L’efficacité et la sécurité des soins reposent d’abord sur la qualité du diagnostic vétérinaire mis en œuvre, lequel diagnostic est à l’origine du traitement. Celui-ci peut passer par l’administration de médicaments mais aussi par une intervention chirurgicale et également par diverses mesures hygiéniques, sanitaires, diététiques…
Trop souvent encore l’intervention du vétérinaire semble s’arrêter à la prescription de médicaments, matérialisée par une ordonnance, ou bien à la réalisation de l’acte chirurgical.
Le sérieux et le soin avec lequel les médicaments sont administrés ou bien les consignes post-opératoires respectées sont peut-être encore négligés par certains praticiens, voire considérés avec fatalisme et résignation. Pourtant, l’observance du traitement par le maître de l’animal apparaît aujourd’hui comme une voie fondamentale d’amélioration de l’efficacité du traitement prescrit.
L’observance est un comportement. Selon Morris et Schultz, cités par Lamouroux et al, en médecine humaine l’observance thérapeutique se définit comme le degré avec lequel le patient suit les prescriptions médicales concernant le régime prescrit, l’exercice ou la prise de médicaments. C’est l’acte de suivre le traitement prescrit. Il s’agit de la partie visible, objectivable et mesurable de cette pratique de soin. On peut dire aussi que c’est dans l’absolu le respect strict du traitement prescrit sur l’ordonnance. Le terme a toujours quelque peu sa connotation religieuse d’origine, laquelle renforce le caractère unidirectionnel de la « prescription » et aussi de « l’ordonnance »... D’aucuns parlent de compliance, d’autres même confondent l’observance avec l’adhésion thérapeutique, notion que nous définirons plus loin. Et en médecine vétérinaire la situation se complexifie du fait de l’existence de trois acteurs : l’animal, le maître et le vétérinaire…
Or, déjà en médecine humaine l’inobservance est fréquente, surtout pour les traitements au long cours (cas des maladies chroniques). Selon Lamouroux, plus de 80% des patients atteints de pathologie chronique ne suivent pas suffisamment leurs thérapeutiques pour obtenir des bénéfices optimaux et, en Europe, l’observance aux traitements serait inférieure à 70 %. C’est un problème sérieux pour les instances de santé, en termes de santé publique et aussi, au plan économique, en termes de gâchis de ressources.
La situation n’est pas meilleure en médecine vétérinaire. Brun, cité par Pibot, avance un chiffre de 56,5 % d’observance des traitements dans le cas de l’arthrose canine, chiffre sans doute optimiste puisque fondé sur des déclarations recueillies auprès des propriétaires.
Dans nombre de cas, des vétérinaires ont même pu voir leur RCP mise en cause par des maîtres insatisfaits du traitement prescrit… qu’ils n’avaient pas appliqué ou qu’ils avaient mal appliqué. Les vétérinaires ont donc intérêt à obtenir une bonne observance du traitement qu’ils ont conseillé ou prescrit et à la vérifier. Les industriels du médicament vétérinaire partagent du reste cet intérêt à une bonne observance, il y va en effet de la réputation des spécialités vétérinaires qu’ils mettent sur le marché.
Par ailleurs les répercussions possibles sur la santé publique sont telles (par exemple dans le cas de l’utilisation des antibiotiques ou bien des chimiothérapies anticancéreuses) que les pouvoirs publics ont un intérêt objectif à la bonne observance des traitements médicamenteux appliqués aux animaux.
Selon C. Deviers, l'observance peut être divisée en trois composantes :
L’observance médicamenteuse consiste d’abord, quant à elle, à respecter les doses prescrites, à respecter les fréquences d’administration indiquées, les heures de prise des médicaments, la durée du traitement.
Le praticien dispose de moyens de la vérifier : en dehors de l’observation des résultats cliniques et de ceux des examens biologiques et en dehors des échanges avec le maître lors des visites de suivi, certains dosages sanguins des principes actifs médicamenteux (gardénalémie par exemple) peuvent utilement permettre la vérification de la bonne ou mauvaise administration du traitement.
D’abord, en médecine vétérinaire, le traitement n’a de bonnes chances d’être bien appliqué par le maître que si celui-ci a confiance dans le diagnostic, dans le pronostic et aussi dans le traitement institué. Autrement dit s’il a confiance dans son praticien. Et il est utile, dans le cas de maladies chroniques, pour un traitement au long cours, que l’animal soit suivi au sein du même établissement par le même vétérinaire, dans le cadre de l’approfondissement mutuel d’un véritable contrat de confiance. Le contrôle de l’observance n’en sera que facilité.
Il a été observé en médecine humaine une relation de proportionnalité entre la durée de la consultation et la qualité de l’observance médicamenteuse. Les consultations-éclairs ne sont pas propices à la bonne administration ultérieure du traitement.
Le maître doit être réellement motivé par l’application conforme du traitement et disposé à le donner.
Il le donnera d’autant mieux que ce traitement sera plus simple et facile à donner, que le nombre de médicaments et le nombre de prises seront réduits. Dépasser deux prises par jour n’est guère raisonnablement envisageable dans le cas d’un traitement au long cours.
Le traitement doit avoir été bien expliqué au maître de l’animal dans son principe mais aussi, de la façon la plus pratique qui soit, dans ses modalités d’application.
Comment sectionner un comprimé, et surtout comment le faire avaler supposent assez souvent une démonstration effectuée au cours de la consultation par le praticien ou par son auxiliaire. Cela peut concerner aussi l’application d’un spot-on ou de tout autre traitement externe. C’est d’ailleurs à cet égard un des atouts du vétérinaire que de pouvoir délivrer le médicament qu’il prescrit. Ce double statut permet assurément une meilleure initiation du traitement par une formation pratique rapide « sur le tas », dans le prolongement immédiat de la prescription. Et c’est encore plus vrai pour les injections, notamment sous-cutanées (par exemple piqûres d’insuline dans le cas du diabète sucré). Dans sa thèse de doctorat-vétérinaire, G. Richard cite une statistique fondée sur une enquête qui interpelle : 45,8 % des propriétaires de chiens diabétiques déclarent n’avoir pas eu de démonstration d’injection sous-cutanée par leur vétérinaire pour la mise en place de l’insulinothérapie. Un peu moins de 20 % ont reçu des conseils de stockage de l’insuline, tandis qu’à 12,5 % seulement d’entre eux on n’a appris à prélever dans le flacon !
La bonne façon d’administrer un médicament doit être d’autant mieux expliquée et montrée que l’espèce soignée s’avère moins réceptive à l’administration forcée d’un médicament (chat, NAC). Les maîtres apprécient les astuces qui leur sont apprises au cabinet ou à la clinique vétérinaire (par exemple la pâte orale déposée sur la patte du chat).
Les progrès de la galénique en pharmacie vétérinaire, les formes-retard, les médicaments à libération et action prolongées sont autant de ressources qui viennent au secours d’une bonne observance médicamenteuse.
Une contrainte horaire dans l’application d’un traitement ne sera respectée par le maître que si la raison lui en a été expliquée.
Ajoutons que l’ordonnance, qui a vocation à être relue à la maison et qui prolonge les informations orales données au moment de la prescription, doit tout d’abord être parfaitement lisible : c’est un truisme qu’il n’est pas forcément inutile de rappeler. Réécrire les termes essentiels de la prescription sur l’emballage externe des spécialités pharmaceutiques au moment de la délivrance est un facteur supplémentaire de bonne observance thérapeutique.
Les explications orales et les démonstrations qui accompagnent l’ordonnance peuvent être utilement accompagnées de l’indication de sites à consulter (et, dans l’idéal, en priorité le site de la clinique s’il fournit efficacement les informations utiles) ou de vidéos à visionner.
Il faut avoir présent à l’esprit que 35 % seulement des informations données au moment de la consultation seraient mémorisées et qu’une semaine plus tard un pourcentage inférieur à 20 % est cité !
C’est pourquoi remettre un document d’accompagnement, une fiche propre à l’établissement de soins vétérinaires qui soit un support informatif élaboré avec pédagogie, agréable à consulter, concernant spécifiquement l’affection diagnostiquée et les principes et modalités pratiques de son traitement, constitue une trace écrite et un lien utile personnalisé entre le vétérinaire et le maître de l’animal, consultable à tout moment et prolongeant dans le temps la motivation à bien observer le traitement.
Les nouvelles technologies de l’information permettent également facilement de mettre à disposition des systèmes de rappels automatiques, connectés ou non.
Si l’observance est la dimension comportementale et mesurable d’une pratique de soin qui consiste à suivre la thérapeutique prescrite (et pas seulement le traitement médicamenteux), l’adhésion thérapeutique - qui fait intégralement partie de l’observance - peut se définir comme l’implication du maître de l’animal dans le choix du schéma thérapeutique et son consentement vis-à-vis des modalités d’administration et de la durée du traitement (C. Deviers, 2007). C’est, selon A. Lamouroux et al, en quelque sorte l’autre facette de l’observance.
L’adhésion thérapeutique qui, en médecine humaine, s’intéresse au point de vue du patient, en médecine vétérinaire s’intéressera naturellement à la coopération active du maître de l’animal.
Cette notion rejoint celle d’alliance thérapeutique ou, autrement et simplement dit, de partenariat entre le praticien et le maître de l’animal dans les soins qui lui sont apportés.
L’adhésion du maître suppose sa confiance dans le praticien. Celui-ci l’obtiendra aujourd’hui d’autant plus facilement qu’il associera le propriétaire ou le détenteur de l’animal à toutes les étapes de sa démarche clinique, depuis le diagnostic (et même le choix des moyens du diagnostic) jusqu’à la mise en œuvre du traitement sans omettre l’étape cruciale du choix du traitement au cours de laquelle les différentes options thérapeutiques devront lui être présentées en vue d’un consentement parfaitement éclairé. Plus encore que le consentement, c’est une décision particulièrement motivée et volontaire qui est recherchée.
Au cours de la consultation, le praticien explique, répond aux questions, aux objections.
Ce point est important, s’agissant des effets indésirables des médicaments que 62 % des maîtres connaissent et qui, pour 15 % d’entre eux, constituent un frein à l’adhésion thérapeutique (R. Brun), donc à l’observance.
Enfin, à l’inverse d’une médecine vétérinaire paternaliste ou même d’un échange trop simplement informatif, le praticien optera peut-être plutôt pour l’échange avec son client, à propos du choix du traitement parmi les différentes options possibles, mais cela en fonction de la personnalité propre du maître de l’animal, un mode interprétatif (il résume les faits et aide le maître de l’animal à décrypter) ou délibératif (il énonce en plus ses propres préférences).
Cela suppose, en médecine vétérinaire, que le praticien ait préalablement compris le profil psychologique du maître quant à sa relation à son animal de compagnie, laquelle relation déterminera le type d’explications à apporter plus spécifiquement.
Les visites de suivi permettront d’évaluer le traitement, son application, elles contribueront au renforcement du lien de confiance dans une médecine vétérinaire partenariale, interactive et en définitive ressentie comme bienveillante, en elle-même facteur d’observance et donc de succès thérapeutique.
BRUN (R) – L’observance thérapeutique dans l’arthrose canine. Thèse de doctorat-vétérinaire, Nantes 2018.
CHAILLAUD (M) – La personnalité des propriétaires de chiens, chats et nouveaux animaux de compagnie : contribution à partir d’une enquête psycho-sociale. Thèse de doctorat-vétérinaire, Toulouse 2017.
DEVIERS (C) – L’observance en élevage porcin. Une approche à partir d’une enquête dans quarante élevages du grand-Ouest de la France. Thèse de doctorat-vétérinaire, Toulouse 2007.
GALLITRE (C) – Elaboration de documents d’accompagnement à destination des propriétaires de chiens et de chats atteints d’affections chroniques : application au diabète sucré félin, à l’hyperadrénocorticisme canin et à l’insuffisance du pancréas exocrine chez le chien. Thèse de doctorat-vétérinaire, Toulouse 2015.
LAMOUROUX (A), MAGNAN (A), VERVLOET (D) – Compliance, observance ou adhésion thérapeutique : de quoi parlons-nous ? EM consulte Revue des Maladies Respiratoires, vol 22, n° 1, février 2005, Elsevier Masson.
PIBOT (C) - L’observance en médecine vétérinaire. Les voies de progrès. L’Essentiel, n° 501, octobre 2018.
REACH (G) - La non-observance thérapeutique : une question complexe. Résumé, site de La Prévention Médicale, novembre 2006.
RICHARD (G) – L’observance thérapeutique chez le chien et le chat diabétiques : données de la littérature et étude prospective à partir de 17 cliniques vétérinaires en France. Thèse de doctorat-vétérinaire, Nantes 2017.