Galam E. L’erreur médicale, le burn out et le soignant, Springer 2011
Nous aspirons tous à une société plus performante, réservant une place à chacun plus plaisante à vivre, plus juste, plus éthique, produisant plus de qualité dans ses produits et ses relations.
Cette société idéale est notre jardin de devant.
Elle cache souvent, pour ne pas dire toujours, et pour reprendre la métaphore du célèbre psychanalyste Jung, un jardin de derrière non accessible au regard des autres, où s’accumulent toutes les souffrances cachées de son égo malmené par le prix à payer à cette façade que l’on veut sans tâche.
Le médecin n’échappe pas à cette posture. Ses erreurs ne sont souvent pas racontables, simplement pas acceptables. Leur occurrence blesse le patient et leur enterrement blesse en retour le médecin laissant des traces indicibles et indélébiles, sans leçon guidée et avisée sur les modifications à faire. Le plus grand paradoxe est que cet enterrement rejaillit finalement secondairement sur la pratique motivant l’adoption d’une médecine plus défensive et moins sûre se traduisant par une triple peine : le patient comme première victime, le médecin comme seconde victime psychologique, et les patients ultérieurs comme encore plus vulnérables à de nouvelles erreurs de ce médecin fragilisé.
Le lecteur en conviendra, il faut faire quelque chose, mais le sujet n’est pas simple. L’ampleur du nombre de médecins concernés est juste impressionnante : presque tous à un stade modéré, et une bonne fraction d’entre eux avec des souvenirs obsédants pour des cas qu’ils n’ont pas su gérer, et surtout débriefer dans un cadre constructif et collectif, à la fois pour réduire leur propre douleur morale, et pour en tirer les leçons pertinentes sur leur exercice.
Les barrières au changement demeurent multiples: codes d’honneurs bloquants, hérités d’un passé et d’une société différente où le dogme de non fiabilité du médecin allait de pair avec la position sociale des acteurs, regard des autres impossible à supporter, qu’ils soient patients ou professionnels, perte de face insupportable, attitudes peu amènes des collègues (et peut être de nous lecteurs), explication difficile; en comparaison, les aides sont encore balbutiantes, mais commencent néanmoins à se structurer avec des initiatives qui montrent la voie, des savoir-faire mieux cernés.
Ce livre est le premier ouvrage en langue française qui propose une lecture complète de ce sujet difficile. Il est simplement remarquable sur le fond et sur la forme. Sur le fond, grâce à l’exceptionnelle connaissance de l’auteur sur ce domaine, par l’analyse de centaines d’articles constituant en la matière une revue de question sans précédent, et par la valeur ajoutée d’une synthèse personnelle sur les différentes dimensions du problème. Sur la forme, par un style scientifique, évitant de tomber dans l’écueil d’un psychologisme inutile, toujours très dynamique, facile à lire grâce à une plume nerveuse et un choix de découpage astucieux en une suite de mini questions-réponses, qui permet des mini-lectures par morceaux.