Lagadec P., Langlois M. Ne pas rater le retour d’expérience Early Published on April 23, 2020, chapitre de livre sous la direction d’Emmanuel Hirsh
Voici le résumé d’un excellent texte proposé sur les réseaux sociaux par un des plus grands experts français du domaine des crises, Patrick Lagadec, sur ce qui nous attend et qui sera exigé en matière de bon retour d’expérience du COVID.
Le principe du RETEX s’énonce aisément : rechercher les facteurs qui ont construit une situation difficile, non pour porter des accusations, mais pour disséquer : pratiques immédiates et interactions, bifurcations et enchaînements, courants de fond et cultures, qui ont produit la dynamique, de l’anticipation à la “sortie” de crise.
La tâche est imposante.
La difficulté, aujourd’hui, est de prendre en compte le changement d’échelle et la nature de l’objet à examiner : une pandémie de haute intensité, qui projette tous les acteurs hors du cadre convenu de l’accidentel particulier – le “domaine de vol” de nos boîtes à outils, organisations et doctrines de référence. C’est un très large spectre qu’il va falloir considérer – de l’opérationnel immédiat aux dynamiques profondes de nos organismes et institutions. L’exercice se déroulant, en outre, dans un environnement marqué par de la souffrance, des tensions, des ébranlements majeurs et non stabilisés.
Des pièges exacerbés vont immédiatement guetter les meilleures volontés.
À l’instant même où les portes du confinement s’entrouvriront, les vannes ont toute chance de céder brutalement, déversant des tombereaux de récriminations, à la mesure de l’épreuve subie, et des pertes massives en vies humaines et en coût pour la société.
Il faut s’attendre à voir se déclencher des dynamiques ultra-rapides et de hautes intensités. Des initiatives pour investiguer véritablement les causes et les effets, mais si dépourvues de méthodes et de moyens qu’elles se perdront vite dans l’impuissance ; des manœuvres, si fréquentes, pour se protéger de toute mise en cause ; des fabrications hâtives de “récits” dont la première force sera le simplisme permettant de séduire médias et spectateurs – les pièges sont innombrables… Et les cas sont légions où ces abîmes post-crises n’ont nourri que confusion et manipulation, impuissance et désespérance.
Les enseignements et les progrès sont pourtant d’une impérieuse nécessité. A la base de tout, il y a quelques repères fondamentaux. Pour être porteur de véritables enseignements constructifs :
Déroger à ces règles ne peut que conduire à des embardées rapidement disqualifiantes. Et les petites ou grandes manœuvres de captation, que l’on voit fleurir sur nombre de situations d’après-crise, ne peuvent conduire à rien de bon, sinon au maintien des béances et défaillances, au gonflement des ambitions, et à la perte encore plus marquée de la robustesse de l’ensemble.
A lire, sans surprise de la part de cet auteur