Des vétérinaires sont reconnus responsables d'un retard de diagnostic du virus BVD. De plus ils ont failli à leur obligation car ils n'ont pas effectué les contrôles sanguins et vaccinations nécessaires.
Les faits principaux se déroulent en 2007.
Monsieur E a une activité d’élevage bovin, il a un troupeau de 150 mères et produit annuellement 200 taurillons, en introduisant régulièrement des broutards. Le troupeau reproducteur et l’atelier de taurillons sont en théorie séparés.
Son élevage est suivi jusqu’en décembre 2007 par les Docteurs vétérinaires associés A, B, C et D (Cabinet ABCD).
Historique sanitaire : en 1998, un broutard, parmi les très nombreux broutards régulièrement introduits sur l’exploitation se révèle être infecté par le virus BVD (Maladie des muqueuses), il est immédiatement éliminé. Diverses analyses isolées effectuées dans des circonstances et pour des motivations diverses entre 1998 et 2006 sont négatives en BVD. Notamment des recherches effectuées en août et novembre 2005 sur trois bovins sont négatives. Des analyses virologiques par PCR ont alors été proposées à l’éleveur mais refusées par celui-ci en raison de leur coût jugé trop élevé.
En tout état de cause l’état sanitaire du troupeau est tout à fait satisfaisant jusqu’en novembre 2006 : le taux de fertilité des vaches est normal en 2005 et 2006 ; le taux de mortalité dans l’élevage est normal en 2005 et 2006 jusqu’au mois de novembre. La recherche d’une infection par le virus BVD des animaux introduits dans l’élevage n’était pas systématique jusqu’en novembre 2006.
A partir de novembre 2006 sont observées dans l’élevage des gastro-entérites néonatales avec une mortalité élevée des veaux de moins de six mois. Des colibacilles et des rotavirus sont identifiés. Dans le même temps les vétérinaires suspectent une carence en iode, cuivre et sélénium et font faire des apports compensateurs. Une légère amélioration de l’état sanitaire du troupeau semble être observée début janvier 2007.
Mais l’état du troupeau se dégrade rapidement à nouveau. En avril 2007 des prélèvements sérologiques sur un lot-sentinelle sont effectués et conduisent alors, combinés à des recherches antigénémiques, au diagnostic d’infection du cheptel par le virus BVD. Un animal infecté permanent immunotolérant (IPI) est détecté puis rapidement plusieurs autres diagnostics positifs sont confirmés (autres IPI identifiés), le diagnostic d’une infection de l’élevage par le virus BVD est alors clairement établi. Les éléments du diagnostic permettent de situer la date de l’infection de l’élevage en réalité à début 2005.
Un plan d’assainissement contractuellement établi entre l’éleveur, ses vétérinaires et le Groupement départemental de défense sanitaire est signé en avril : il comporte l’élimination immédiate des IPI, le contrôle sérologique des animaux de moins de 24 mois, y compris les broutards, et la vaccination immédiate des reproducteurs.
Les animaux IPI sont éliminés avec une certaine inertie par l’éleveur.
Les animaux reproducteurs sont tous au pâturage et les vétérinaires ne réalisent pas dans les délais contractuellement fixés les contrôles sanguins ni la vaccination prévue. Vétérinaires et éleveur se rejettent la responsabilité de ce retard d’exécution.
Le retard au diagnostic entre 2005 et avril 2007 est reproché par Monsieur E à ses vétérinaires ABCD. De même le long délai, voire l’absence de mise en place à partir d’avril des mesures auxquelles ils s’étaient contractuellement engagés conduit à une mise en cause de la responsabilité civile professionnelle des vétérinaires. Les vétérinaires sont reconnus responsables par une décision de justice confirmée en appel, mais seulement pour un retard de diagnostic portant sur une période réduite, allant de janvier 2007 à avril 2007.
L’événement indésirable grave relaté est constitué par un certain retard au diagnostic d’une infection BVD dans un troupeau bovin constitué de deux ateliers en réalité mal séparés.
Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.
Les responsabilités :
"Sur les responsabilités, le tribunal a d'abord retenu que si la présence certaine de la maladie remonte à l'année 2005, il ne peut être reproché aux vétérinaires d'avoir manqué à leur devoir de conseil et d'information sur la prévention sanitaire dès lors ce n'est qu'à partir du 1er novembre 2006 qu'il a été constaté une mortalité accrue des veaux de moins de six mois.
Il a cependant admis que postérieurement au 1er novembre 2006, les vétérinaires ont commis une faute pour n'avoir pas diagnostiqué la maladie avant le 5 avril 2007 alors même que M. M. s'était alarmé de l'état sanitaire de son troupeau et qu'ils avaient suspecté la présence du virus BVD, qu'ils auraient dû dès le mois de janvier 2007 procéder à des recherches sérologiques sur un nombre significatif d'animaux par des analyses sentinelles, concomitamment aux analyses sanguines effectuées au mois de janvier 2007 sur les vaches pour rechercher une éventuelle carence alimentaire en oligo-éléments.
Le tribunal a ajouté qu'à la suite du protocole d'accord du 18 avril 2007 conclu avec le groupe de défense sanitaire et [E], les vétérinaires ont failli à leurs obligations en n'effectuant pas un contrôle sanguin des animaux de moins de vingt-quatre mois et la vaccination des animaux reproducteurs, ce qui a favorisé la propagation du virus et le défaut de fertilité des vaches constaté durant l'année 2008".
Le préjudice :
"Le tribunal a ensuite retenu que la responsabilité des vétérinaires doit être limitée au préjudice causé par le retard de trois mois dans le diagnostic qui aurait permis de détecter la présence du virus BVD et les carences constatées dans l'exécution du plan de lutte contre l'épidémie.
Se fondant sur le calcul opéré par le cabinet d'expertise comptable [XY], le tribunal a évalué ce préjudice à la somme de 75 752 euros correspondant à concurrence de 39 985 euros aux pertes directes survenues en 2007 et à 35 767 euros compte tenu de l'hypothèse d'un accroissement du cheptel de [E]."
Le jugement a été confirmé en appel.
Les contrôles sanitaires à l’introduction d’animaux constituent un vrai investissement.
Le choix stratégique des infections à contrôler est déterminant.
La séparation sanitaire étanche entre ateliers distincts constitue une base importante de la biosécurité en élevage.
En matière de BVD, la prophylaxie sanitaire gagne généralement à être complétée par une prophylaxie médicale (vaccination) sur le cheptel reproducteur quand le risque est avéré.
L’engagement de l’éleveur est déterminant et son niveau d’engagement gagne à être précisé et consigné contractuellement par écrit, notamment dans le cadre du bilan sanitaire et du protocole de soins (suivi sanitaire permanent de l’élevage) afin d’éviter qu’il ne reproche ultérieurement à ses vétérinaires le résultat de son incohérence ou de sa propre incurie.
Il convient pour le vétérinaire d’être vigilant sur ses engagements pris lors de signature de contrat tripartite avec l’éleveur et le GDS (exemple du protocole de lutte contre la BVD).
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