteuse s’est améliorée de 3,3 %.
Partout, la conscience partagée de la situation s’est améliorée, avec plus de discussion et échanges autour du cas de chaque patient.
Mon avis
Les consultants considèrent que l’intervention est bien partie sur les bases promises à 3 ans. Mais comme souvent, c’est le long terme qui dira si les gains sont pérennes… une fois le consultant parti.
Analyse de la littérature des aspects légaux de la sécurité du patient.
1 295 publications incluses, ayant en moyenne 13,8 citations et un h.Index de 57.
78,8 % des publications sont récentes, postérieures à 2010, principalement d’origine américaine et encore plus dans les temps récents. Un total de 79,2 % (1 025) est des articles originaux, et 12,5 % des revues de littérature.
Les auteurs les plus nombreux viennent des États-Unis et d’Espagne. Les top institutions par nombre d’articles publiés sont des États-Unis et du Royaume-Uni avec Harvard comme premier lieu. La médecine interne, la chirurgie, et les soins infirmiers sont les disciplines les plus concernées et citées.
Concernant les thèmes, ce sont d’abord les questions de réformes de l’indemnisation des victimes (73), suivi du besoin de transparence accru (67) et des incitations financières pour améliorer la sécurité (38).
L’objectif de cette étude est d’évaluer l’association entre le coût infirmier par unité de lit en soins intensifs et les résultats pour les patients (mortalité, réadmission et durée de séjour).
La méthode repose sur une étude de cohorte rétrospective utilisant les données recueillies dans les unités de soins intensifs de 17 hôpitaux belges du 1er janvier au 31 décembre 2018.
Les hôpitaux ont été dichotomisés en utilisant le coût annuel médian des soins infirmiers par lit. Un total de 18 235 séjours en unité de soins intensifs a été inclus dans l’étude avec 5 664 séjours dans le groupe de soins infirmiers à faible coût et 12 571 dans le groupe de soins infirmiers à coût élevé.
Le taux d’outliers (données aberrantes) avec une durée de séjour élevée en unité de soins intensifs était significativement plus bas dans le groupe de soins infirmiers à coût élevé (9,2 % contre 14,4 %), comparativement au groupe de soins infirmiers à faible coût.
Les réadmissions en unités de soins intensifs ne différaient pas significativement entre les deux groupes. La mortalité en unité de soins intensifs (9,9 % contre 11,3 %) et à l’hôpital (13,1 % contre 14,6 %) était plus basse dans le groupe de soins infirmiers à coût élevé.
Le coût infirmier par unité de lit en soins intensifs était différent entre les deux groupes, avec un coût médian de 159,38 € [140,307-166,690] pour le groupe de soins infirmiers à faible coût et 214,03 € [198,094-230,058] pour le groupe de soins infirmiers à coût élevé.
Dans l’analyse multivariée, la mortalité en unité de soins intensifs (OR=0,80 ; IC95 [0,69-0,92] ; p<0,0001), la mortalité à l’hôpital (OR=0,82 ; IC95 [0,72-0,93] ; p<0,0001), et le nombre d'outliers avec une durée de séjour élevée (OR=0,48 ; IC95 [0,42-0,55] ; p<0,0001) étaient plus bas dans le groupe de soins infirmiers à coût élevé.
Cependant, il n'existait pas de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne les réadmissions en soins intensifs (OR=1,24 ; IC95 [0,97 - 1,51] ; p>0,05).
Cette étude révèle que des soins infirmiers à coût plus élevé sont associés à des taux de mortalité significativement plus faibles en unité de soins intensifs et à l’hôpital, ainsi qu’à un nombre plus bas d’outliers avec une durée de séjour élevée, mais n’ont pas d’impact significatif sur les réadmissions en unité de soins intensifs.
Analyse de la littérature sur les erreurs médicamenteuses en anesthésie pédiatrique. 39 articles ont été inclus dans la revue.
Les erreurs de dosage sont les plus fréquentes. 33 scénarios de génération d’erreurs et 36 solutions pour les réduire ont pu être extraits de ces 39 publications.
Parmi ces recommandations :
Les auteurs concluent que la meilleure observance des recommandations est une dimension importante dans la sécurisation de la pratique de l’anesthésie pédiatrique.
Le cancer est devenu un des principaux "tueurs" de l’humanité par le fait de sa présence croissante chez une population de plus en plus âgée.
L’étude analyse le taux de mortalité des patients de plus de 75 ans atteints de 29 types de cancer (données collectées dans la base du Global Burden of disease) dans 204 pays et régions, en faisant une comparaison longitudinale entre 1990 et 2019.
En 2019, le nombre de nouveaux cancers et la mortalité chez les personnes de plus de 75 ans liée au cancer étaient de 3 à 4,5 fois plus élevées qu’en 1990. La mortalité s’est réduite de façon continue, mais légèrement entre 1990 et 2019. Ces résultats moyens recouvrent en fait de larges différences selon le sexe, l’âge, la région et le niveau de richesse.
Le taux de cancers est plus élevé chez les hommes, avec un taux maximal en Amérique du Nord. Il est 7 fois plus élevé dans les basses catégories socio-professionnelles (CSP), et la mortalité augmente même pour ces CSP pauvres alors qu’il baisse pour toutes les CSP plus favorisées.
On voit depuis les années 2000 la mise en place croissante dans les hôpitaux du monde entier d’équipes d’intervention rapide (RRT Rapid-Response Team) capables d’être appelées 7/24 par les services de l’hôpital en cas d’aggravation brutale et de détresse vitale d’un de leur patient.
Cette étude brésilienne évalue la capacité de ces équipes à porter le bon diagnostic quand elles sont appelées, en comparant leur prise en charge au constat d’autopsie post-mortem qui a suivi le décès du patient.
Un total de 104 cas d’interventions sont inclus dans l’étude et analysés par autopsie post-mortem.
Sur ce total, 39 (37,5 %) interventions ont posé un mauvais diagnostic.
Les causes réelles de mort telles qu’elles ressortent à l’autopsie étaient infectieuses (36 %), par embolie pulmonaire (23 %), et par choc hémorragique (21 %).
L’embolie pulmonaire est de loin la source d’erreur la plus fréquente (23 % vérifiées par autopsie versus 3 % de diagnostics portées par les équipes d’intervention rapide, P = 0.002).