Soong C, Born KB, Levinson W Less is more, now more than ever BMJ Quality & Safety 2021;30:56-58.
Le Covid a encore accéléré un défaut chronique de notre système de santé à trop prescrire des tests et des explorations peu justifiées par la connaissance scientifique du moment, comme si ces examens avaient été magiques pour prédire des formes graves ou autres complications. Les auteurs préconisent encore plus en ces temps de Covid l’adage "moins c’est mieux" pour rester dans l’esprit d’une médecine qui non seulement s’évite de nuire au patient et qui s’évite aussi d’épuiser inutilement des ressources précieuses en temps de crise.
La crise n’excuse ni l’abandon de la science, ni le retour à l’improvisation, ni la réintroduction de croyances personnelles non scientifiquement fondées dans la pratique médicale.
Certes on a découvert chaque jour de nouvelles vérités scientifiques sur le virus et les stratégies ; on peut et on doit légitimement accepter l’idée d’un fast-track d’introduction de ces nouveautés dans nos pratiques en temps de crise ; mais cela ne s’adresse qu’à la partie prouvée, démontrée par la communauté scientifique et les méthodes de preuves, pas aux allégations non scientifiques ou non prouvées (par exemple ceux concernant l’anticoagulation systématique, la chloroquine, l’hydroxychloroquine, l’azithromycin, le zinc ou encore le remdesivir).
Évidemment, les professionnels sont confrontés devant leurs patients à une "obligation d’agir", de "faire quelque chose". Mais là encore, mieux on explique, moins en fait quand on ne sait pas, plus on préserve des ressources précieuses qui serviront aux patients les plus nécessiteux.
Ceci est tout aussi vrai pour le port d’équipements techniques, de prescription de molécules utiles à d’autres pathologies, et pour l’accès à des tests répétés concernant les patients asymptomatiques, surtout dans cette période de manque de ressources (par exemple le risque réel de Lupus décompensés aux États-Unis a été aggravé par l’épuisement des stocks de Chloroquine sur-prescrite par mésusage dans le Covid).
Bref, la logique "prescrire tout de suite, et étudier après" s’avère une très mauvaise stratégie, en temps normal comme en temps de crise, avec un risque important d’avoir un effet d’enthousiasme de départ avec un effet de contagion amplifié par les réseaux sociaux, la presse, et même repris par des politiciens, se transformant en pression d’adoption illégitime sur le système de soins avec à la clé une accélération considérable des effets indésirables.
Par exemple, la reprise sur les réseaux sociaux en mars d’une croyance de guérison en Chine de 5 patients en état critique qui auraient reçu du plasma de patients convalescents a entraîné une quête incontrôlée aux États-Unis de donneurs pour faire bénéficier leurs proches de cette thérapeutique infondée, au prix de risques inutiles, et d’un coût en ressources humaines et techniques importantes détournées des priorités.
C'était le risque du Covid. La pression de la crise favorise le commerce pour le meilleur et le pire.