Les charges de travail lourdes sont souvent génératrices de désorganisation, situation propice aux erreurs parfois délétères pour les patients.
Dans une démarche de gestion de risques, il conviendra d’identifier ces zones de vulnérabilité et de mettre en œuvre les barrières de prévention permettant des parcours de soins sécures.
Monsieur M., âgé de 52 ans, consulte une première fois un premier service d’Urgences dans les suites d’une chute de sa hauteur car il se plaint de douleurs au bassin, à la hanche droite et au coccyx.
J0 : le médecin urgentiste qui le prend en charge procède à un interrogatoire et relève dans ses antécédents un traumatisme crânien à l’âge de 15 ans dans les suites d’un accident de la voie publique (renversé par un véhicule) ayant entraîné un coma de longue durée et la pose d’une dérivation ventriculo-péritonéale pour traiter une hydrocéphalie.
Cet AVP laissera de lourdes séquelles, neurologiques notamment, puisque le patient présente une comitialité traitée par Gardénal®, une surdité à gauche, des troubles de la mémoire, un syndrome frontal, des troubles de l’équilibre, … avec un taux d’invalidité retenu de plus de 80 % par les experts. Ce patient est accompagné par sa mère…
Le praticien prescrira une série d’examens d’imagerie médicale : les radiographies du bassin de face et de trois quarts, les radiographies des hanches droite et gauche face et profil n’objectiveront aucune fracture. Le patient sortira du service avec un traitement par antalgiques de niveau 1 (Paracétamol et Niflugel® en application locale).
J1 : le patient revient le lendemain pour une rétention d’urines. L’urgentiste qui le prend en charge ne relève pas de signes fonctionnels urinaires, pas de fièvre, pas de signes d’infection. Les examens de biologie reviennent normaux. Il est proposé au patient la mise en place d’un sondage à demeure qu’il accepte avec un retour à domicile.
J5 : Monsieur M. consulte un spécialiste urologue qui, après un examen du patient et un point complet de la situation, constate qu’il n’y a plus de douleurs, préconise l’ablation de la sonde urinaire et prescrit un traitement par alphabloquant Urotec®.
J6 : le patient se présente de nouveau aux urgences pour incontinence urinaire depuis le retrait de la sonde. L’urgentiste qui le prend en charge prescrira la réalisation d’un bilan sanguin et de nouveaux examens d’imagerie.
La radio de bassin montrera la présence d’un fécalome rectal, le TDM (tomodensitométrie) montrera une fracture tassement de L5 d’allure récente sans recul du mur postérieur, l’échographie réno-vésico-prostatique montrera un épaississement antérieur et supérieur de la vessie et le bilan sanguin objectivera une hyperleucocytose avec 14 800 globules blancs.
L’urgentiste conclura à un début de prostatite avec incontinence urinaire sur fécalome rectal avec un contexte de fracture tassement post-traumatique. Il propose alors une hospitalisation en Unité d’Hospitalisation de Courte Durée des Urgences en attendant un transfert possible en Médecine.
Un traitement antibiotiques (ATB) sera initié, et l’administration du Gardénal® maintenue.
J7 : le patient est accueilli en service de Médecine. Il bénéficiera d’une chambre particulière comme le demandait la famille.
L’examen d’entrée retrouvera un encombrement bronchique à l’auscultation pulmonaire, le bilan sanguin trouvera une fonction rénale normale mais l’Examen Cyto Bactériologique des Urines objectivera une infection urinaire. Le traitement ATB sera renforcé. Dans les jours qui suivent, l’état clinique du patient va s’améliorer avec la disparition de l’incontinence urinaire, la disparition de l’encombrement bronchique…
J12 : l’infirmière du service retrouvera Monsieur M. en pleine crise convulsive généralisée en fin de nuit… L’urgentiste qui interviendra immédiatement objectivera une saturation en oxygène à 85 % devant une probable pneumopathie d’inhalation, une hémodynamique conservée…
Mesures conservatoires mises en place avec l’administration de benzodiazépines et une oxygénothérapie au masque haute concentration. Le patient sera transféré en Unité de Soins Continus où un traitement par Rivotril® sera initié.
J13 : le malade refera une nouvelle crise convulsive généralisée avec arrêt circulatoire qui ne pourra être récupérée.
L’analyse immédiate du dossier mettra en évidence l’absence de prescription du Gardénal®…
Cet événement indésirable déplore :
Le cadre du service a déclaré cet Événement Indésirable par le système de déclaration de l’établissement de santé. La commission Qualité-Gestion des risques lors de leur revue des EI l’a classée comme très grave. Avec la réception du courrier de la famille, le Directeur Général demande au gestionnaire de risque de procéder à une analyse dans le cadre d’une démarche de gestion des risques en priorité absolue.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge du patient : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier selon la méthode ALARM validée par la Haute Autorité de Santé.
Crise convulsive généralisée du patient.
Lors d’un transfert patient d’un secteur à un autre, des points de vigilance doivent être respectés entre équipes de soins :
Ce cas démontre aussi le grand intérêt de la conciliation médicamenteuse à l’entrée du patient (et bien évidement à sa sortie).
Une nécessaire réflexion au sein de la structure sera initiée :
Une prise en compte des charges de travail doit guider les décisions des managers à tous les niveaux hiérarchiques pour garantir une organisation des soins sécure. Il est indispensable de créer des jauges de nombre de lits en fonction de l’effectif présent (en nombre et en compétence) pour un mode de travail en sécurité. |
Une approche collective, avec les professionnels concernés doit être la base d’une réflexion concertée avec une recherche des situations à risques à partir des retours d’expérience de tous les acteurs. Sans oublier les éléments recueillis à partir des déclarations d’événements indésirables qui doivent être considérés comme une mémoire collective à prendre en compte…
Pour aller plus loin
> La Méthode d’élaboration de Solutions pour la Sécurité du Patient (SSP) - HAS