Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : suivi postopératoire en soins de ville, quand faire des briefings d'équipe, aide à la surveillance des médicaments à hauts risques, check-list chirurgicale et travail d'équipe au bloc...
Cette équipe d’Ontario au Canada propose une revue de littérature avec méta-analyse centrée sur l’efficacité des transitions de soins en post-op qui s’appuient sur l’aide de la famille et du patient.
La revue inclue tous les articles publiés jusqu’en mars 2021 en anglais et en français. Sur 10 021 articles candidats, 50 ont été finalement retenus dans la revue de littérature pour leur qualité méthodologique et leur pertinence et 44 dans la méta-analyse.
Les résultats montrent qu’une approche participative organisée, et centrée patient-famille dans le retour post-op à domicile réduit le risque de réadmission en comparaison d’une approche classique mais sans cette dimension d’aide ; par contre le risque d’une simple visite/passage aux urgences n’est pas réduit.
Cette étude sur grande cohorte compare le pronostic à 30 jours post-op de patients admis en chirurgie en urgence, selon la qualité du suivi post-op en soins primaires.
La cohorte nationale américaine porte sur 345 360 patients (74,4 ans en moyenne, 54,4 % de femmes) soignés sous le système Medicare/Medicaid (la sécurité sociale américaine des plus de 60 ans) ayant subi une intervention chirurgicale en urgence entre 2016 et 2018.
L’analyse porte sur les résultats post-op à 30 jours après sortie de l’hôpital, particulièrement le taux de réhospitalisation, toutes données ajustées.
Sur ce total de 345 360 patients :
Après ajustement de toutes les données, les patients ayant bénéficié d’un suivi par un médecin généraliste en post-op ont 67 % de chance supplémentaires de ne pas être réhospitalisés en comparaison des patients non suivis. Ceux qui ont reçu un traitement initié par le généraliste ont même 79 % de chance supplémentaires de ne pas être réhospitalisés, qu’il s’agisse de traitement en lien avec la chirurgie, ou en lien avec l’état général de ces patients.
Les problèmes d’infections, problèmes cardiaques et rénaux, sont les plus fréquentes causes de ré hospitalisation.
Sans surprise, les auteurs confirment, à partir de cette grande cohorte et avec une bonne puissance expérimentale, l’intérêt évident à bénéficier d’un suivi médical en médecine générale en post-op.
L'utilisation de la check-List chirurgicale de l’OMS est devenue une bonne pratique mondiale avec ses trois phases ritualisées :
Au-delà du côté mémo, ce temps de check-list est une occasion de partage et de construction du travail d’équipe, parfois au-delà de ce qui est strictement dans la C/L.
Les très nombreuses évaluations, revues de questions et méta-analyses, réalisées depuis sa mise en place montrent de nombreux manques de conformité (12 à 100 % selon les revues), des manques répétitifs (particulièrement le timeout mal réalisé). Les causes en sont bien connues : disponibilité des acteurs dans la salle d’opération, programmes trop denses, des organisations peu favorables, et un modèle unique pour tous, sans adaptation aux cas particuliers.
Mais l’auteur de ce point de vue fait remarquer que ces écarts mesurés sont souvent moins importants que la réalité de ce qui est contrôlé vraiment. Dans beaucoup de cas, la C/L est réalisée apparemment bien, mais sans réalité sur le fond, comme une routine sans valeur ajoutée réelle.
Les accidents observés sur terrain sont en fait plus en lien avec les contrôles cochés mais non effectués qu’avec les apparentes conformité de la C/L. La mesure de la fidélité de ces apparentes conformités devrait devenir la priorité des approches de sécurisation au bloc.
Il faut favoriser l’utilisation d’outils capables d’analyser les pratiques réelles. L’auteur cite par exemple le système NOTECH – (Non-technical skills) d’évaluation des CRM (crew resources managemet), ou le système proposé par l’OMS (Behaviourally Anchored Rating Scale) dans la même veine, tout en soulignant que ces systèmes d’évaluation sont demandant en formation, puis en conditions d’évaluation (ressources, etc.).
D’autres options peuvent être proposées, notamment l’outil récemment proposé de "CheckPOINT" (Checklist Performance Observation for Improvement tool) développé par des cliniciens (Moyal-Smith et al, 2023).
Dans tous les cas, il s’agit de quitter un mode d’évaluation de la C/L presque uniquement basé sur le contrôle du remplissage des cases de la fiche de C/L a posteriori, pour adopter une analyse plus sur le fond et sur la pratique réelle.
Les briefings et débriefings améliorent le travail d’équipe et servent la sécurité. Le principe est acquis, mais la variété des pratiques est encore immense.
Cette revue de littérature nous donne l’état des connaissances et des recommandations sur le sujet. Elle porte sur 46 articles.
Les variations dans la pratique des briefings relèvent trois grandes dimensions :
De façon générale, il ne ressort pas dans les études de solutions suffisamment démontrées pour préférer un réglage particulier sur ces 3 dimensions.
Tout reste à faire, avec plutôt l’idée de grandes catégories de contextes chacun pouvant bénéficier d’un réglage peut-être plus standardisé qui ferait avancer ces pratiques, mais en tout cas pas d’une solution qui deviendrait unique pour tous et partout.
Cette étude rétrospective sur les données américaines Medicare-Medicaid comparent les remboursements des mêmes actes génériques de neurochirurgie réalisés par des chirurgiens femmes vs leurs collègues masculins.
Les données ont été collectées entre 2013 et 2021. Sur un total de 6 052 neurochirurgiens (5 540 hommes, 512 femmes), la facturation par les chirurgiens féminins est très significativement inférieure à celle de leur collègues masculins (moyenne femme, $395 851.62 annuel [$19 449.39 par intervention] vs $766 006.80 [$11 751.66]; P < .001) et il en va de même du remboursement ($69 520.89 [$2701.30] vs $124 324.64 [$1467.93]; P < .001).
Cette différence persiste quel que soit l’ajustement médical des données et semble liée avant tout au codage des actes par les unes et les autres (et en l’occurrence au surcodage systématique des collègues masculins), ce qui renvoie à l’urgence d’un recadrage d’état et d’une éducation globale des acteurs du systèmes de soins.
La mortalité a varié de facteur presque 100 entre pays pendant la crise Covid, en dépit de la mise en place de mesures non médicamenteuses assez comparables (dépistage, isolation, etc.). Les différences sur le PIB, âge moyen des populations, voire intensité et rigueur des politiques publiques, n’expliquent que de minimes différences.
Les auteurs ont analysé les données sanitaires et sociologiques disponibles pour avancer d’autres explications. Un des éléments qui revient comme explication majeure est la différence de réactivité et réceptivité des communautés citoyennes aux annonces statistiques de risque mortel du Covid, et au suivi des recommandations qui restreignent leur liberté.
Cette réactivité dépend de deux dimensions :
Évidemment, d’un point de vue efficacité, une réactivité plus grande diminue la mortalité.
Les auteurs concluent sur le fait qu’il n’y a finalement que très peu de corrélation entre les les décisions des politiques publiques en matière d’isolement/stratégies préventives et la mortalité réelle, car c’est la variable de réaction culturelle de la population qui compte beaucoup plus.
Exploitation de questionnaires adressées aux autorités des 30 pays européens sur la nature et la performance des parcours cliniques mis en place en soins primaires pour traiter pendant la pandémie la masse de Covid ne demandant pas d’hospitalisation.
Au bilan, on retrouve des différences sensibles entre pays, particulièrement entre pays de l’Europe de l’ouest et pays de l’Europe de l’est.
La surveillance du risque médicamenteux, de sa prescription à son administration et aux effets secondaires, reste un point clé dans la réduction des événements indésirables (EI) hospitaliers.
Cette équipe hospitalière japonaise teste un nouveau système informatique d’aide clinique qui alerte sur les risques d’EI graves dans des CHU. L’étude a été conduite sur 2 ans sur le principe d’un protocole avant-après introduction de l’aide.
Le système a automatiquement fourni des alertes pour les tests de la fonction hépatique pour la vildagliptine, les tests de la fonction thyroïdienne pour les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire (ICI- appelé aussi inhibiteur de checkpoint pour reprendre la terminologie anglosaxonne-) et les inhibiteurs de multikinase (MKI), ainsi qu'un examen des yeux à la lampe à fente pour l'amiodarone orale lorsque les patients externes se voyaient prescrire les médicaments dont la prise n’était pas contrôlée sur la période déterminée.
Ces tests de contrôle sont demandés au laboratoire automatiquement par le système d’aide s’il est activé. On mesure le nombre et la nature des tests demandés. On compte 330 prescriptions de vildaglipine avant l’introduction du système d’aide, 307 après, 20 prescriptions d’ICI et MKI avant, 19 après, et 72 prescriptions d’amiodarone avant, 66 après.
Les résultats comparatifs montrent une nette réduction des événements indésirables après. Les alertes diminuent progressivement et les contrôles cliniques augmentent.
L’idée et la démonstration de l’utilité de déclarer et exploiter des presque-accidents (near-misses) n’est pas nouvelle dans la santé, elle est apparue il y a plus de 20 ans.
L’avantage des presque-accidents est leur richesse, en nombre, en utilité pour la prévention car ils sont supposés avoir les mêmes précurseurs que les accidents réels, sans oublier qu’ils renseignent aussi de façon précieuse sur la barrière qui a empêché le presque-accident de se transformer en accident. Pour autant, la réalité de leur usage en santé est relative.
Les auteurs anglais de l’étude (Nottingham) proposent une analyse les pratiques et apprentissages actuels, leur nature, leur transcription pour la sécurité, dans les différents secteurs de la santé (hôpital, soins primaires) au Royaume-Uni (RU).
17 entretiens ont été réalisés dans cette étude avec différents acteurs du système de santé du RU. Les résultats sont globalement négatifs :
Intervention au bloc dans deux CHU de Singapour pour améliorer la pratique de la check-list (C/L) chirurgicale et le travail d’équipe.
L’intervention a consisté à proposer une version améliorée de la C/L en novembre 2021, plus complète (sur l’avant, le pendant et l’après, et à chaque étape sur la meilleure pratique possible issue des connaissances en sciences sociales et sécurité).
La mesure d’efficacité repose sur deux observateurs en salle d’opération, et combine le taux d’observance apparente de la C/L, la réalité des contrôles pratiqués et la façon de faire sur la forme et le fond, ainsi que les interruptions et leurs raisons.
La grille d’analyse reprend la grille NOTECH développée par Rhona Flin en Ecosse dans les années 90 pour évaluer les comportements non techniques des pilotes (les CRM) et, par extension, des CRM appliqués à d’autres domaines comme la santé. La mesure s’appuie aussi sur une évaluation de l’évolution de la culture de sécurité.
L’évaluation globale porte sur 252 réalisations de C/L. La pénétration de la pratique de la C/L était déjà bonne avant la modification proposée, mais s’est encore améliorée après ré-implémentation, de même que 9 items sur 12 du questionnaire culture de sécurité. Ces améliorations se traduisent dans les premières évaluations par une réduction des événements indésirables, de la mortalité et des complications les plus graves.
On peut aussi noter que l’effet ré-implementation est certes lié à l’outil, mais il est forcément favorisé par des actions de circonstance, particulièrement la priorité remise sur ce sujet par les autorités de Singapour.