Les urgences médicales en cabinet dentaire représentent des situations cliniques imprévues pouvant mettre en cause le pronostic vital du patient. Ces situations sont rares et, de ce fait, l’équipe est souvent mal préparée à y faire face.
Les gestes qui sauvent ne sont pas naturels (car peu pratiqués), la trousse d’urgence n’est pas toujours complète, accessible et à jour, et l’entretien avec le patient sur ses facteurs de risques non systématique.
Le rôle de l’équipe soignante est cependant de détecter les situations à risque et, devant la survenance de l’événement, être en mesure de réagir de manière appropriée en utilisant les moyens disponibles et adaptés à chaque situation pour éviter toute séquelle.
Il est donc indispensable que le praticien :
Plusieurs éléments permettent d’anticiper ou de faire face à ces situations à risque.
L’enquête médicale préalable aux soins représente un outil de prévention important. Pour des raisons médico-légales, il doit se matérialiser par un document écrit daté et signé par le patient.
Le document écrit doit être simple, clair, compréhensible, complet, révéler l’état civil du patient et son état de santé actuel. Il est également conseillé d’y faire figurer les traitements médicaux et chirurgicaux antérieurs ou à venir, ainsi que les coordonnées complètes du médecin traitant.
Il existe de nombreux modèles de questionnaire. L’ANAES proposait le questionnaire élaboré par le CHU de Reims (page 52) :
Ce questionnaire doit impérativement être complété par un entretien oral qui révélera notamment les antécédents de malaise (et les conditions dans lesquelles le malaise s’est produit) ou de suites anormales de soins (saignement anormaux, prise médicamenteuse associée à des complications…) et leur fréquence.
L'enquête médicale doit être régulièrement mise à jour.1,2,3
Le questionnaire doit permettre de détecter les situations à risque. Ainsi, le praticien aura l’opportunité d’inciter le patient à signaler l’apparition de symptômes anormaux.
C’est également l’occasion d’informer l’assistante des signes cliniques à surveiller de façon à intervenir le plus vite possible, éviter les malaises ou prévoir les actes à réaliser.
L’article R4127-205 du code de la santé publique mentionne que tout chirurgien-dentiste doit porter secours d'extrême urgence à un patient en danger immédiat si d'autres soins ne peuvent lui être assurés.
Ces événements sont plutôt rares en pratique dentaire et représentent un véritable défi pour l’ensemble de l’équipe soignante. Le stress et les incertitudes peuvent entraîner des erreurs et faire perdre un temps précieux. Sans avoir à établir un diagnostic précis, le chirurgien-dentiste doit être capable de mettre en œuvre les premiers gestes permettant d’éviter ou limiter l’aggravation de l’état général ou le risque de séquelles. Un matériel spécifique et une trousse d’urgence permettent une meilleure prise en charge de ces situations à condition que l’équipe soit formée (article R4127-214).
L’Ordre national des Chirurgiens-dentistes rappelle l’obligation de posséder une trousse d’urgence. Le contenu n’est pas défini par la réglementation et la liste des produits préconisés varie selon les auteurs. Leur nombre peut excéder la vingtaine pour s’adapter au maximum de situations4, mais il convient de rappeler que la surabondance du matériel d’urgence peut être contre-productive en cas de situation grave, car elle peut faire obstacle à l’efficience et à la rapidité d’intervention5.
La trousse d’urgence doit être organisée pour permettre une utilisation simple en situation critique. Elle doit être complète, à jour et localisée dans un endroit visible et facilement accessible de l’équipe de travail6.
L’article R4127-204 du Code de la santé publique mentionne : « Sauf circonstances exceptionnelles, il [le chirurgien-dentiste] ne doit pas effectuer des actes, donner des soins ou formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent sa compétence professionnelle ou les possibilités matérielles dont il dispose ».
C’est pourquoi une formation est recommandée. Plusieurs structures (CESU, universités...) proposent des formations AFGSU à deux niveaux : niveau 1 pour les assistantes dentaires et niveau 2 pour les chirurgiens-dentistes.
On ne soulignera jamais assez l’impact de l’entrainement pour faire face à des situations à risques rares. Des structures de simulations en santé proposent ainsi des programmes d’entrainement spécifiquement adaptés à la pratique en dentisterie.
Tableau : Proposition de contenu de la trousse7
Indication | Molécule | Nom commerciale | Voie | Posologie | Contre-indication dans le cadre de l'urgence |
Malaise vagal | Atropine Aguettan | SC | 05, à 1 mg | Aucune | |
Œdème de Quincke | Anahelp®, Anapen® | IM | 0,5 mg | Aucune | |
Coma hypoglycémique | Glucagen Kit® | IM | 1 mg | Hypoglycémie due aux sulfamides | |
Hypoglycémie |
| Orale |
| Aucune | |
Détresse vitale/inconscience |
| Inhalation Insufflation | 9 L/minute 15 L/min | Aucune | |
arrêt cardio-respiratoire |
| Im |
| Aucune | |
Crise d'asthme chez un asthmatique connu | Ventoline® | Inhalation | 2 bouffées | Aucune | |
Asthme aigu grave | Terbutaline 7 | Bricanyl® | SC | 1 mg | Aucune |
Douleurs coronariennes chez un coronarien connu | Natyspray® | Sublinguale (patient position assise ou allongée) | 0,30 mg | Hypotension artérielle (PA <10) |
Certains patients sont munis de leur propre trousse d’urgence (notamment pour ceux qui se savent allergiques)16, 17, 18. Il s’avère qu’en pratique, les patients disposant de leur dispositif injectable tardent ou n’osent pas faire l’injection.
D’où l’importance de l’éducation du patient, de son entourage, et du corps médical19.
L’utilisation de la trousse d'urgence n'est pas le seul geste que doit effectuer l'équipe soignante.
Le personnel ou le praticien doivent pouvoir déclencher une alerte précoce en appelant le 15 depuis un téléphone fixe ou portable (ou le 112 depuis un téléphone portable en dehors de couverture par le réseau). Le récit doit au moins préciser si la victime est consciente et si pouls et respiration sans assistance sont présents. Sans omettre d’indiquer l’adresse précise à laquelle doivent se rendre les secours. Malgré les circonstances stressantes, le rappel des symptômes et des gestes associés aux situations d’urgences les plus fréquentes dans un cabinet permettront à l’équipe de réagir tout en gardant son calme.
Il faut également envisager la possibilité d'imprévus dans l'utilisation de la trousse d'urgence. Dans cette hypothèse, les gestes de secours doivent être connus du praticien.
1 - Sensation de malaise
Dès que le patient exprime une sensation de malaise ou présente des signes de malaise, il faut :
Si les symptômes persistent ou s’aggravent on peut demander une assistance médicale adaptée.
1.1 - Malaise vagal
Étourdissement, nausées et pâleur, brève perte de conscience.
C’est le malaise le plus fréquent.20,21
1.2 - Hypoglycémie
Confusion, désorientation, agressivité, incohérence, perte de conscience. Le patient est souvent conscient du problème et demande du sucre.
1.3 - Hypotension orthostatique
Sensation de vertige, rétrécissement et obscurcissement du champ visuel, dérobement des jambes, survenant au moment du passage de la position allongée à la position debout.
1.4 - Crise de spasmophilie
Épisodes de tétanie, hyperventilation, paresthésies des extrémités et du visage.
2 - Convulsions
Absence de réponse, secousses désordonnées des membres, éventuelle incontinence urinaire.
3 - Hémorragie
4 - Obstruction des voies aériennes
Possible toux ou étouffement, sifflement, cyanose dans les cas graves.
Si un corps étranger est tombé dans la gorge, contrairement à une idée reçue, l’absence de toux ne signifie pas que l’objet n’est pas passé dans les voies aériennes. Au moindre doute, le patient doit être examiné à l’hôpital.
5 - Arrêt cardio-ventilatoire
Absence de réponse, absence de respiration, absence de pouls.
La survenue de situations médicales d’urgence en cabinet est inhabituelle à l’échelle d’un praticien et de son équipe.
Près de 10 % des praticiens déclarent ne jamais avoir été formés pour la prise en charge des urgences médicales. Pour 40 % des praticiens formés, la dernière formation a eu lieu il y a plus de 4 ans. Une large majorité des praticiens se sent capables de gérer un malaise, tandis que moins de la moitié se sent en mesure de gérer un arrêt cardiaque.22
La prévention des incidents se fera grâce à un questionnaire adéquat et renouvelé régulièrement, permettant de prévenir les situations critiques. Devant la survenance du risque, l’intervention du professionnel devra être rapide et efficace. Il sera donc essentiel qu’il observe les symptômes suspects et incite son patient à signaler les signes d’alerte, notamment ceux que le praticien aura pu lui indiquer au cours d'un entretien préalable.
Le traitement devra être accessible, à jour et connu de l’équipe.
Les thérapeutiques d’urgences sont moins bien connues si elles ne sont pas pratiquées ou rappelées régulièrement. De ce fait, la formation continue est un moyen de réactualiser ses connaissances et d’être plus confiant dans ses capacités à pouvoir assurer une maîtrise de ce genre de situation.20-23-24-25-26
Pour en savoir plus sur la pratique de la simulation en santé, contactez-nous à l'adresse suivante : contacts@prevention-medicale.org