Deux patients sont opérés le même jour, par le même chirurgien. L’établissement est en sous-effectif. Les règles de communication entre professionnels de santé ne sont pas respectées, entraînant une erreur d’identité...
M. H., 75 ans, est hospitalisé en service de chirurgie après avoir consulté un chirurgien urologue pour des difficultés mictionnelles. Le traitement médical initié par le médecin traitant n’apporte plus les effets escomptés. Il est alors orienté vers un spécialiste qui pose l’indication de résection par voie transurétrale de la prostate sous anesthésie locorégionale. L’intervention se déroule sans difficulté particulière le mercredi après midi. Le lavage vésical continu est arrêté vendredi matin. Le patient déambule dès le lendemain de l’intervention. La sortie du patient est prévue le samedi matin.
M. J., 73 ans, est opéré d’une résection par voie transurétrale de la prostate sous anesthésie générale le jeudi matin. Il déambule dès le soir de l’intervention. Le lavage vésical continu est arrêté le vendredi soir. La sortie est envisagée le samedi matin.
Le chirurgien urologue de garde fait la visite le samedi matin. Il est seul, non accompagné par une infirmière, car elles sont toutes occupées.
Il fait le point sur la situation de ces 2 patients et décide avec leur accord la sortie de M. H. et M. J. avec des conduites à tenir différentes pour ces 2 malades.
Il demande quelle infirmière s’occupe de ces 2 patients (dans cette situation, c’est la même personne), et lui demande de préparer leur sortie. Il précise oralement que M. J. sortira avec sa sonde urinaire car les urines sont encore très rosées ; le malade est informé des impacts de la situation, il reçoit les conseils en termes de soins et accepte les contraintes de la situation pour pouvoir passer le WE à la maison.
M. H. sortira donc sans sa sonde urinaire avec les conseils habituels.
Chaque patient quittera l’établissement avec un document qui résumera les éléments d’informations en lien avec l’intervention, et surtout les coordonnées téléphoniques pour joindre un interlocuteur en cas de besoin.
Il précise également à l’infirmière qu’il va au bloc pour opérer un jeune garçon d’une torsion testiculaire et qu’il revient dans 45 minutes pour consigner tous ces éléments dans les dossiers patients. A son retour de bloc, il repasse voir les malades, et constate que M. J. n’a plus sa sonde urinaire et que M. H a toujours la sienne. Il fait le point avec l’IDE, et il comprend qu’il y a eu inversion de patient.
Pour M. H, il a été très simple de mettre en œuvre l’ablation de sonde urinaire.
Mais pour M. J, le praticien propose une nouvelle pose de sonde pour prévenir toute complication en lien avec l’évacuation des urines.Il convient de noter qu’il habite à plus de 45 minutes de voiture de l’établissement de santé. Le patient accepte non sans inquiétude quant à la douleur que ce geste technique peut générer. La pose de la sonde se déroule sans difficulté technique, et le praticien conseille au patient une hydratation d’au moins 2 litres par jour et demande à l’IDE de surveiller l’aspect des urines jusqu’en début d’après-midi avant de laisser le patient rejoindre son domicile. Le malade signale le contexte très inconfortable et douloureux du geste.Lors de son départ, le patient manifeste auprès de la professionnelle paramédicale son mécontentement. Les regrets d’usage formulés, l’infirmière consigne l’événement indésirable par le biais du système de signalement électronique de la structure de soins.
• Mécontentement marqué du patient.
• Prolongation du séjour de quelques heures.
• Geste technique supplémentaire imprévu potentiellement douloureux et anxiogène pour le patient
Le Directeur des Soins, au vu des conséquences de cet incident, a demandé au Gestionnaire de Risques de procéder à une analyse de cette situation. Il souhaite comprendre comment un tel incident a pu se produire et si les moyens humains mobilisés étaient suffisants.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Erreur d’identité dans un contexte de prescription de soins faite oralement.
Constat de l’ablation de la sonde urinaire par le chirurgien lors de l’entretien avant sortie du patient.
Sur la nécessité de réaliser les prescriptions écrites :
Sur la nécessité de ne pas générer d’interruption de tâches :
Sur la nécessité de détecter le mode dégradé et d’augmenter la vigilance :
Sur la nécessité de l’implication des patients dans la sécurité des soins :
Une écoute attentive des réactions du patient (qui dispose d’une part importante de l’information concernant ses soins) peut permettre d’éviter des erreurs. Dans ce cas l’écoute du patient aurait généré un doute salutaire à lever avant d’agir.
Cette analyse d’événement indésirable montre une fois encore que le facteur humain a un impact dans les facteurs contributifs de l’événement.
Chaque professionnel doit être attentif aux conditions de travail de l’autre. Chaque fois que l’on trouve une situation de travail en mode dégradé, il convient de redoubler de vigilance et de prendre le temps de vérifier toute demande de soins.
Une absence de prescription écrite et une communication mal maîtrisée sont synonymes d’une erreur d’identitovigilance. Car dans cette situation, aucun élément ne permet d’affirmer qui est à l’origine de la défaillance. C’est le collectif qui a failli.