Au cours des dernières décennies, le nombre de césariennes n’a cessé de croître jusqu’à pratiquement égaler celui des accouchements par voie basse dans certaines maternités.
Si 10% des naissances avaient lieu par césarienne il y a 20 ans, c’est 22% des enfants qui naissent ainsi aujourd'hui en France.
Mais la France est loin d’être une exception dans ce domaine, puisqu’on retrouve 30% des naissances par césarienne aux Etats-Unis, 35% en Italie, 40% au Brésil et jusqu’à 60% en Chine. Seuls les pays scandinaves semblent sortir du lot avec 15% des naissances vivantes aux Pays-Bas ainsi que dans de nombreux pays nordiques (Finlande, Islande, Norvège et Suède).
A croire qu'accoucher naturellement ne soit plus dans l’air du temps.
Une récente étude de la Fédération Hospitalière de France (FHF) sur la maîtrise médicalisée des dépenses de santé a mis en évidence des disparités importantes du taux de césariennes entre les établissements : de 9% à 43%. Et ce n’est pas, comme on aurait pu s’y attendre, les maternités de plus haut niveau qui ont le taux le plus élevé.
Ce rapport indique aussi qu’aucune corrélation n’a été retrouvée entre le taux de césariennes et les facteurs de gravité des grossesses.
Mais comment expliquer cette dérive alors que les professionnels de la naissance, soucieux de minimiser la morbidité maternelle et périnatale, ont à cœur d'accomplir un travail de qualité ?
Les motifs de cette inflation sont de 2 ordres : les évolutions médicales et les facteurs sociétaux.
Les évolutions médicales
- le développement de la procréation médicalement assistée qui conduit à l’augmentation du nombre de grossesses multiples pourvoyeuses de césarienne.
- l’accroissement des grossesses tardives dont les complications augmentent avec l’âge.
- la présence d’un ou plusieurs facteurs de risques : utérus cicatriciel ou présentation du siège.
D’autres pathologies moins fréquentes, s’accompagnent elles aussi de taux de césariennes particulièrement importants. C’est le cas des grossesses multiples, de l’hypertension sévère, du diabète gestationnel ainsi que des accouchements prématurés.
Les facteurs sociétaux
Devant le passage de l’exception à la banalisation de cette intervention chirurgicale en obstétrique, alors que la patientèle est majoritairement bien portante, on constate que l’évaluation des bénéfices/risques ne guide plus à elle seule le choix du mode d’accouchement, mais que d’autres facteurs non médicaux interviennent de façon significative dans la décision :
- les craintes liées au risque médico-légal qui engagent les obstétriciens à observer la plus grande prudence,
- l’organisation des naissances par la programmation de l’accouchement. En effet certains modes d'exercice et d'organisation des soins conduisent à ce principe de « précaution » et en particulier l'absence de garde sur place, les astreintes à domicile des anesthésistes et/ou des gynécologues.
- le droit des patientes à décider des soins les concernant, en particulier du choix d’une césarienne de convenance comme le stipule l’article L1111-4 du code de Santé Publique : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. » Les motifs de ce choix sont liés à la peur de la douleur et des lésions périnéales, mais le plus souvent à des problèmes d’organisation familiale.
Et malgré une information complète sur les risques encourus même rares, les demandes vont croissant alors que 19% seulement des obstétriciens en France accepteraient de se conformer à cette demande.
Exception faite des indications reconnues, si la césarienne permet de prévenir certains risques, c'est généralement au prix d'un nombre d'interventions abusives généré par cette idée largement répandue selon laquelle la césarienne constituerait la meilleure garantie de sécurité pour la naissance.
Pourtant il n’en est rien, et en dépit des évolutions remarquables de la technique chirurgicale, le taux de mortalité et de morbidité maternelles reste 2 à 3 fois plus élevé après un accouchement par césarienne que par les voies naturelles.
Il en est de même pour les complications respiratoires néonatales nettement plus fréquentes chez les enfants nés par césarienne.
Malgré la difficulté d’évaluer le bénéfice-risque de la césarienne, l’OMS préconise dans ses recommandations un taux maximum acceptable de 15%, invitant ainsi les professionnels d’un grand nombre de maternités, dont le taux est supérieur à 20%, à s’interroger sur leurs pratiques.
Un taux raisonnable obtenu par l’observance des recommandations concernant les indications de la césarienne en fonction du niveau de risques, serait un critère de qualité important, tant pour l'établissement que pour la santé des femmes, le meilleur choix pour les femmes et les nouveau-nés restant malgré tout l'accouchement par voie basse.